Opinion
Chemins qui mènent
vers le progrès
Koffi
Cadjehoun
Jacques
Cheminade - © Julien Lemaître
Lundi 20 août 2012 Robert Ménard, que l'on peut
critiquer pour maintes raisons, a
publié un papier courageux sur son
blog pour dénoncer le traitement
scandaleux qui est réservé à Jacques
Cheminade depuis 1995 : le Conseil
constitutionnel, présidé par le
socialiste Roland Dumas, a invalidé
ses comptes, en validant les comptes
de Balladur et Chirac. Problèmes : 1) ces deux comptes sont entachés de
graves irrégularités; 2) les comptes de Cheminade étaient,
eux, réguliers. Pour expliquer la décision injuste
de Conseil constitutionnel, le
président Dumas a expliqué que
Cheminade avait manqué d'habileté.
Cheminade a réussi à se représenter
aux présidentielles de 2012. Bien
qu'il ait offert le programme le
plus cohérent de ces élections
creuses, proposant des remèdes
avérés pour guérir de la crise qu'il
avait diagnostiquée en 1995, il n'a
obtenu que 0, 25% des suffrages, les
électeurs préférant de loin voter en
faveur de Sarkozy le néo-conservateur ou de Hollande le
libéral-socialiste, qui pourtant ne
produisaient aucune mesure pour
sortir de la crise - Sarkozy
n'hésitant pas à expliquer qu'elle
est finie. Sur cette affaire, le droit du plus
fort a remplacé le droit : ce
dernier considérerait que Cheminade
a présenté des comptes valides; le
droit du plus fort, que Cheminade
menace par ses idées les
institutions libérales en faillite
et qu'il mérite de ce fait d'être
ruiné, calomnié, détruit. Peut-on
détruire la vérité? C'est à cette
question que fut confronté l'Empire
romain face à l'émergence du
christianisme. L'Empire romain, de
loin le plus fort, perdit. Pourquoi?
Sans comparer Cheminade et Jésus, un
homme politique et un fondateur de
religion, les idées que propose
Cheminade pour sortir de la crise
sont à ma connaissance les seules à
l'heure actuelle dans le champ
politique pour contrer les effets du
libéralisme en déconfiture -
définitive. Je ne reviendrai pas sur
les mesures Glass-Steagall ou
Bretton Woods mondiaux,
d'inspiration rooseveltienne
(derrière, il y aurait à aborder le
sujet capital du système d'économie
américain). Le mieux serait de
prendre acte du fait que la
démocratie libérale française élit,
donc choisit, non plus des idées,
mais des forces.
Le plus fort est élu, pas le plus
intelligent ou le plus pertinent.
Raison pour laquelle Sarkozy, même
s'il n'a pas été élu, a réalisé un
score considérable : s'il ne défend
aucune idée politique, voire s'il
laisse entendre un discours de
mensonge et de haine, notre candidat
est puissant. Il représenta, pendant
son mandat sinistre et ces élections
hallucinatoires, le parti des
néo-conservateurs, l'expression de
l'impérialisme libéral le plus
virulent. Quant à Hollande, il faut
être peu perspicace pour ne pas
remarquer que notre candidat
étiqueté n'a de socialiste que le
label médiatique et qu'il propose un
programme libéral-démocrate qui
aurait été réfuté tant par Jaurès
que par Mendès-France (pas
socialiste en tant que tel).
Dans ce brouet insipide, Cheminade
fut le seul à apporter des idées
nouvelles à gauche, avec lesquelles
on peut se trouver en désaccord,
mais qui ne sont ni des idées
d'extrême-droite, ni des idées
sectaires, ni des idées folles. Le
démenti sonne comme un cuisant échec
de la démocratie libérale. Comment
dans une démocratie peut-on
calomnier à ce point - et propager
des sornettes?
Comme les calomnies de 1995 se sont
estompées, qui laissaient entendre
que notre allumé flirtait avec le
fascisme et Saddam Hussein, je ne
prendrai pour exemple que le thème
de la conquête spatiale. A très
court terme, c'est un sujet qui
n'intéresse personne. Si l'on se
montre borné, on peut éructer que
l'objectif est coupé de la crise
économique et du pouvoir d'achat en
berne.
Si l'on se montre un peu plus
perspicace, on rappellera que c'est
le journal vespéral Le Monde,
incarnant le point de vue des élites
de centre-gauche et passant pour la
référence française en matière de
journalisme, qui avait lassé
entendre que le pendable Cheminade
était subventionné par le pendu
Saddam. Depuis lors, notre honorable
quotidien au service des marchés
financiers ne s'est jamais excusé
d'avoir écrit des sottises aussi
grossières. Pis, le temps ne faisant
rien à l'affaire, en 2012, notre
journal décida dans son infinie
sagesse de censurer tout bonnement
la campagne de Cheminade, au motif
qu'il s'agissait d'un candidat
sectaire, fantaisiste et dangereux.
Nul besoin d'argumenter sur un
jugement aussi lapidaire, puisque le
juge est en l'occurrence le plus
fort des médias français du moment
et qu'il s'aligne sur le jugement du
Conseil constitutionnel émis par
Dumas, le plus fort des organismes
juridiques français. L'ironie étant
un inattendu, quoique fiable juge
historique, vient de se produire
l'événement Curiosity, sonde
spatiale envoyée sur Mars grâce à la
coopération de plusieurs Etats sous
l'égide des Etats-Unis (malgré les
coupes franches défendues par le
progressiste Obama sabrant les
programmes de la NASA).
Cheminade a été moqué parce qu'il
défendait le principe de la
découverte spatiale (que ses
interrogateurs, adeptes de la
question, déformèrent en résurgence
du colonialisme). Les journalistes,
caisse de résonance du propagandisme
oligarchique, se gaussaient d'un
candidat se vautrant dans les
histoires grotesques de petits
hommes verts et perdant son temps
avec des considérations qui
n'intéressent personne (en tout cas
pas les incompétents journalistes
exprimant la faillite des élites
intellectuelles, se prenant pour des
penseurs, voire des hommes
intelligents). D'un point de vue
économique, on rappellera les
retombées importantes qu'engendre la
recherche spatiale dans le domaine
industriel.
D'un point de vue stratégique,
l'objectif spatial peut être le
point de réconciliation des sociétés
mondialisées, qui, à défaut
d'objectif noble et éloigné,
flirtent avec la guerre (notamment
au Moyen-Orient). Les mêmes qui se
moquaient de l'hurluberlu Cheminade
proposant Mars et les petits hommes
verts en guise de politique font
montre (ou parade) d'un intérêt
subit pour Curiosity, parce que
désormais il se trouve promu par les
plus forts : les Etats-Unis, la
NASA, l'Occident... Curiosity
constitue le projet bien-nommé du
XXIème siècle, qui lance le
programme de l'essor et qui permet
de sortir de la crise terrestre.
Curiosity serait digne de curiosité,
quand Cheminade serait un OVNI -
curieux. Problème : si l'un ne fait
qu'annoncer l'autre, les deux sont
d'un objectif commun.
Derrière cet exemple qui en dit long
sur l'effondrement qualitatif du
débat politique en France, et du
niveau intellectuel et critique de
nos médias, la plupart des
électeurs, loin d'être d'infortunés
et honnêtes hommes, n'ont que les
candidats qu'ils méritent. S'ils ont
rejeté Cheminade, c'est qu'ils
suivent la loi du plu fort.
Chaminade défend en France le parti
des idées politiques, que l'on soit
d'accord avec elles ou non. Les
candidats principaux proposent en
guise d'idées des slogans de
communication, comme celui de
Hollande, inspiré de l'ineffable
Obama aux Etats-Unis (vous savez, le
président qui s'est arrogé récemment
le droit de tuer sans jugement tout
individu dans le monde mettant en
péril la sécurité des Etats-Unis).
Si Cheminade est condamné de manière
aussi injuste, c'est parce qu'il est
victime de la loi du plus fort, qui
précisément s'oppose à la Justice
démocratique. La loi du plus fort
explique très bien que les candidats
plus ou moins favorables au
libéralisme soient promus, tandis
que les exceptions qui refusent la
violence débouchant sur la crise que
nous endurons se trouvent incompris.
Que les sots victimes de la loi du
plus fort se mettent d'accord avec
leurs maîtres pour ne pas comprendre
qu'ils sont les dindons de la farce
est une constante historique qui
s'explique par le mécanisme
autodestructeur de la violence.
Le problème de fond réside plutôt
dans les conséquences de la loi du
plus fort. C'est la politique de la
terre brûlée. La loi du plus fort
engendre un appauvrissement des
idées et de l'esprit critique.
L'horizon est gangrené par les
diktats du libéralisme, d'autant
plus impérieux que le libéralisme se
trouve en crise terminale. Les
élites ont glissé d'un devoir de
service public vers des arguties
oligarchiques, selon lesquelles
elles sont au sévice
d'elles-mêmes. La dégénérescence qui
en résulte se manifeste par la
tendance de certains de nos
dirigeants, issus de grandes écoles
comme l'ENA, à faire montre de
médiocrité mimétique, voire
consumériste.
L'effondrement du niveau général se
manifeste autant par l'effondrement
des plus faibles (le retour aux
ploucs joueurs et menteurs) que par
la perte de sens des élites
reconnues, incapables de sortir du
mimétisme en déclin et juste bons à
chercher des moyens de continuer à
festoyer dans le Titanic, de
préférence dans des cabines
luxueuses et hermétiques. Le lecteur
sera prévenu : le martyr est le
témoin de son temps. Cheminade est
un martyr politique, qui est
persécuté parce qu'il apporte des
alternatives à la crise du
libéralisme, alternatives qui ont
fonctionné dans un passé proche.
Si on l'accule à la ruine, c'est
pour que la loi du plus fort montre,
plus que son hideux museau, son
impéritie crasse. Calomniez, il en
restera toujours quelque chose :
d'un point de vue historique, le
martyr annonce le progrès. Même si
le niveau politique est sans doute à
compléter sur le plan religieux,
Cheminade est du bois précieux dont
on fait le changement.
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