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Opinion

Confessions atlantistes
Koffi Cadjehoun

Samedi 12 novembre 2011

"Trop indépendant. Trop jaloux de ma liberté et trop persuadé, aussi, que c'est comme ça, en ne dépendant que de moi-même, que je peux, peut-être, parfois, servir à quelque chose."
BHL,
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/bhl-c-est-kadhafi-qui-a-choisi-la-guerre_1049282.html?xtor=x

Cet extrait émane de la confession (bourrée de remords?) de l'ancien ministre libyen du CNT Jibril, agent atlantiste patenté :
http://www.come4news.com/lybie-jibril-cnt-kadhafi-execute-par-une-force-etrangere-250304 notamment cette remarque :

"En tout cas, celui qui a ordonné (son exécution) voulait la mort de Kadhafi pour éviter qu'il dévoile des secrets après son arrestation".
Le bon Jibril a été récemment remplacé par un autre agent atlantiste patenté, salarié par les compagnies pétrolières dominantes (ENI, Total ou la BP). Notre article de Come4news cite la réaction contradictoire de l'allié BHL, qui est pris en flagrant délire de mensonge, un tic récurrent chez lui :

"Pour sa part, Bernard-Henri Lévy a indiqué à L'Express (selon le lien consultable en premier, NdA) qu'il ne croyait pas que les Kadhafi puissent détenir des secrets : « Je crois que personne n'avait d'intérêt à faire taire Kadhafi. Je sais qu'il y a des théories qui fleurissent sur la Toile et qui évoquent des redoutables secrets dont il aurait été dépositaire et qu'il aurait rendu publics s'il avait comparu devant une cour pénale. Allons ! Ne pensez-vous pas qu'il avait mille fois le temps de le faire pendant les huit mois de guerre ? Croyez-vous qu'il se serait privé, s'il avait disposé de ces terribles "dossiers", de s'en servir comme d'une arme de guerre ? »
Outre que les affirmations de Jibril contredise la version de BHL l'imposteur, la première phrase est grotesque quand on connaît le parcours de Kadhafi, ses collusions depuis quarante ans avec les services secrets communistes, occidentaux, ses liens avec des organisations nationalistes panarabes, ses accointances avec les milieux néo-nazis, ses compromissions avec des milieux d'affaires troubles, ses dernières amitiés avec l'inénarrable Blair... Il n'est plus besoin de démentir BHL, dont chacun sait qu'il est un propagandiste atlantiste, pas un intellectuel engagé (pour le côté philosophe, le blanc blafard a pris le dessus depuis longtemps). 
BHL essaye ensuite de se moquer du conspirationnisme de manière très maladroite et réactionnaire, ce qui rappelle son appartenance ubuesque pour le système qui s'effondre (l'atlantisme et sa variante le sionisme). Tout occupé à démontrer que Kadhafi aurait eu le temps durant les huit mois de guerre livré par l'OTAN/CNT pour livrer ses secrets, ce qu'il a d'ailleurs fait au moins en partie, passons sur cette nouvelle déformation, notre propagandiste échevelé BHL en oublie qu'il défend le droit d'ingérence démocratique, en Libye comme partout dans le monde depuis quarante ans, avec comme principale argutie qu'il ne s'agit pas d'imposer depuis l'extérieur la démocratie par la violence de la guerre, mais de soutenir des révoltes populaires majoritaires et massives contre des minorités dictatoriales par le moyen d'aides militaires sporadiques et ponctuelles :
"Il me semble que ce qui se passe à l'autre bout du monde nous concerne, vous concerne, me concerne. S'il se produit, au Bangladesh ou en Libye, en Bosnie ou au Darfour, au Rwanda ou au Sud-Soudan, un massacre, un génocide, une violation flagrante des droits de l'homme, si nous en sommes alertés, si nous avons les moyens de l'empêcher et si nous n'en faisons rien - alors nous perdons notre âme. C'est ça, l'ingérence. Et que l'Europe ait inventé ce concept, puis qu'elle l'ait appliqué, là, en Libye, pour la toute première fois, il y a tout lieu, en effet, d'en être fier." 
Oups. BHL est pris la main dans le sac, comme un mauvais propagandiste qui se coupe, alors que l'on attendrait de notre normalien agrégé de philosophie qu'il brille des feux de la rhétorique à défaut de production philosophique. Cruauté vengeresse de la vérité quand on ment : focalisé à défendre l'innocence des chefs d'Etat occidentaux en Libye, dont son opposant politique Sarko, BHL reconnaît que les démocraties occidentales sous la bannière de l'OTAN et leurs divers alliés étrangers ou autochtones ont livré "huit mois de guerre" en Libye. C'est la reconnaissance qu'il ne s'agit pas d'un soulèvement populaire majoritaire et même massif contre un clan dictatorial, réalisant un génocide ou un massacre désaxés conter des populations innocentes et pacifiques, mais d'une guerre impérialiste et colonialiste massive travestie en ingérence démocratique.
Ca, on le savait - de nombreux témoignage ne cessent de nous l'indiquer, de nous le rappeler :
"Tous comptes faits, avec sa prétendue « no-fly zone » et son intervention humanitaire, l’OTAN a clairement fait la guerre à un gouvernement pour le compte d’une faction insurgée. Point. C’était l’intention de départ, et l’entreprise a réussi."
Rick Rozoff, interview avec John Robles
http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be/archive/2011/10/26/la-curee.html

Mais ce qui est intéressant dans cet aveu édifiant sur la guerre véritable et l'absence d'ingérence démocratique verueuse, c'est de constater que BHL le sait aussi, ment de façon éhontée au point de descendre au niveau de la contradiction (le pétage de plombs). Il vend la mèche de son baratin quand il est présenté comme le grand manitou de la diplomatie internationale ayant sonné le tocsin de l'ingérence et ayant le carnet d'influence pour lancer les Etats derrière l'OTAN dans l'aventure de la guerre pour la démocratie en Libye et pour le peuple libyen. En fait, BHL est un pantin utilisé en France comme une marionnette par des intérêts politiques et financiers autrement plus puissants que sa verve de cabotin. Il le sait, comme il sait les résultats affligeants en termes de démocratie et de prospérité pour les peuples de l'ingérence démocratique, en Libye, en Géorgie ou en Afghanistan : l'ingérence renvoie à une invention impérialiste (Grotius) qui sert à cautionner l'impérialisme en le travestissant en démocratie. L'ingérence et la démocratie sont des oxymores. 
Il ne sert à rien de parler de BHL philosophe ou intellectuel. C'est une imposture patente et parente. Mais de BHL propagandiste, il convient de considérer le cas, au moment où l'atlantisme s'effondre. BHL ne travaille pas directement pour les intérêts de l'oligarchie britannique affiliée à l'Empire britannique, ni pour la City de Londres. On susurre qu'il serait un espion à la solde des Israéliens ou du sionisme (quel courant?). Je pencherais pour une troisième hypothèse : BHL travaillerait pour les intérêts du capitalisme français, non pas en tant que salarié direct d'un organisme ou d'une fédération, mais en tant que membre du cénacle de ce grand capitalisme français dont il n'est qu'un faible milliardaire, mais dans lequel il est entré par son rôle de porte-parole actif et engagé. Il serait rémunéré par la prospérité de ses placements boursiers issus de la fortune familiale (engrangée de manière démocratique par l'exploitation du bois en Afrique) et ses multiples tribunes dans les médias dominants français de ses amis actionnaires (Pinault, Lagardère, Arnault...).
Après le gag Botul ou les mensonges de Géorgie, BHL pète les plombs. Il serait temps que ses employeurs directs ou indirects le fassent rentrer dans le rang de l'anonymat, y compris en France, car le voilà qui sous prétexte de défendre l'ingérence démocratique en devient contre-productif pour la cause qu'il sert. Il s'empêtre dans ses valeurs revendiquées ou vérifiables au point où il confesse crûment l'impérialisme en lieu et place de la démocratie : huit mois de guerre, c'est beaucoup plus qu'une aide ponctuelle, beaucoup trop pour seulement aider des populations nombreuses et autochtones à se débarrasser d'un horrible dictateur sénile et paranoïaque. Et puis, on pourrait demander à notre chevalier de l'ingérence démocratique française pourquoi il n'appelle pas à renverser le régime saoudien, qui pratique la dictature et qui est bien davantage haï de sa population que Kadhafi ne l'était en Libye ou Ahmadinejad ne l'est en Iran.
Ne rêvez pas, BHL veut bien défendre la démocratie à condition que ce soit chez les faibles dictateurs - contre des dictateurs faibles. BHL a défendu la démocratie en Afghanistan contre les communistes dégénérés et en voie de disparition, et pour les atlantistes. Rebelote en Yougoslavie où il était déjà du côté de ceux qui arment al Quaeda, contre des régimes proches des anciens communistes. En Libye, aussi, BHL soutient des atlantistes cette fois en position de dégénérescence drastique contre un étrange dictateur socialiste-islamiste proche des défunts régimes communistes et lui aussi attaqué par les mercenaires d'al Quaeda (entre autres mercenaires étrangers et sans compter les mercenaires locaux).

Bref : BHL se trouve pris la main dans le sac à raconter n'importe quoi (ne le savait-on pas depuis le départ, avec notamment les critiques de Castoriadis, Deleuze ou Vidal-Naquet?), mais en plus il se contredit dans la même interview de manière grossière. Il s'agit d'un comique qui manie l'humour sur un sujet tragique (des dizaines de milliers de morts, un pays dévasté, de la torture, des assassinats, de l'impérialisme) et qui a décidé de nous faire rire jusqu'au bout - en soutenant la cause aveuglante de l'impérialisme atlantiste. Si l'on en doute, une dernière preuve, avec l'avis mesuré et lucide de BHL sur le sujet iranien : 
"En revanche, que l'Iran soit sur le point d'avoir des armes de destruction massive, qu'elle en ait l'intention et qu'elle soit au bord de réaliser son programme, ça, c'est à peu près sûr, personne de sérieux n'en doute."
Gentil BHL, il serait temps de prendre des vacances, par exemple avec ta nouvelle dulcinée, l'héritière irlandaise Daphne des brasseries Guiness, fille de sir Moyne, si ma mémoire est bonne. Car non seulement de nombreuses personnes doute que l'Iran veuille acquérir le nucléaire militaire, première inexactitude, mais encore le rapport même de l'AIEA confirme la précaution élémentaire de réfléchir avant de se lancer en guerre : selon le paragraphe 53 du rapport actuel, indexé sur le rapport NIE américain de 2011, les soupçons de l'existence de nucléaire militaire en Iran remontent à 2003 et depuis lors ne reposent sur aucun indice factuel probant. Une fois de plus, BHL divague et trahit son positionnement idéologique atlantiste au service de la cause du libéralisme français, illustrant cette course folle vers l'alliance avec la City de Londres - la nouvelle entente cordiale nouée en 2009.

Publié le 14 novembre 2011 avec l'aimable autorisation de l'auteur

 

 

   

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Source : Au cours du réel
http://aucoursdureel.blogspot.com/...

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