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L'ExpressionDZ.COM
Bush
à l’assaut de Moqtada Sadr
Karim MOHSEN
La
situation s’est nettement dégradée à Baghdad où l’armée
américaine tente de «nettoyer» le fief du chef radical chiite.
Plus
de 100 morts ont été comptabilisés dans l’attentat meurtrier
commis lundi contre un marché aux puces du quartier de Bab Al
Charki à Baghdad confirmant la détérioration de la situation sécuritaire
dans la capitale irakienne en butte depuis plusieurs mois à une déferlante
violence qui ne se dément pas. Une majorité de cette violence
est attribuée à des parties sunnites et surtout chiites,
notamment l’Armée du Mahdi, milice chiite du puissant radical
chef chiite Moqtada Sadr. Paradoxalement, ce dernier a connu une
certaine mansuétude de la part du Premier ministre, Nouri Al
Maliki, chef du parti chiite «modéré» Al Da’wa,
lequel a, sinon protégé, du moins freiné les tentatives faites
par ailleurs, pour désarmer les milices sadristes. Mais, au vu de
l’évolution de la situation, qui est dramatique, et surtout aux
pressions américaines, le gouvernement irakien de Maliki a dû
faire le choix difficile de faire rentrer dans les rangs un représentant
influent de la nébuleuse chiite en s’attaquant directement au
fief et aux hommes de Moqtada Sadr. Ainsi, depuis le mois de décembre,
une large offensive est menée contre des responsables de
l’organisation sadriste avec, à la clé, l’arrestation durant
les 45 derniers jours de pas moins de 600 cadres et militants du
mouvement de Moqtada Sadr. Parmi les personnes arrêtées figurent
plus de 16 cadres haut placés de cette milice, dont l’un
d’eux a été tué, a précisé l’armée dans un communiqué.
Ces cadres et miliciens seront jugés par des tribunaux irakiens a
indiqué, hier, la même source militaire américaine. Cinq des
cadres arrêtés sont des commandants de groupes armés dans le
quartier populaire chiite de Sadr City, dans l’est de Baghdad,
bastion de la milice. Par ailleurs, un porte-parole de l’Armée
du Mahdi, de Moqtada Sadr, Abdel Hadi Al-Darraji, a été arrêté
à Baghdad le 19 janvier, lors d’une opération visant, selon
l’armée américaine, «le chef d’un groupe armé
responsable d’enlèvements, tortures et assassinats de civils
irakiens». Donc, désormais les forces irakiennes et américaines
s’attaquent directement à la tête du mouvement de Moqtada Sadr.
Mais celui-ci n’est pas qu’un chef de milice: ses partisans détiennent
32 sièges sur 275 au Parlement et six ministres et secrétaires
d’Etat sur 37 au gouvernement et le Premier ministre, Nouri
Al-Maliki. C’est dire le dilemme que pose, notamment à Maliki,
le cas des milices chiites de l’Armée du Mahdi contre
lesquelles les GI’s américains sont partis en guerre alors que
Moqtada Sadr se trouve, désormais dans le collimateur du président
américain, George W.Bush. De fait, le démantèlement de cette
armée «privée» à la dévotion de Moqtada Sadr est
devenue une priorité pour le Pentagone selon lequel les milices
sadristes seraient responsables de la plus grande partie des
violences confessionnelles, comme l’indique le rapport
trimestriel du Pentagone publié le 19 décembre 2006. Ainsi, le
Pentagone a jugé que «le groupe qui a actuellement l’impact
le plus négatif sur la situation sécuritaire en Irak est l’Armée
du Mahdi, qui a remplacé Al Qaîda en Irak comme l’accélérateur
le plus dangereux d’une violence confessionnelle potentiellement
durable en Irak». En tout état de cause, les milices chiites
sont accusées d’être derrière la majorité des violences
commises, notamment dans la capitale Baghdad avec le dernier en
date, celui de lundi où près de 100 personnes avaient péri.
C’est contre cette hydre que l’armée américaine est partie
en guerre avec le risque d’enclencher une guerre dans la guerre,
s’ajoutant en filigrane à celle qui oppose, depuis février
dernier 2006 -attentat contre le mausolée (chiite) de Samara. Cet
attentat a, en quelque sorte, donné le coup d’envoi aux
violences confessionnelles- les sunnites aux chiites qui minent
l’Irak et aggravent la donne sécuritaire du pays. De fait,
entre les attentats contre l’université Moustansiriyeh de
Baghdad, mercredi dernier et celui de lundi contre le marché aux
puces Harraj, plus de trois personnes ont été tuées alors que
les blessés se comptaient par centaines. Dans un bilan diffusé
en début de semaine,
les Nations unies estiment, pour leur part, que plus de 34.000
civils ont péri en 2006 dans des violences en Irak, dont 16.800
à Baghdad, en grande partie de nature confessionnelle. L’Armée
du Mahdi se présente comme étant une force d’autodéfense mais
de nombreuses accusations sont portées contre elles, notamment
dans les enlèvements et disparitions, les tortures et les
assassinats (des dizaines de personnes sont quotidiennement découvertes
égorgées et torturées à Baghdad et dans sa périphérie, dans
leur majorité des sunnites, exactions attribuées généralement
aux «brigades de la mort» dont personne n’en connaît
l’origine, mais qui seraient le bras armée et «revanchard»
des milices sadristes. La milice de Moqtada Sadr compterait, selon
l’armée américaine, quelque 60.000 hommes. Son chef Moqtada
Sadr, farouche opposant à la présence étrangère militaire et
notamment américaine, jouit dans les quartiers chiites d’une
grande popularité. Avec ses 32 députés au Parlement et six
ministres et secrétaires d’Etat dans le gouvernement Maliki,
une armée mieux structurée que l’armée officielle, Moqtada
Sadr est loin d’être un chef de bande, mais apparaît plutôt
comme le responsable d’un Etat dans l’Etat. C’est cela le
dilemme qu’auront à résoudre les Américains et les autorités
irakiennes.
Publié
avec l'aimable autorisation de l'Expression
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