EODE - International Elections
Monitoring
Elections
territoriales en Polynésie française
Karel
Huybrechts & Luc Michel
Lundi 22 avril 2013
Pour EODE Press Office avec AFP –
PCN-SPO / 2013 04 21 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
La Polynésie française, un des confettis
résiduels de l’empire colonial français.
Un « territoire » à statut spécial -
collectivité d'outre-mer -, divisé entre
indépendantistes et autonomistes. Qui
organise ce dimanche un scrutin
territorial pour renouveler son
« Assemblée de la Polynésie française ».
I : LE SCRUTIN EN COURS
Le scrutin territorial pour renouveler
l'Assemblée de la Polynésie française
verra-t-elle le retour de Gaston Flosse
et de la droite ? Tel est l’enjeu
principal du scrutin.
Le vieil ami de Jacques Chirac, qui
collectionne les casseroles comme son
ancien leader, entend bien reconquérir
la présidence dans une bataille qui
l'opposera à son rival de toujours
l'indépendantiste Oscar Temaru.
Pour pouvoir participer à cette
élection, qui se tiend ce 21 avril 2013
pour le premier tour et 5 mai pour le
second, l'insatiable autonomiste de 81
ans ( !!!) n'a pas manqué de faire appel
en janvier d'une condamnation pour
corruption et de se pourvoir en
cassation d'une autre condamnation en
février pour détournement de fonds dans
une affaire d'emplois fictifs.
Dans cette collectivité du Pacifique sud
à la très large autonomie, les sondages
sont peu fiables et c'est à l'ampleur
des défilés de rue que se mesure le
poids des candidats. L'UPLD
indépendantiste de Temaru a rassemblé
2.500 militants, le Tahoeraa Huiraatira
de Flosse entre 8.000 et 10.000.
LE CLIVAGE FONDAMENTAL
AUTONOMISTES-INDEPENDANTISTES
La position de
favori de celui qui présida sans partage
la Polynésie de 1991 à 2004, ainsi que
la victoire totale de ses trois
candidats aux législatives de juin
dernier, expliquent l'acharnement
déployé ces derniers mois par Temaru à
tenter de faire inscrire - en vain - la
Polynésie sur la liste de l'ONU des pays
à décoloniser. En
Polynésie, le clivage droite-gauche a
peu de sens comparé au clivage
autonomistes-indépendantistes, mêmes si
les premiers sont souvent liés à la
droite et que le parti de Temaru a un
accord électoral avec le Parti
socialiste, devenu « un peu
embarrassant », dixit l’AFP, quand
François Hollande n'est pas favorable à
l'indépendance. Sur
un corps électoral de près de 194.000
inscrits et avec un taux de
participation stable de 70% aux
territoriales depuis 20 ans, "on
raisonne sur 140.000 voix: le Tahoeraa
compte sur une base de 50.000 voix et
l'UPLD sur 40.000 voix", explique à
l'AFP Sémir Al Wardi, maître de
conférences en science politique à
l'Université de la Polynésie française.
L'HYPOTHESE D'UN SECOND TOUR PRIVILEGIEE
Sauf énorme surprise, l'hypothèse d'un
second tour est privilégiée par tous les
observateurs. Et pour ce second tour,
les scénarii sont multiples en raison de
la physionomie de ce scrutin où 9 listes
ont été validées: 1 indépendantiste,
menée par Temaru, 1 départementaliste a
priori sans audience et 7 autonomistes,
dont celle de Flosse.
C'est le morcellement chez les
autonomistes qui peut amener des
rebondissements: toutes les têtes de
listes mènent campagne contre le
"système Flosse", marqué par le
clientélisme et ses dérives, et pour les
valeurs républicaines et la morale.
La question est de savoir si le 5 mai
verra un duel Temaru-Flosse, ou si ce
sera une triangulaire voire une
quadrangulaire. "Il faut se rappeler la
grande surprise de 2008 et les 60.000
voix de Gaston Tong Sang (ex-Tahoeraa)",
rappelle le politologue. Pour se
qualifier au second tour, il faut
obtenir environ 17.000 voix. "Toutes les
listes qui se présentent rêvent de
refaire l'exploit de Tong Sang",
souligne-t-il. Deux
candidats pourraient y prétendre.
D'abord Teva Rohfritsch, ancien proche
de Gaston Flosse, qui joue la carte de
la troisième voie avec une liste
composée de maires et de chefs de petits
partis. Et puis Teiva Manutahi,
éducateur spécialisé, dont le parti,
Porinetia Ora, symbolise le renouveau de
la classe politique et a réussi à
mobiliser lors de manifestations de
proximité dans les communes.
LA DROITE ET L’ULTRA-DROITE FACE A LA
QUESTION DE LA CORRUPTION
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la
République, droite souverainiste) a fait
le déplacement mi-avril pour soutenir
Manutahi de Porinetia Ora, taclant au
passage Marine Le Pen (Front national,
néofasciste) qui avait peu auparavant
rencontré Gaston Flosse et déclaré
qu'elle préférait une "République
immorale" (sic) à "pas de République du
tout" autrement dit l'indépendance
voulue par Temaru.
Alors que l'Hexagone est agité des
remous du scandale Cahuzac, les affaires
que traîne Gaston Flosse ne semblent pas
entamer son capital de sympathie. "Il y
a un rapport affectif fort avec les
leaders politiques", décrypte Sémir Al
Wardi, "de plus, la justice est popa'a
(blanche) et le droit est français, les
condamnations n'ont pas le même
retentissement".
En outre, quand il a présidé la
Polynésie, "il n'y avait pas la crise,
les transferts de l'Etat étaient très
importants (après l'arrêt des essais
nucléaires, ndlr) et Flosse a
redistribué, certes, sous forme de
clientélisme, mais ça l'a rendu
populaire", ajoute le politologue.
A Paris, on assure que l'Etat
"travaillera avec le gouvernement
démocratiquement élu", qui aura enfin
plus de stabilité grâce à la prime
majoritaire introduite dans la loi de
juin 2011. Car de nombreux sujets
attendent le futur président comme le
redressement des finances exangues ou la
relance d'une économie en berne.
II : LA POLYNESIE FRANÇAISE ET LE COMBAT
POUR L’AUTONOMIE La
Polynésie française est une collectivité
d'outre-mer de la République française
(code officiel géographique 987),
composée de cinq archipels3, soit un
total de 118 îles dont 67 habitées4,
située dans le Sud de l'océan Pacifique,
à environ 6 000 km à l’est de
l’Australie : l'archipel de la Société
avec les îles du Vent et les îles
Sous-le-Vent, l'archipel des Tuamotu,
l'archipel des Gambier, l'archipel des
Australes et les îles Marquises. Elle
inclut aussi les immenses espaces
maritimes adjacents5.
DE LA COLONISATION A L’AUTONOMIE
TERRITORIALE Les
premiers habitants de ces îles
proviennent probablement de migrations
en provenance d'Asie du Sud-Est vers
l'an 300. La rencontre avec les
navigateurs européens entraîne à la fin
du XVIIIe siècle des épidémies qui
déciment les populations autochtones.
Les campagnes d'évangélisation et
l'introduction de l'alcool achèvent la
destruction de la culture et des savoirs
de chaque île. La France impose
progressivement à compter de 1843 son
protectorat, contrant ainsi l'influence
britannique. Il
faudra attendre 1946 pour que les
habitants accèdent au droit de vote et
1957 pour bénéficier d'un premier
gouvernement local. La langue
polynésienne ne retrouve toute sa place
dans les écoles qu'en 19776. La
Polynésie française est aujourd'hui une
collectivité d'outre-mer, bénéficiant
d'une large autonomie par rapport au
gouvernement central métropolitain. Son
axe principal de développement demeure
le tourisme, reposant sur un patrimoine
naturel et culturel exceptionnel.
En 1946, la constitution de la IVe
République établit l’Union française :
les EFO passent du statut de colonie à
celui de territoire d'outre-mer et le
droit de vote est accordé aux habitants.
Le mouvement anticolonialiste se
structure dans les années 1945-1949 : en
1949, Pouvanaa Oopa est élu député et
fonde le RDPT, parti autonomiste, qui
domine la vie politique dans les années
1950, malgré la formation de l’Union
tahitienne de Rudy Bambridge, parti
attaché au maintien de la souveraineté
française. En 1957,
les EFO prennent le nom de Polynésie
française et bénéficient d’un statut
plus autonome grâce à la loi-cadre
Defferre. Pouvanaa Oopa devient ainsi le
premier vice-président, et chef d'un
gouvernement d'élus locaux. L'assemblée
est dotée de compétence accrue. Le
gouverneur demeure cependant le
président de celle-ci. Mais
l’installation de la Ve République en
mai 1958 entraîne une forme de mise au
pas, avec un renforcement des pouvoirs
du gouverneur au détriment du
gouvernement local. L’arrestation de
Pouvanaa Oopa le 11 octobre 1958,
bafouant son immunité de député,
condamné à 8 ans de prison et à 15 ans
d'exil, est le point d'orgue de cette
reprise du pouvoir par l’État central.
Dans les années 1970, deux questions
d’ailleurs liées sont essentielles :
celle du statut du territoire et celle
des effets d'essais nucléaires qui
commencent en 1966. L’Union tahitienne
(Rudy Bambridge, puis Gaston Flosse),
ralliée au parti gaulliste (UNR, UDR
puis RPR) défend les positions
gouvernementales tandis que le RDPT est
plus contestataire : il est d’ailleurs
dissous en 1963, ce qui amène la
création du Pupu Here Aia en 1965 (John
Teariki). Une nouvelle personnalité
politique apparaît en 1965 : Francis
Sanford, avec le parti Te Ea Api, qui
adopte une orientation autonomiste. La
mesure d'exil à l'encontre de Pouvanaa
Oopa est levée en 1968, il est accueilli
triomphalement à Papeete et devient
sénateur en 1971 pour le Pupu Here Aia.
LES INDEPENDANTISTES SE STRUCTURENT
Au cours des années 1970, apparaissent
des formations plus nettement
indépendantistes, notamment le parti
créé par Oscar Temaru (FLP/Tavini
Huiraatira). Un premier changement de
statut a lieu en 1977 (autonomie de
gestion), complété en 1984 (autonomie
interne).
Dans les années 1990 et 2000, la vie
politique est structurée autour de deux
partis : Tavini Huiraatira (Oscar Temaru)
et Tahoeraa Huiraatira (Gaston Flosse).
LES ANNEES FLOSSE De
1991 à 2004, Gaston Flosse règne sans
partage. Il met en place un vaste réseau
de propagande au service de son parti,
le Tahoeraa Huiraatira. La justice lui a
ainsi reproché d'avoir fait signer des «
contrats cabinets » à des militants du
parti, mis à la disposition de communes,
de fédérations sportives, d'une radio,
de syndicats ou de services sociaux.
Il est condamné le
4 octobre 2011 à ce titre par le
tribunal correctionnel à 4 ans de prison
ferme. Il développe également un service
de sécurité (Groupement d'Intervention
de la Polynésie) de plusieurs centaines
d'hommes, et un service de renseignement
(Service d'études et de documentation
SED). Il a été condamné en appel le 28
octobre 2010 pour avoir entrepris « une
entreprise de destruction systématique »
des documents du SED. Il a fait
également l'objet de diverses
condamnations pour détournement de fonds
publics, certaines procédures étant
encore en cours en 2012.
En 2004, plusieurs formations se
regroupent autour du Tavini et forment
l'UPLD. De 2004 à nos jours une période
d'instabilité chronique s'ouvre : 13
gouvernements se succèdent entre 2004 et
2011, mais seulement 3 hommes occupent
la place de président : Gaston Flosse,
Oscar Temaru et Gaston Tong Sang11.
EODE Press Office (avec AFP)
http://www.eode.org/eode-international-elections-monitoring-elections-territoriales-en-polynesie-francaise/
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