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Gaza

Nariman
Dr.Kamil el Shami

29 juillet 2008

Elle avait attendu longtemps au coin de la rue avant de trouver ce taxi pour aller à l'université. Elle en descendit et se précipita vers la salle de cours. Elle avait quelques minutes de retard. Elle frappa à la porte et pénétra dans la salle sans attendre d'être autorisée à y entrer. Elle salua à voix basse puis se dirigea rapidement vers une chaise pour suivre le cours comme d'habitude. Elle était tendue et confuse mais elle réussit à prendre place parmi ses camarades sans provoquer de remous.

A la fin du cours, Nariman présenta ses excuses au professeur puis elle contacta son amie par cellulaire. Elle rejoignit Nada dans le jardin de l'université. Elles s'assirent à l'ombre d'un des grands arbres disséminés dans le jardin coloré de toutes sortes de fleurs. Les étudiantes se promenaient dans l'herbe en discutant ou en passant des appels sur leur portable.

Les deux amies se mirent à discuter de leurs camarades, des examens finaux et de l'obtention de leur diplôme du département des media à la fin du semestre.

Ayant constaté la nervosité de Nariman, Nada lui demanda pourquoi elle était si tendue.

Nariman répondit : -" Je n'ai pas bien dormi la nuit dernière. Nos conditions de vie empirent de jour en jour ... la politique, l'économie, le blocus, notre quotidien ... Imagine-toi ! J'ai attendu un taxi plus d'une heure ! La vie est au ralenti. Je ne sais pas comment mon frère Zaydoun pourrait garder son travail à l'usine, ils n'ont plus de matières premières."

Les paroles de Nariman traduisaient la tristesse et le découragement.
Après un petit silence, Nada déclara :-" Je sais que tu es sensible ma petite Nariman mais tu devrais départager les problèmes plutôt que de les aborder de façon globale. Tu devrais faire la distinction entre les questions d'intérêt public et les questions personnelles .Ne sois pas pessimiste, les choses changent. Tu es ambitieuse et tu voudrais atteindre ton but dès maintenant mais ce n'est pas raisonnable dans une période où nous sommes accablés de souffrance."

-" D'accord ! Aristote toi ! J'aimerais être aussi calme que toi ! Mais je dois y aller, j'ai un cours de Media Pédagogiques."
-"On dirait que tu l'aimes bien ce cours ..." répliqua Nada en faisant un clin d'oeil.

-" C'est vrai ! Le professeur est très compétent et il est très franc dans ses rapports avec tout le monde."

-" Et à propos de ses articles dans la revue universitaire ?"

-" J'ai lu son dernier article. Il met le doigt sur ce qui fait mal. Il décrit objectivement la situation de crise que nous vivons."

-" Et alors ?"

-"Rien ... j'y vais ! A bientôt ! Dis, je serai sur MSN ce soir pour chatter ..."

-" D'accord, on papotera s'il n'y a pas de coupures de courant."

Le lendemain, la voix de sa mère qui se plaignait de maux de tête, réveilla Nariman.

Elle appela immédiatement son frère qui habitait un appartement dans le même bâtiment. Il arriva aussitôt et aida Nariman à faire monter leur mère dans un taxi pour la conduire à l'hôpital.

Les rues étaient désertes à l'exception d'une voiture, équipée de haut-parleurs, qui annonçait la mort de deux résistants palestiniens, tués par les Israéliens lors d'une invasion.

Aux urgences, le médecin examina la patiente mais s'excusa de ne pas être en mesure de fournir un traitement en raison de la pénurie de médicaments à l'hôpital.

Nariman contacta son amie Riwaa qui travaillait dans un entrepôt pharmaceutique du centre-ville dans l'espoir d' obtenir le médicament nécessaire.

Jour après jour, l'insécurité devenait de plus en plus angoissante : assassinats par les airs, par la terre et par la mer. Les déplacements étaient de plus en plus difficiles à cause de l'intensification du blocus et du manque de carburant.

Les universités fermèrent leurs portes pour deux semaines avant de les rouvrir.

Nariman décida de poursuivre ses études quoi qu'il arrive. Mais elle avait d'énormes difficultés à se rendre à l'université.

Quand elle sortait de la maison, un jeune-homme la suivait des yeux de la fenêtre des voisins. Mais elle l'ignorait. Elle avait un but à atteindre et elle ne pensait à rien d'autre. Elle voulait obtenir son diplôme puis trouver un travail. Elle avait déjà commencé à rassembler les coordonnées des institutions susceptibles de lui proposer un emploi, même à temps partiel. Mais elle savait que le chemin serait jonché d'embûches.

Le jeune amoureux envoya sa mère demander sa main. La mère de Nariman s'excusa , sa fille faisait encore ses études. La demande fut réitérée plusieurs fois sans que Nariman soit au courant. Même la tante fut envoyée en négociateur mais en vain.

Peu à peu, tout le quartier fut au courant.

Les femmes commencèrent à saisir toutes les occasions pour faire des remarques à Nariman et à sa maman, ce qui devint vite pénible.

Puis Nariman obtint son diplôme, elle contacta de nombreuses entreprises et se rendit à de nombreux entretiens, sans succès.

Un chef d'entreprise lui expliqua les difficultés financières rencontrées par tous les fournisseurs d'emploi malgré les efforts de l'action civile.

Mais elle ne baissait pas les bras.

Un jour, sa mère l'informa que la voisine allait venir les voir pour discuter d'un sujet très important. Nariman devina immédiatement l'objectif de la visite mais elle ne fit aucun commentaire.

Assise à côté de Nariman, la voisine l'examinait de près en souriant.
Puis elle lança :

-" Qu'est-ce qu'il a, Adnan ? C'est un gentil garçon. Il n'a pas de travail actuellement, c'est vrai, mais vous seriez ensemble et vous vous entraideriez."

Nariman garda le silence. Elle ne prononça pas un seul mot.

La voisine se mit en colère et partit sans boire le thé.

Nariman passa la nuit à rêver dans le jardin de la maison.
La nuit était calme et claire et la lune était ronde.

Elle contemplait le ciel en cherchant Cassiopée et Scorpion.
Elle imaginait qu'elle avait une grande échelle qui montait jusqu'à Cassiopée.

Elle était alors assise à côté d'une étoile, heureuse et sereine.

Elle voyait la Terre en bas. La Terre tranquille. La Terre en paix.

Clignotante de petites lumières.

- Nariman ? Rentre maintenant !

C'était sa mère.

 

Dr.Kamil el Shami
Professeur à l'université et écrivain à la Bande de Gaza
shamikamil@yahoo.com



Source : Kamil el Shami


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