Opinion
Egypte : al-Sissi,
dirigeant du coup d'Etat en Egypte
brandit la menace d'une répression de
masse
Johannes Stern
Samedi 27 juillet 2013
Trois semaines
après le coup d’Etat militaire qui a
évincé du pouvoir le président islamiste
Mohamed Morsi et les Frères musulmans
(FM), l’armée égyptienne est en train de
planifier une répression de masse pour
consolider son emprise sur le pays et
rétablir une dictature militaire. Le
meneur du coup d’Etat en Egypte et
véritable dirigeant du pays, le général
Abdel Fattah al-Sissi, a appelé tous les
« Egyptiens honnêtes et loyaux » à
soutenir la campagne de répression de
l’armée.
Des manifestants
anti-Morsi ont commencé à se rassembler
jeudi soir sur la Place Tahrir au Caire
ainsi qu’à Alexandrie et à Port Saïd.
Entre-temps, les Frères musulmans (FM)
ont appelé à des rassemblements,
exigeant la rétablissement de Morsi qui
est toujours en détention militaire. Le
pays, qui compte 84 millions de
personnes, est confronté à la
perspective d’une intensification du
bain de sang dans un conflit latent qui
a coûté la vie, depuis le coup du 3
juillet, à au moins 200 personnes, pour
la plupart des partisans de Morsi.
L’Alliance
pro-démocratie anti-coup d’Etat menée
par les FM a accusé l’armée de publier
un « appel explicite à la guerre civile.
»
L’armée a fixé aux
partisans de Morsi une date limite
jusqu’à samedi pour « rallier la nation
qui s'apprête à se lancer dans l’avenir
», en menaçant de « retourner les fusils
» contre ceux qui perpétuent la «
violence » et le « terrorisme ».
Dans un discours
prononcé mercredi lors d’une cérémonie
militaire retransmise à la télévision
d’Etat, le général Sissi a dit : «
J’appelle tous les Egyptiens honnêtes à
descendre dans la rue vendredi pour me
donner mandat pour en finir avec la
violence et le terrorisme. »
Le discours
d’al-Sissi doit être compris comme une
menace. Il vise à mobiliser dans la rue
des voyous favorables à l’armée dans le
but de fournir une couverture à une
répression encore plus brutale de
l’armée. Ses remarques rappellent le
tristement célèbre discours tenu le 1er
février 2011 par l’ancien dictateur
Hosni Moubarak avant son éviction,
lorsqu’il avait juré de rester au
pouvoir pour défendre la nation
égyptienne et « continuer à poursuivre
les délinquants. » Le lendemain, dans la
« bataille des chameaux, » il a déchaîné
ses nervis pour attaquer les
travailleurs et les jeunes qui
protestaient sur la Place Tahrir. »
Au cours des
semaines écoulées, l’armée a déclenché
une répression brutale. Le 8 juillet,
l’armée a tué au moins 51 manifestants
partisans de Morsi et blessé des
centaines d’autres dans un massacre qui
a eu lieu devant le quartier général de
la Garde républicaine au Caire où Morsi
était supposé être détenu. Des milliers
de membres des FM ont été emprisonnés, y
compris le Guide suprême des FM, Mohamed
al-Badie.
Alors que la cible
immédiate de la répression sont les FM,
l’objectif final de l’armée est la
répression de la classe ouvrière qui est
la force motrice de la révolution
égyptienne. L’on s’attend à ce
qu’al-Sissi annonce vendredi l’état
d’urgence pour réinstaurer les
tristement célèbres lois d’urgence de
l’ère Moubarak. Tout comme Moubarak
avant lui, al-Sissi fait allusion à une
supposée menace de « terrorisme » afin
de fournir une couverture à la
répression et établir une dictature
militaire.
Les projets
dictatoriaux de Sissi sont soutenus par
l’alliance Tamarod (« rebelle ») qui a
déclaré sur sa page Facebook : « Nous
appelons tous les Egyptiens à se masser
sur les places d’Egypte ce vendredi pour
réclamer officiellement des poursuites
judiciaires contre Mohamed Morsi et
soutenir les forces armées égyptiennes
dans leur guerre à venir contre le
terrorisme.
La veille des
manifestations de vendredi, Mohammed
Abdul Aziz, porte-parole de la coalition
Tamarod, a déclaré, « Demain nous
nettoierons l’Egypte, » en ajoutant à
l’égard des Frères musulmans, « Nous ne
laisserons pas des extrémiste ruiner
notre révolution. » Tamarod, alliance
politique soutenue par un certain nombre
de riches oligarques égyptiens et des
restes de l’ancienne dictature d’Hosni
Moubarak, incluant aussi des éléments de
la pseudo-gauche, tels les Socialistes
révolutionnaires, avait œuvré pour
canaliser les protestations de masse
contre la politique droitière de Morsi
derrière la prise de pouvoir de l’armée.
Depuis le début,
Tamarod est un complot de droite. Il
fonctionne comme groupe écran pour la
réinstauration de la dictature militaire
en Egypte défendant les intérêts de
puissantes sections de la bourgeoisie
égyptienne.
Le 20 juillet, le
Washington Post a publié un
article intitulé «
After Morsi’s ouster, Egypt’s old guard
is back— and Muslim Brotherhood is out
» (Après le limogeage de Morsi, la
vieille garde égyptienne est de retour,
et les Frères musulmans dehors) en
précisant comment le coup d’Etat avait
rétabli au pouvoir d’anciens
responsables du régime et des généraux
de l’armée de Moubarak. Le Post
écrit, « Après le coup du 3 juillet qui
a renversé Morsi, la nouvelle dynamique
de pouvoir de l’Egypte est étrangement
familière. Sont partis les dirigeants
islamistes des Frères musulmans
autrefois bannis. Sont de retour les
visages de la vieille garde, dont un
grand nombre sont étroitement liés au
régime de Moubarak ou aux généraux tout
puissants. »
L’article cite Amr
Ali al-Din, avocat représentant les FM
emprisonnés : « Nous sommes revenus à
l’époque d’avant le 25 janvier. C’est le
même traitement dans les prisons et dans
les rues. »
Dans son offensive
contre-révolutionnaire, l’élite
dirigeante égyptienne compte sur
l’influent milieu libéral et
pseudo-gauche en Egypte qui est en train
d’effectuer un très net tournant vers la
droite. Menacé par le mouvement de masse
de la classe ouvrière, les forces
politiques qui précédemment critiquaient
le régime Moubarak sont pris dans une
vague de chauvinisme droitier.
Un article publié
par le Post le 22 juillet sous le
titre «
Egypt’s ‘democrats’ abandon democracy
» (Les « démocrates » d'Egypte
abandonnent la démocratie) cite Esraa
Abd, l’une des co-fondatrices du
Mouvement de la Jeunesse du 6 avril et
qui soutient le coup d’Etat. Le Post
écrit qu’elle « justifie l’intervention
militaire dans un accès de xénophobie
exagérée : 'Lorsque le terrorisme tente
de s’emparer de l’Egypte et que
l’ingérence étrangère tente de
s’immiscer dans nos affaires
intérieures, alors il est inévitable
pour le grand peuple égyptien de
soutenir ses forces armées contre le
danger venu de l'étranger.' »
Entre-temps, à
Washington, le gouvernement Obama a
clairement fait comprendre qu’il ne
s’opposera pas à la consolidation par
l'armée de son pouvoir. Le secrétaire
d’Etat américain adjoint, William Burns
a informé jeudi de hauts responsables du
Sénat et de la Chambre des représentants
américains, en expliquant que le
gouvernement n’avait aucune intention de
rendre une décision reconnaissant qu’un
coup d’Etat avait eu lieu en Egypte.
En vertu du droit
américain, une telle décision
entraînerait la suppression de l’aide
annuelle américaine de 1,55 milliards de
dollars versée à l’Egypte, dont 1,3
milliards de dollars va directement à
l’armée du pays. « Il n’est pas de notre
intérêt national de prendre une telle
décision, » a dit un responsable
gouvernemental à l’agence d’information
Reuters.
Mercredi, le
gouvernement a annoncé qu’il reportait
la livraison de quatre avions de combat
américains F-16 au Caire dans un effort
évident de faire pression sur le régime
au pouvoir qui est contrôlé par l’armée,
pour qu’il parvienne à un quelconque
accord avec les Frères musulmans, sans
remettre Morsi au pouvoir.
Washington craint
une éruption de la guerre civile dans le
pays le plus fortement peuplé du monde
arabe. Il s’inquiète également qu’une
répression totale des FM ne contrecarre
sa politique dans l’ensemble de la
région, notamment en Syrie où il
soutient aussi les Frères musulmans de
ce pays tout comme des éléments liés à
al Qaïda dans une guerre civile dont
l'objectif est de faire chuter le régime
du président Bachar al-Assad.
(Article original
paru le 26 juillet 2013)
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Publié le 28 juillet 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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