|
Monde
Crise gazière
Russo-ukrainienne :
un enjeu géopolitique au cœur de l'Eurasie[i]
Le
retour de Zbigniew Brzezinski ?
Jean Géronimo
Grenoble, le vendredi 20 février 2009
‘’Dés 1994, Washington accorde la priorité aux relations
américano-ukrainiennes. Sa détermination à soutenir
l’indépendance du pays est généralement perçue à Moscou – y
compris par les ‘modernisateurs’ – comme une intrusion dirigée
contre les intérêts vitaux de la Russie, laquelle n’a jamais
abandonné l’idée de recréer un espace commun.’’
Z. Brzezinski
Le Grand échiquier
(2000, p. 140)
Après la crise géorgienne de l’été 2008 - centrée sur un
problème nationaliste[ii]
- la Russie a dû affronter en janvier 2009 la crise ukrainienne,
centrée sur un problème énergétique[iii].
Avec une hardiesse surprenante et selon une approche
unilatéralement focalisée contre Moscou, restée selon eux
‘’fidèle à l’URSS’’, certains ont qualifié la récente crise
gazière de ‘’nouvelle guerre froide’’[iv].
Il s’agit, dans un premier temps, de relativiser cette analyse
fondée sur des préjugés désormais caducs et percevant la Russie
comme un simple ‘’avatar de l’Union soviétique’’[v].
Dans l’optique de comprendre l’implicite de cette crise,
on se doit d’abandonner toute lecture conjoncturelle et
événementielle, privilégiant une dimension médiatique nourrie
des vieux reflexes anti-communistes.
Dans une perspective
plus structurelle, si on considère que la Géorgie et l’Ukraine
sont des leviers potentiels de l’ingérence américaine en zone
post-communiste, cette succession de crises prend une dimension
stratégique, liée au vieil antagonisme russo-américain. En
effet, depuis la disparition de l’Etat soviétique le 25/12/1991[vi]
– et faute de contrepoids idéologique crédible – Washington tend
à projeter, de manière unilatérale, sa puissance militaire et sa
vision du monde à l’échelle planétaire. Cela a été clairement
rappelé par R. Kagan (2006, p. 46), un des leaders du courant
néo-conservateur américain : ‘’Dans l’Histoire, la puissance
militaire des Etats-Unis à l’issue de la guerre froide et,
notamment, sa capacité à propulser cette puissance aux quatre
coins du globe, demeurent sans précédent.’’[vii]
Et surtout, selon l’aveu troublant de Z. Brzezinski du 30 mars
2008, l’Amérique se devait de saisir ‘’l’opportunité du ‘moment
unipolaire’ ’’ né de l’effondrement de l’Union soviétique[viii].
Tendanciellement, l’Amérique a réussi à imposer ses choix
stratégiques majeurs au monde, finissant par configurer un ordre
international conforme à ses intérêts. De manière implacable,
cette orientation stratégique post-guerre froide a été
patiemment appliquée, souvent au mépris des intérêts russes :
‘’Les Etats-Unis n'ont (jamais: jg) renoncé à aucune des leurs
décisions précédentes telles que l'élargissement de l'OTAN, le
redéploiement des leurs bases de l'Europe de l'Ouest vers
l'Europe de l'Est, la militarisation de l'espace et de
l'Arctique, ainsi que des opérations militaires hors de la zone
de responsabilité de l'Alliance. De plus, Washington poursuit le
dialogue stratégique avec Pékin’’[ix].
Désormais, l’hyperpuissance américaine, autoproclamée seul
arbitre légitime du nouvel ordre international, considère
l’Eurasie comme ‘’son’’ espace politique et en cela, comme son
espace potentiel d’intervention : ‘’Les Etats-Unis règnent comme
superpuissance unique et l’avenir se joue sur la scène
eurasiatique où ils sont pour une durée indéterminée en position
d’arbitre.’’[x]
Cette aspiration au leadership en Eurasie post-communiste a été
(paradoxalement) réactivée par le nouvel homme fort de
l’administration Obama, Joe Biden, interdisant à la Russie toute
ingérence politique - via la manipulation d’alliances - en
périphérie post-soviétique et, en particulier, dans sa zone
historique d’influence, la CEI (Communauté des Etats
indépendants). Ainsi, le 9/02/2009, lors de la Conférence de
sécurité à Munich, J. Biden a, avec arrogance, refusé à Moscou
le droit ‘’de décider au lieu de ses voisins à quelles alliances
ils doivent adhérer.’’[xi]
– alors que dans le même temps, Washington abuse de ce droit
dans le cadre de l’Otan qui reste, selon la formule de
l’ex-président B. Clinton utilisée en mars 1997, ‘’l’image
inversée du pacte de Varsovie’’[xii]
. Inutile
provocation.
Dans ce schéma, la montée de crises dans les anciennes
républiques soviétiques – historiquement stratégiques – de
Géorgie et d’Ukraine n’est pas fortuite. De manière globale, ces
deux crises s’inscrivent dans une lutte d’influence au cœur de
l’espace eurasien, entre les deux anciens ennemis de la guerre
froide. En ce sens, on assiterait à une véritable partie
d’échecs russo-amérivcine, surfant sur les crises eurasiennes et
visant, in fine, à une utilisation optimale de ces dernuières.
Car, depuis la phase post-communiste, les Etats russe et
américain n’hésitent pas à instrumentaliser les crises
émergentes en vue, in fine, de les intégrer dans une stratégie
de ‘’zones d’influence’’. Ainsi, face à une Amérique chancelante
sur ses bases eurasiennes, l’Etat russe tend à utiliser ces
crises comme levier de son retour comme grande puissance
sur la scène internationale. Et pour se mieux se défendre - et
par ce biais, réduire l’instabilité internationale - l’Amérique,
selon Kagan (2006, p. 148), doit ‘’rester la première puissance
militaire du monde, et (…) rester assez forte pour dissuader
tout autre pays de contester sa supériorité’’[xiii].
En ce sens, il y aurait une inertie comportementale dans cette
confrontation latente, ressurgie des abimes de la guerre froide,
entre deux superpuissances sturucturellment antagonistes
Une crise instrumentalisée : lutte d’influence.
Dans son essence, cette confrontation est donc
fondamentalement guidée par les intérêts géopolitiques russes et
américains – ici relayés par l’Ukraine. Certes, la nouvelle
orientation de la politique américaine, suite à la victoire
présidentielle de B. Obama, devrait - en théorie - infléchir
cette orientation. Mais - en réalité - dans un proche avenir, on
peut redouter certaines dérives. Au sens où la politique
démocrate risque d’être influencée par des personnalités telles
que Z. Brzezinski, R. Gates et J. Biden, peu soucieuses de
moralité et dont la lecture à géométrie variable des critères
démocratiques a un caractère inquiétant. D’autant plus qu’ils
manifestent une hostilité instinctive à l’égard de la Russie,
perçue comme l’héritière politique de l’Union soviétique
et, en cela, comme un ‘’résidu’’ de la guerre froide[xiv].
A ce titre, on rappellera que le tandem Brzezinski/Gates est
fortement enclin à poursuivre la vieille politique de contrôle
de la puissance russe, inaugurée en phase de guerre froide. Il
s’agirait, en particulier, de se rapprocher de l’Iran, pays
‘’voyou’’ de l’administration Bush, pour court-circuiter les
relations étrangères avec la Russie et continuer la politique de
déstabilisation des anciens satellites de l’URSS.
Pour cette raison, il convient de revenir sur ces deux
personnalités majeures l’équipe démocrate.
D’une part, Z. Brzezinski (2000, p. 141) - actuel conseiller
d’Obama - est poussé par une haine viscérale envers les russes
et, il est persuadé que ‘’la Russie post-soviétique n’a accompli
qu’une rupture partielle avec le passé. Ses dirigeants
‘démocratiques’, bien que conscients du passif du système, en
sont eux-mêmes le produit (…). Les institutions clés du pouvoir
soviétique (…) n’ont pas disparu. A Moscou, sur la place rouge,
le mausolée de Lénine, toujours en place, symbolise cette
résistance de l’ordre soviétique.’’ Cette méfiance, encore
actuelle, l’a conduit très tôt à élaborer une stratégie
anti-soviétique de guerre froide. Rappelons, notamment, que
le mouvement des talibans est un produit direct de la ligne
anti-soviétique de Brzezinski, qui a précipité l’intervention de
l’armée rouge en Afghanistan en décembre 1979 – dans le but de
l’enliser dans un conflit périphérique. Pour reprendre
l’expression de Brzezinski, c’était alors ‘’l’occasion
de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam’’. Et ce dernier
a fièrement précisé, le 15 mai 1998, dans le cadre d’une
interview au nouvel Observateur, que sa politique était la
bonne: ‘’Qu'est-ce qui est le plus important au regard de
l'histoire du monde? Les talibans ou la chute de
l'empire soviétique? Quelques excités islamistes ou la
libération de l'Europe centrale et la fin de la guerre froide?’’
Fin janvier 2009, Brzezinski a réaffirmé que la stratégie
américaine d’extension du bouclier anti-missiles ABM en Europe
de l’Est dépendait ‘’du comportement’’ de la Russie, admettant
en cela, de manière implicite - dans la continuité de la lutte
anti-soviétique - la centralité de la Russie dans la politique
étrangère américaine.
D’autre part, R. Gates – secrétaire actuel à la Défense du
président Obama – a longtemps reproché à la Russie, sous
l’administration Bush, son ‘’impérialisme latent’’ dans la pure
tradition soviétique. Et, selon une ligne structurellement
anti-communiste, il est à l’origine du soutien financier de
l’armée contre-révolutionnaire des Contrats en vue de
déstabiliser le régime sandiniste de D. Ortega au Nicaragua. A
l’instar de l’Etat russe, l’Etat américain a besoin d’un
ennemi central et virtuel pour réguler son métabolisme en
tant que ‘’système’’[xv].
Ainsi, au début de février 2007, Gates a déclaré que les
Etats-Unis devaient ‘’résister aux menaces auxquelles ils sont
confrontés en raison (notamment : jg) des positions floues de
pays tels que la Russie ou la Chine qui ne cessent d'augmenter
leurs arsenaux’’[xvi].
Cette rhétorique de guerre froide sera ouvertement condamnée par
le président russe regrettant, peu de temps après, que le
‘’Mur’’ n’était pas tombé dans toutes les têtes. Dans son
célèbre discours de Munich du 12/02/2007, centré sur
l’unilatéralisme américain, V. Poutine a en effet affirmé que
‘’les blocs de béton et les pierres du Mur de Berlin sont depuis
longtemps des souvenirs. Mais il ne faut pas oublier que sa
chute est devenue possible notamment grâce au choix historique
de notre peuple - le peuple de Russie - en faveur de la
démocratie et de la liberté, de l’ouverture et du partenariat
sincère avec tous les membres de la grande famille européenne.
Or, maintenant, on s’efforce de nous imposer de nouvelles lignes
de démarcation et de nouveaux murs.’’[xvii]
Le plus inquiétant, aujourd’hui, est de constater le maintien de
ce comportement hostile de l’élite dirigeante américaine envers
son ennemi historique, la Russie.
Depuis la chute de l’URSS, un nouveau
rapport de forces a émergé en zone eurasienne post-communiste,
dans un premier temps au profit de l’Amérique. Jusqu’en 1991,
Washington a mesuré sa puissance internationale à sa capacité à
‘’endiguer l’expansion militaire et politique soviétique’’ selon
l’affirmation de H. Kissinger (2004, p. 30). Cette politique
‘’d’endiguement’’[xviii]
de l’Union soviétique théorisée par G. Kennan visait, selon
Kissinger, ‘’à faire face au conflit entre superpuissances
nucléaires’’ (p. 30). Mais par la suite et jusqu’à aujourd’hui,
de manière insidieuse, la prude Amérique de G.W. Bush a cherché,
par diverses manœuvres politiques, à renforcer son autorité dans
l’espace post-communiste face à une Russie avide de recouvrir
son statut prestigieux de superpuissance de l’ère soviétique. Il
s’agit donc de bloquer la stratégie russe de ‘’restauration
impériale’’ au cœur de la CEI. Pour reprendre Brzezinski (2000,
p. 121), ‘’il est indispensable qu’elle (l’Amérique : jg) contre
toute tentative de restauration impériale au centre de l’Eurasie
qui ferait obstacle à son objectif géostratégique numéro un : la
mise sur pieds d’un vaste système euro-atlantique’’.
Or, dans ses grandes lignes, la stratégie
de reconquête russe semble en bonne voie, d’autant plus que
désormais, elle se fait à nouveau respecter dans l’ancien espace
soviétique, son pré-carré géopolitique et que in fine,
elle a réussi à contrecarrer ‘’les tentatives des Etats-Unis
d'accroître leur influence dans les anciennes républiques
soviétiques’’[xix]
. En outre, ce ‘’retour russe’’ est facilité par le fait que la
sur-extension impériale de l’Amérique a fini par épuiser son
économie et, par ce biais, remis en cause sa stratégie militaire
partiellement focalisée contre Moscou[xx].
Cette orientation stratégique est illustrée par le projet
américain d’implanter un bouclier anti-missiles dans l’Est
européen (Pologne, Tchéquie) voire, à terme - envisagé par
l’administration Bush - en Géorgie et en Ukraine, aux portes de
la Russie. Le 7/02/2009, le vice-président des Etats-Unis, J.
Biden, a confirmé cette orientation en rappelant que ‘’Nous
poursuivrons la mise en place de notre bouclier anti-missiles
pour parer à d’éventuelles attaques venant du Proche-Orient
(…)’’[xxi].
En ce sens, on observerait une forme d’inertie
comportementale de la puissance américaine - indépendamment
de la couleur politique de son administration - intégrant la
Russie comme ‘’ennemi systémique’’, selon l’expression
judicieuse de J. Fontanel (1998, p. 6)[xxii]
et, au-delà, comme une cible stratégique potentielle. Cette
inertie stratégique justifie, dans son essence, la méfiance de
S. Ivanov.
Ainsi, selon le vice-premier ministre
russe, le bouclier ABM serait le ‘’maillon d'une infrastructure
stratégique visant à neutraliser le potentiel balistique
nucléaire russe’’[xxiii].
Dans le prolongement de l’affrontement bipolaire de la guerre
froide, il s’agit donc d’une lutte de domination - par alliés
interposés - mais cette fois centrée sur le contrôle du pouvoir
énergétique (soft power) et qui s’est exprimée in fine, par la
récente crise de 3 semaines, qui a privé de gaz la moitié de
l’Europe. Dans cette optique, la crise russo-ukrainienne
s’inscrit dans une forme de guerre froide réactualisée et
atténuée, axée sur le contrôle de l’espace eurasien : la guerre
‘’tiède’’[xxiv].
Depuis l’amorce de la transition post-communiste, Washington -
selon la ligne anti-russe de Brzezinski - n’a pas hésité à
manipuler certains Etats majeurs (pivots géopolitiques) de
l’ancien espace soviétique, dont l’Ukraine, la Géorgie,
l’Azerbaïdjan et - dans une moindre mesure - l’Ouzbékistan et le
Kirghizstan[xxv].
Or dans ces deux derniers pays, cette stratégie politique est
remise en cause par le récent retour de l’influence russe - et
de son aide économique et militaire – habilement ‘’monnayée’’
contre l’expulsion de facto de la puissance américaine. Ce recul
de Washington en Eurasie post-soviétique est, notamment,
symbolisé par la perte récente de ses bases militaires (bases
ouzbek de Karshi-Khanabad en 2005 et kirghize de Manas en 2009).
De manière implicite, cela montre que rien
ne peut se faire dans cette partie de l’Eurasie sans ‘’entente’’
avec Moscou. F. Loukianov, analyste politique, l’a parfaitement
souligné : ‘’Le Kremlin montre actuellement que pour coopérer
avec les pays d’Asie centrale, il faut d’abord se mettre
d’accord avec la Russie.’’[xxvi]
Mais, surtout, cette évolution géopolitique menace les
fondements eurasiens de la suprématie mondiale américaine. Car
comme l’a rappelé Z. Brzezinski (2000, p. 250), ‘’la longévité
et la stabilité de la suprématie américaine sur le monde
dépendront entièrement de la façon dont ils manipuleront ou
sauront satisfaire les principaux acteurs géostratégiques
présents sur l’échiquier eurasien et dont ils parviendront à
gérer les pivots géopolitiques clés de cette région’’. Dans ce
schéma, le futur recentrage de l’effort stratégique américain
sur l’Afghanistan – au détriment d’un désengagent progressif du
bourbier irakien – s’inscrit dans la volonté de Brzezinski de
stabiliser la domination de Washington en Asie centrale. Ce
dernier a ainsi reconnu : ‘’La fin
de l’occupation (de l’Irak : jg) sera donc une opportunité pour
la guerre contre Al Qaïda, mettant ainsi un terme à une aventure
malheureuse qui non seulement a précipité l’apparition
d’Al-Qaïda en Irak, mais a aussi détourné les États-Unis de
l’Afghanistan, où la menace originelle d’Al Qaida persiste et
augmente.’’ Et il ajoute que ‘’mettre fin à la guerre en Irak’’
est une ‘’première étape nécessaire’’[xxvii].
Dans le cadre de cette confrontation
bipolaire en Eurasie post-soviétique, la Géorgie et l’Ukraine
présentent un intérêt vital, en vue notamment du ‘’reformatage
stratégique’’ de la région. De ce point de vue, la crise gazière
de janvier 2009 - élément clé d’une partie d’échecs à l’échelle
du continent eurasien - est une indéniable opportunité
stratégique. Mais, pour mieux la comprendre, un bref retour sur
le passé s’impose.
Le poids de l’histoire : la rupture de
1991.
Sur un plan historique, l’Ukraine est
structurellement liée à la Russie. Dans l’inconscient
politico-psychologique russe, Kiev a une place à part : elle
reste un élément clé de l’identité impériale russe et de
son statut de grande puissance. En ce sens, pour reprendre
Brzezinski (2000, p. 151), ‘’aucune restauration impériale,
qu’elle s’appuie sur la CEI ou sur un quelconque projet
eurasien, n’est possible sans l’Ukraine’’. Initialement, Kiev a
été son cœur politique et a tenu une place centrale dans la
formation de l’Empire russe (tsariste puis soviétique). Sous la
période soviétique, elle a été son ‘’grenier à blé’’ dans le
cadre d’une division internationale (socialiste) du travail
assise sur une spécialisation productive des différentes régions
de l’ex-URSS. Dans ce cadre, de forts liens politiques et
économiques se sont progressivement noués renforçant, par ce
biais, l’interdépendance des deux Etats. Sur un plan politique,
l’Ukraine était alors une république centrale de l’URSS et avait
un certain poids - via ses lobbies, relayés par certains cadres
du Parti - dans l’orientation de la politique soviétique. Sur un
plan économique, elle assurait - dans le cadre du plan - une
forte production agricole au profit des autres républiques
soviétiques et en contrepartie, bénéficiait d’une énergie à bon
marché (pétrole et gaz). Dans la logique de l’économie
centralement planifiée (ECP), les prix – dont ceux de l’énergie
– avaient une fonction surtout politique (mais aussi comptable),
dans la mesure où le plan soviétique était fondamentalement
subordonné à un objectif idéologique : la construction de la
société communiste[xxviii].
Dans sa politique de Restructuration
(Perestroïka), conduite de 1985 à 1991, M. Gorbatchev - dernier
président de l’URSS - avait bien compris le statut stratégique
de l’Ukraine et il s’était efforcé de la conserver sous
influence russe. Dans la configuration réformée de l’URSS,
visant à instaurer un ‘’socialisme à visage humain’’ - par la
suite, transformé en ‘’économie sociale de marché’’ - et à
renforcer la cohésion de la nouvelle Union, Gorbatchev voulait
donc préserver cette centralité politique de l’Ukraine. Mais
l’histoire l’a rattrapé et le processus final de décomposition
de l’URSS a rendu caduc ce projet de ‘’reforme radicale’’ et en
cela, n’a pu préserver une Ukraine ‘’soviétisée’’.
En décembre 1991, suite au coup d’Etat
militaire du 19 août, on assiste en effet à l’implosion finale
de l’Union soviétique, opportunément précipitée et utilisée dans
une optique de pouvoir, par B. Eltsine. Très vite, l’Ukraine a
été courtisée par Washington - et donc, par l’Otan - dans le
cadre d’un ‘’partenariat pour la paix’’ et de la mise en œuvre
de ‘’dispositions spéciales’’, pour reprendre l’expression de H.
Kissinger (2004, p. 52). Certes, dans un premier temps,
l’Ukraine post-communiste est restée très proche de Moscou, du
fait de la ‘’culture soviétique’’ de ses élites dirigeantes,
jusqu’à la présidence de Leonid (Danilovytch) Koutchma.
Mais la ‘’révolution orange’’ va, de
manière radicale, remettre en cause cette orientation.
La révolution orange : la main de
Washington.
En 2004, on assiste en Ukraine à une
révolution politique, soigneusement impulsée, encouragée et
planifiée par l’Etat américain. On peut alors noter l’activisme
politique de certaines ONG américaines et – guère surprenant –
de Z. Brzezinski. Cette élection présidentielle manipulée amène
au pouvoir Viktor (Andriïovytch) Iouchtchenko - partisan d’un
rapprochement avec Washington -
et dont la femme est une ancienne fonctionnaire du
Département d'État des Etats-Unis… A l’époque, on parlait d’un
danger de dictature préparé par Moscou, dans le cadre
d’élections ‘’arrangées’’ comme à la plus belle époque
soviétique. Moscou était alors soupçonnée de vouloir
reconstituer son espace impérial et, notamment, de récupérer les
‘’républiques infidèles’’. Aux yeux d’une Amérique étrangement
convaincue de sa ‘’destinée manifeste’’ à l’échelle planétaire,
cela a justifié un droit d’ingérence politique sous prétexte de
protéger les libertés et d’étendre la démocratie, comme levier
d’une paix (libérale) universelle. V. Poutine a récemment
dénoncé cette ingérence : ‘’Les manifestations de rue de ces
dernières années en Ukraine (‘Révolution orange’ de 2004
notamment - ndlr) résultent de l'attitude de la précédente
administration américaine et de l'UE qui ont soutenu ces actions
anticonstitutionnelles’’[xxix].
Sous une apparence de démocratie, une élite libérale
pro-américaine est donc arrivée au pouvoir à Kiev et a adopté
une politique ouvertement anti-russe axée, en dernière instance,
sur l’instauration d’une économie de marché. Le divorce avec la
Russie était donc définitivement consommé malgré certaines
tentatives russes, sous l’impulsion de V. Poutine, de se
rapprocher de l’Ukraine.
Une suite logique à cette séparation
politique, soigneusement dirigée par l’élite néo-conservatrice
américaine, était pour Moscou de revenir à un certain réalisme
économique. Il s’agissait, notamment, de tirer les conséquences
de ce revirement politique de Kiev -
avide de se rapprocher de la sphère occidentale et de
bénéficier de l’aide américaine aux réformes[xxx]
- dans le cadre d’un réajustement des prix de l’énergie, dont
avait jusque là allègrement bénéficié l’Ukraine à titre de
‘’pays frère’’ (tarifs du gaz au moins de trois fois inferieurs
à ceux du marché). Autrement dit, les bas prix énergétiques -
autrefois politiquement justifiés - n’avaient plus aucune raison
d’être. Car l’Ukraine était sortie de la sphère soviéto-russe et
ne pouvait plus, pour cette raison, bénéficier de tarifs
‘’amicaux’’, d’autant plus qu’elle pratique depuis une politique
hostile et relativement provocante à l’égard de la Russie, en
qui elle voit désormais – à travers V. Poutine – un ‘’ennemi’’[xxxi],
pour reprendre le terme du président géorgien Saakasvili,
totalement solidaire avec son homologue ukrainien, le président
Iouchtchenko. Ainsi Kiev prévoit, à terme, une adhésion à l’UE
et - comme la Géorgie - à l’Otan, bras armé de l’Amérique et
vestige de la guerre froide.
Dans la vision russe, l’Otan reste une
alliance hostile et cette méfiance a été renforcée, très
tôt, par l’attitude du sénat américain soulignant, le 4 mai
1998, que l’Otan était ‘’avant tout et surtout une alliance
militaire’’ dont l’existence devait empêcher ‘’la réapparition
d’une puissance hégémonique susceptible de menacer l’Europe’’[xxxii].
L’ancien conseiller du président Nixon et stratège
émérite de la guerre froide, H. Kissinger (2004, pp. 37-38), a
réaffirmé cette instrumentalisation politique de l’Otan,
soutenant notamment qu’elle demeurait ‘’la clé de voûte de la
politique étrangère américaine. Même après la disparition de la
menace soviétique, l’Alliance atlantique est restée pour les
Etats-Unis le principal rempart de l’ordre international.’’[xxxiii]
Cette fonction politique de l’Otan est d’ailleurs rappelée par
R. Kagan (2006, p. 37), soulignant avec une certaine euphorie,
que son élargissement à l’ancien bloc soviétique était une
‘’consécration de la victoire de la guerre froide’’.
Aujourd’hui, cette volonté politique de l’Ukraine et de la
Géorgie de rejoindre une Otan américanisée a été réitérée par
les élites dirigeantes – libérales – au pouvoir. D’une part, le
président ukrainien Viktor Iouchtchenko a déclaré, le
12/02/2009, qu'il ne voyait pas d'alternative à l'adhésion de
son pays à l'Alliance de l'Atlantique Nord, soulignant que
c'était un objectif à long terme : ‘’L'adhésion à l'OTAN est un
projet à long terme qui demande du temps. (…) la seule issue
pour notre pays (…). Et je suis convaincu que l'Europe n'a pas,
elle non plus, d'alternative. Nous sommes une partie intégrante
de l'Europe, et la participation à ce système de sécurité peut
être la seule politique possible pour nous.’’[xxxiv]
D’autre part, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili, dans le
cadre de son message annuel au pays, a précisé que la Géorgie
aspirait toujours à adhérer aux structures européennes et
euro-atlantiques : ‘’Nous y sommes poussés par l'existence de
l'ennemi qui a occupé nos territoires et ambitionne une
dislocation complète de la Géorgie.’’[xxxv]
Car, précise Saakachvili, ‘’depuis la disparition de l’Union
soviétique le Kremlin tente de reconquérir des fragments de
l’ex-URSS par la force (…)’’, tout en comparant la Russie de
Poutine à ‘’l’Allemagne nazie ou l’URSS de Staline’’ ( !!).
Enfin, il souligne que le conflit russo-géorgien a permis à
l’Europe de découvrir que ‘’pour les russes, le mensonge est un
mode de vie et un instrument de communication’’[xxxvi]
( !). Cette attitude haineuse à l’encontre de Moscou est perçue
par celle ci comme un reflexe de guerre froide. Inutile gifle.
Dans ce schéma, la Russie serait considérablement fragilisée
dans son proche étranger et, en particulier, à sa périphérie
sud-eurasienne, déjà grevée par une forte instabilité
nationaliste. Et, dans la mesure où elle perçoit une forme
d’encerclement par les structures de l’Otan, elle se sent
ouvertement menacée. Et cela, d’autant plus que l’extension
future de l’Otan risque de concerner d’autres ex-républiques
soviétiques, dans l’axe des objectifs américains.
‘’L’élargissement de l’Europe et de l’Otan serviront les
objectifs aussi bien à court terme qu’à long terme de la
politique américaine’’ a confirmé Brzezinski (2000, p. 255). En
dernière instance, cette avancée de l’Otan a conduit Moscou à
rénover et renforcer son potentiel nucléaire militaire, centré -
dans le prolongement du soviétisme - sur une logique de
dissuasion.
Ce maintien de la dissuasion nucléaire a été confirmé par le
chef de l'Etat-major général des Forces Armées de Russie,
Nikolaï Makarov : ‘’Pour l'armée russe, l'arme nucléaire reste
le facteur essentiel de dissuasion, elle l'était et le reste et
elle peut se perfectionner’’. Le général Makarov rappelle, en
outre, que ‘’des menaces peuvent surgir que seule la menace de
les utiliser (les forces nucléaires : jg) pourrait écarter.
Aussi le rôle de ces forces pourrait-il croître à l'avenir’’[xxxvii].
Dans cet axe, en référence à une inertie stratégique soviétique,
et pour reprendre le titre de notre précédent article, on peut
parler du ‘’retour de l’Atome rouge’’[xxxviii].
A terme, Moscou espère faire de l’OTSC[xxxix]
un réel contrepoids à l’Otan
- via, notamment, la création d’une Force collective de
déploiement rapide (FCDR). Sous l’ère Bush, D. Rumsfeld voyait à
travers l’OTSC et surtout l’OCS, la ‘’main de Moscou’’ et
dénonça son ‘’comportement inamical’’ ( !). Dans ses grandes
lignes, l’OTSC (avec l’OCS) est considérée par Moscou comme un
moyen privilégié de refouler l’avancée américaine en Asie
centrale, région politiquement stratégique et riche en
hydrocarbures. Et surtout, il s’agit désormais pour les Etats
membres de l’OTSC et (en particulier) pour la Russie, ‘’de mener
une politique indépendante dans leur sphère d’influence, sans
laisser des pays tiers s’y immiscer’’[xl].
Une fois encore, les velléités agressives de Washington sont
implicitement visées.
Pour Moscou, une conséquence logique de
cette nouvelle configuration géopolitique était de réajuster son
partenariat économique avec ses anciens ‘’alliés’’ de la période
soviétique. Autrement dit, il convenait d’appliquer les prix de
marché dans le cadre des nouvelles relations russo-ukrainiennes,
notamment au niveau des échanges commerciaux (dont
énergétiques). Pour reprendre une source officielle russe, il
s’agissait de concrétiser ‘’le passage au mécanisme européen
transparent du marché pour former le prix sur la base de la
formule généralement admise’’[xli].
Or, à l’origine, l’Ukraine a refusé toute remise en cause
brutale des tarifs préférentiels, déclenchant par ce biais une
crise gazière qui, in fine, s’est étendue à toute l’Europe[xlii].
Réaction légitime russe : l’arme
énergétique.
Aujourd’hui, on peut donc comprendre
l’incompréhension russe. Et Moscou se sent d’autant plus
blessée, que l’Europe l’a rendue partiellement responsable du
conflit gazier[xliii].
Dans la vision russe, il s’agit d’un soutien implicite à Kiev.
L’augmentation des prix du gaz est doublement justifiée sur les
plans politique et économique. Il s’agit d’un réajustement
légitime des prix aux structures de coût réel. Dans la nouvelle
configuration géopolitique, Moscou n’a plus à subventionner une
économie ukrainienne adhérant aux principes du marché
sous-tendus par l’idéologie libérale. Mais il n’est pas dans son
intérêt d’aggraver une crise coûteuse en termes d’image
vis-à-vis de ses clients européens. En outre - contrairement aux
accusations de Kiev - Moscou n’a pas intérêt à couper
l’approvisionnement énergétique de l’Europe, source de devises
et de financement pour son
développement[xliv].
D’autant plus que l’effondrement du prix du pétrole tend à
réduire le surplus financier potentiellement disponible pour les
investissements d’infrastructures et stratégiques (complexe
militaro-industriel, recherche/développement, technologies de
l’information, capital humain), dans l’optique finale
d’intensifier la croissance économique. Par contre, l’Ukraine
peut utiliser cette crise gazière - via le blocage du transit[xlv]
- pour inciter l’Union européenne (client majeur de Moscou) à
faire pression sur la Russie et l’obliger à modérer sa politique[xlvi].
En dernière instance - conformément à la
volonté de Brzezinski d’empêcher l’apparition d’une
superpuissance eurasienne hostile et au-delà, de la ‘’refouler’’[xlvii]
- l’Europe et l’Amérique ont la capacité de freiner
l’intégration de l’économie russe au nouvel ordre international.
Or cette intégration, comme levier de son renforcement
économique et de son retour comme grande puissance, est devenue
une priorité vitale de la transition russe post-communiste. En
effet, en tant que futur membre de l’OMC, la Russie cherche à
s’insérer dans le système économique mondial dans le cadre d’une
logique de marché et de respect des règles et normes économiques[xlviii]
(dont les normes de prix). Mais Washington s’est longtemps
opposée à l’adhésion russe à l’OMC et, par différents moyens,
l’a considérablement retardée. Ainsi le 18/09/2008, la
secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a prévenu la
Russie que son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce
(OMC) était ‘’remise en cause’’. Madame Rice a, à l’époque,
accusé Moscou d'être ‘’de plus en plus autoritaire dans le pays
et agressive à l'étranger’’[xlix]
visant, de manière explicite, son comportement - et sa réaction
‘’disproportionnée’’ - dans la crise géorgienne. Du fait de sa
stratégie d’insertion internationale impliquant une
restructuration économique, Moscou a un besoin énorme
d’investissements. Or dans son essence, la crise mondiale
actuelle menace son projet d’instaurer un modèle économique
mixte, fondé sur une ‘’troisième voie’’ et s’appuyant sur une
identité eurasienne.
L’affaire du gaz ukrainien prend donc une
indéniable dimension (géo-)politique. L’Ukraine, dans l’axe de
la ligne américaine, a politiquement intérêt à pousser Moscou -
déjà meurtrie par la crise géorgienne - dans ses derniers
retranchements et à la faire passer pour une dictature, renouant
avec ses vieux reflexes soviétiques et cherchant à imposer ses
seuls intérêts nationaux, voire ‘’impériaux’’. Cette volonté
impérialiste lui est ouvertement reprochée par l’élite politique
de l’UE, véritable nomenklatura européenne, repliée sur ses
préjugés et son confort bureaucratique. Ainsi, dans le cadre des
auditions sur les relations Russie-UE à la commission des
Affaires étrangères du Parlement européen à Bruxelles, le député
russe K. Kossatchev a dénoncé l’idée répandue en Europe, selon
laquelle ‘’la Russie était faible et reprenait la politique
impériale de l'URSS’’[l].
Dans la vision américaine, la Russie viserait à reprendre le
contrôle de son ‘’étranger proche’’ qui, selon Brzezinski (2000,
p. 144) ‘’recouvre un ensemble de considérations géopolitiques
aux résonnances impériales indubitables’’. La rhétorique de
guerre froide de ‘’l’axe du mal’’ est donc de retour.
A ce titre, on rappellera qu’en 2003, la
Géorgie - autre ex-république centrale de l’URSS - s’est
politiquement éloignée de Moscou suite à une autre ‘’révolution
libérale’’ (‘’révolution des roses’’), encore une fois fomentée
par Washington. Or cette stratégie d’extension de l’espace
politique américain a partiellement échoué en Asie centrale :
‘’les Etats-Unis se sont punis eux-mêmes en essayant de faire en
Asie centrale ce qu'ils ont fait en Géorgie et en Ukraine :
renverser les régimes existants et y imposer des régimes
pro-américains faibles et incompétents’’ a affirmé D. Kossyrev[li].
Car l’Amérique, quel qu’en soit le coût, vise à ‘’détacher’’ la
sphère eurasienne post-communiste de la domination politique
russe, selon une volonté jamais démentie : ‘’Les Etats-Unis
s’emploient à détacher de l’empire russe ce qu’on dénomme
aujourd’hui ‘l’étranger proche’, c'est-à-dire les Etats qui,
autour de la fédération de Russie, constituaient l’Union
soviétique’’[lii].
A terme, un risque majeur de cette
offensive américaine en Eurasie est de déstabiliser la CEI et
notamment, le Caucase et l’Asie centrale, au sens où Moscou y
joue historiquement un rôle régulateur[liii].
Or le contrôle de cet espace énergétique est une priorité
fondamentale de Washington. Cela est clairement dit par
Brzezinski (2000, p. 193) soulignant, en outre, qu’il fallait
‘’résister aux efforts que la Russie déploie afin de garder le
monopole sur cet accès (aux sources énergétiques de l’espace
eurasien : jg), car il est nuisible à la stabilité de la
région’’. Cette rivalité énergétique en zone eurasienne
post-communiste a parfaitement été anticipée par H. Kissinger
(2004, p. 466), reconnaissant que ‘’la rivalité entre Etats-Unis
et Russie pour accéder aux gisements et aux réseaux de
distribution de pétrole’’ risquait de faire obstacle à ‘’la
coordination de leurs politiques’’. En renforçant leur influence
en zones ukrainienne, sud-caucasienne et centre-asiatique, les
Etats-Unis selon G. Minassian ‘’ont pour ambition de contrôler
les routes des hydrocarbures’’[liv].
Dans le même temps, Washington vise – en imposant une culture
libérale – à y créer une nouvelle forme de dépendance politique
à son profit. Cela a été flagrant en Afghanistan : ‘’l'Occident
renforce sa pression militaire et instaure ‘des institutions
démocratiques’ sur le sol afghan, en imposant aux habitants
autochtones des formes d'administration et de structure sociale
qui leur sont étrangères’’[lv].
Pour le bien de l’humanité, dont elle s’est autoproclamée
l’avant-garde messianique, la vertueuse Amérique cherche à
imposer la démocratie libérale en Eurasie post-communiste,
contre les intérêts russes et selon la ligne de R. Kagan (2006,
p. 239), spécifiant que Washington doit promouvoir ‘’les
principes de la démocratie libérale, non seulement comme moyen
de renforcer la sécurité mais aussi comme une fin en soi.’’
Dans ce cadre, il s’agit véritablement
d’une lutte d’influence entre deux camps structurellement
opposés, au cœur de l’Eurasie et centrée sur le contrôle des
ex-républiques ‘’stratégiques’’ de l’URSS. L’ingérence
américaine en zone post-communiste est donc politiquement
orientée et joue de manière alternative sur les variables
militaire, nationaliste et énergétique. D’autant plus qu’elle se
réclame, selon l’idée de R. Kagan (2006, p. 156), d’un
unilatéralisme légitime : ‘’les Etats-Unis doivent suivre les
règles d’un monde hobbesien (…). Ils doivent refuser de se plier
à certaines conventions internationales qui risquent de limiter
leur capacité à combattre efficacement (…). Ils doivent soutenir
le contrôle des armements, mais pas toujours pour eux-mêmes. Il
leur faut observer une double norme, et il leur faut parfois
agir unilitateralement (…)’’. Tendanciellement, Washington
cherche ainsi à rendre légitime son droit à la ‘’double norme’’,
c'est-à-dire son droit à manipuler les règles et institutions
internationales dans l’optique d’imposer ‘’sa’’ politique
extérieure. Sur long terme, cette politique d’ingérence
s’inscrit dans la stratégie de ‘’roll back’’ (reflux) de la
puissance russe prônée par le stratège américain Z. Brzezinski
et visant à comprimer cette dernière au cœur de son espace
historique[lvi].
Ultime provocation.
La ligne Brzezinski : au cœur du Grand
échiquier eurasien…
Jusqu’à aujourd’hui - et l’élection de B.
Obama - l’Amérique de Bush sous la férule théorique de Z.
Brzezinski, a cherché à prendre le contrôle de l’Eurasie, cœur
stratégique du
monde et en cela, elle s’oppose au retour russe dans l’espace
post-soviétique. Cela a été reconnu sans ambigüité par
Brzezinski (2000, p. 249), enclin à définir une géostratégie
globale à l’échelle de l’Eurasie et qui, paradoxalement - si
on admet l’influence déterminante de Brzezinski -
pourrait être mise en œuvre par la politique démocrate :
‘’L’heure est venue pour les Etats-Unis de formuler et de mettre
en place une géostratégie d’ensemble à long terme concernant
l’Eurasie.’’ Mais, de manière plus générale, elle s’oppose aussi
à l’émergence d’une puissance majeure en Eurasie post-communiste,
comme l’a précisé Z. Brzezinski (2000, p. 193) : ‘’Le principal
intérêt de l’Amérique est (…) de s’assurer qu’aucune puissance
unique ne prenne le contrôle de cet espace géopolitique et que
la communauté mondiale puisse y jouir d’un accès économique et
financier illimité’’.
Car la Russie fait - à nouveau - peur et
elle cherche, à terme, à travers la CEI, à restructurer une zone
sécuritaire et économique politiquement stable, dans la
continuité du glacis protecteur de l’ère soviétique[lvii].
Et elle fait d’autant plus peur qu’elle reste une superpuissance
nucléaire - perçue comme la digne héritière de l’Etat communiste
- et n’hésitant pas à s’opposer aux intérêts stratégiques
américains[lviii].
Désormais, elle a recentré sa politique étrangère sur la défense
de ses intérêts nationaux - élargis à la CEI - selon l’axe
défini par le président Medvedev et repris par le ministre des
Affaires étrangères, S. Lavrov : ‘’Nous avons l'intention de
poursuivre la politique étrangère active et constructive fondée
sur le pragmatisme, l'ouverture et la promotion ferme mais sans
confrontation des intérêts nationaux’’[lix].
Tout en s’inscrivant dans l’ancienne ligne soviétique
Gorbatchev/Primakov, la politique extérieure russe vise
l’instauration d’un ordre mondial multipolaire fondé, selon
l’expression du premier ministre, V. Poutine, sur ‘’un mécanisme
de consensus collectif dans le cadre du droit international.’’
Pour reprendre l’expression pertinente de Lavrov, il s’agit de
jeter les bases d’un véritable ‘’polycentrisme politique’’[lx],
désormais rendu possible par l’orientation politique d’Obama –
inversement à l’impérialisme militaire de Bush. Dans cette
optique, Poutine a rappelé, le 29/01/2009, ‘’que le penchant
excessif pour la force lors du règlement des problèmes et le
mépris des normes du droit international sont destructifs pour
les relations internationales’’. Dans le prolongement de son
discours de Munich de février 2007 - véritable harangue
anti-impérialiste - Poutine a affirmé que les ‘’questions clés
de la vie internationale’’ ne devaient pas être résolues ‘’sur
la bases de décisions unilatérales adoptées dans un centre
unique’’[lxi].
Mais ce faisant, Moscou freine la stratégie
d’expansion américaine dans l’espace post-communiste qui vise à
fragiliser, voire à déstabiliser la CEI, dans l’optique d’y
réduire l’autorité russe et par ce biais, y inverser les
rapports de force[lxii].
Pour cette raison, la composante géopolitique du conflit gazier
continuera d’être instrumentalisée par les deux anciennes
superpuissances de la guerre froide, en vue de renforcer leurs
positions en Eurasie. Certes, la nouvelle orientation de la
politique démocrate américaine va certainement atténuer cette
conflictualité structurelle et quasi instinctive. Mais, sur
longue période, le prix du gaz russe conservera une fonction
politique indéniable, justifiant son utilisation comme
‘’arme stratégique’’.
Dans la mesure où ses adversaires ne
reculent devant rien et ont une pratique de tricherie
systématique, Moscou aurait objectivement tort de se priver
d’une telle arme. D’autant plus que Z. Brzezinski est de retour,
au cœur de la politique américaine – et que J. Biden vient de
confirmer, dans le prolongement de la ligne Bush, son soutien
total à Kiev, en vue ‘’d’épauler la progression de la démocratie
en Ukraine’’[lxiii].
Les américains, pour reprendre la prophétie de G.F. Kennan
(1947), doivent accepter les ‘’responsabilités du leadership
moral et politique, dont l’Histoire voulait tout simplement les
charger’’[lxiv].
Les leçons de l’histoire n’ont pas été retenues. Sur le grand
Echiquier eurasien, désormais, tous les coups sont permis…
Jean Géronimo, Docteur en
Economie, Spécialiste de l’Economie centralement planifiée, de
la Russie soviétique et post-soviétique.
Mail :
Jean.Geronimo@upmf-grenoble.fr
[i] La stratégie eurasienne
de l’Amérique est décrite dans 2 ouvrages majeurs de
Brzezinski. Voir donc Brzezinski Z. (2000) : ‘’Le grand
échiquier – L'Amérique et le reste du monde’’, éd.
Hachette (1° éd. : Bayard, 1997) et Brzezinski Z.
(2004) : ‘’Le Vrai Choix’’, éd. Odile Jacob.
[ii] Suite à la provocation
militaire géorgienne du 8/08/2008 - intervention
meurtrière de Kiev dans la république sécessionniste
d’Ossétie du sud - la Russie a été contrainte
d’intervenir, pour (notamment) protéger ses
ressortissants nationaux. Cette crise a débouché sur la
double indépendance autoproclamée de l’Abkhazie et de
l’Ossétie du sud, le 28 aout 2008, très vite reconnue
par Moscou. Aujourd’hui, le Caucase est devenu
particulièrement instable, d’autant plus que l’Amérique
de Bush l’a utilisé pour comprimer la puissance russe.
Le président de l'Ossétie du Nord, Taïmouraz Mamsourov,
a ainsi affirmé : ‘’Nous ne nous faisons pas
d'illusions, et sommes conscients que le Caucase est la
première cible de ceux qui essayent de faire
‘désintégrer’ la Russie et d'y semer le chaos’’.
www.rian.ru.fr,
‘’Caucase russe : les présidents nord-ossète et ingouche
prônent la stabilité’’, 22/01/2009.
[iii] Moscou a coupé le 1°
janvier 2009 l’approvisionnement en gaz de l’Ukraine,
faute d’un accord sur les prix pour 2009 et sur des
arriérés de paiement. Par la suite, le 7/11/2009, Moscou
a été obligée de suspendre ses livraisons de gaz via
l’Ukraine, accusant celle-ci de ‘’voler’’ une partie du
gaz russe transitant sur son territoire vers le reste de
l’Europe. En effet, un contrôle du groupe gazier Gazprom
a établi que les ukrainiens siphonnaient le gaz destiné
à l’Europe (au moins 86 millions de mètres cubes
détournés depuis le début de l’année). Le 11/01/2009,
les pertes de Gazprom, consécutives à l’arrêt du transit
du gaz russe sur le territoire ukrainien, s’élevaient
selon V. Poutine à 800 millions de dollars.
www.rian.ru.fr,
‘’Arrêt du transit du gaz via l’Ukraine : Gazprom perd
800 M USD’’, 11/01/2009.
Le 14/01/2009, selon I. Setchine, vice-premier
ministre russe, les pertes de Gazprom étaient de 1,2
milliards de dollars et les pertes de recettes
d’exportations, de 1,1 milliards de dollars.
www.rian.ru.fr,
‘’Rencontre quadripartite à Moscou : Medvedev propose un
sommet’’, 14/01/2009. Au 22/01/2009, après la reprise du
transit (20/01) les pertes directes de Gazprom
dépassaient les 2 milliards de dollars !
[iv] ‘’La guerre du gaz,
nouvelle guerre froide’’, I. Kadare, Le Monde,
4/02/2009.
[v]
www.LExpress.fr,
‘’Pourquoi la Russie nous menace’’, P. Sylvaine/A.
Chevelkina, 22/08/2008.
[vi] Date de la démission de
M. Gorbatchev de la présidence de l’URSS.
[vii] Kagan R. (2006) : ‘’La
puissance et la faiblesse’’, suivi de ‘’Le revers de la
puissance’’, éd. Hachette littératures.
[viii] ‘’Comment sortir
intelligemment de cette folle guerre ?’’, Z. Brzezinski,
Washington Post, 30/03/2008.
[ix]
www.rian.ru.fr,
‘’Les USA renoncent à l'ABM et Moscou raisonne Téhéran:
piège ou marché honnête’’, (Vremia novosteï),
16/02/2009.
[x] Brzezinski (2000, p.
21).
[xi]
www.rian.ru.fr,
‘’Munich : Biden et Ivanov s’offrent une partie de
‘poker diplomatique’ ‘’ (Moskovski komsomlets),
9/02/2009.
[xii] Cité par Kissinger
(2004, p. 52).
[xiii] Cette contrainte de
domination, d’après Kagan (2006, pp. 148-149), serait
l’expression ‘’d’un principe tacite de la planification
stratégique de l’Amérique, sinon de son budget de
défense et de son potentiel militaire, depuis la fin de
la guerre froide’’.
[xiv] Z. Brzezinski - ancien
conseiller à la sécurité des présidents Carter et Bush
(père) - est le promoteur d’une ligne anti-russe depuis
la guerre froide, qui s’inscrit dans une stratégie
globale visant à empêcher l’émergence d’une puissance
majeure et hostile en Eurasie, potentiellement menaçante
pour le leadership américain. Aujourd’hui, il espère un
désengagement militaire de la puissance américaine en
Irak pour renforcer sa présence en Asie centrale et en
Afghanistan. En 2007, il a qualifié la guerre menée par
Bush en Irak, de ‘’calamité historique, stratégique et
morale’’. R. Gates - ancien directeur de la CIA et
secrétaire à la Défense de Bush - est d’une part, lié au
scandale de l’Irangate portant sur les ventes d’armes à
l’Iran pour financer la guérilla des Contras au
Nicaragua et d’autre part, à l’origine d’une stratégie
de renforcement militaire américain en Irak. Il prône,
encore aujourd’hui, le maintien d’une politique
interventionniste en Irak. De plus, dans les années 80,
il a volontairement déformé des informations émanant des
renseignements pour renforcer la politique
anti-soviétique de R. Reagan. J. Biden - vice-président
d’Obama - a soutenu M. Saakachvili contre Moscou lors de
la crise géorgienne de l’été 2008. Il est à l’origine
d’une aide économique et financière considérable en
faveur de Saakachvili - dont le financement du budget
géorgien - pour renforcer son régime. Un tel soutien
s’inscrit dans une longue tradition américaine
d’ingérence politique en zones eurasienne et
sud-américaine. Enfin, Biden est partisan de l’extension
du système anti-missiles américain à l’Est européen,
perçu par Moscou comme un menace…
[xv] Au sens de la théorie
des systèmes - voir donc, Bertalanffy L.V. (1978) :
‘’Théorie Générale des Systèmes’’, Dunod. Sur le thème
de l’auto-régulation des systèmes, voir Mélèse J. (1979)
: ‘’Approches systémiques des organisations : vers
l'entreprise à complexité humaine’’, éd. Hommes et
Techniques.
[xvii] ‘’Discours à la
Conférence de Munich sur la sécurité’’, V. Poutine,
10/02/2007. www.voltairenet.org/article145320.html.
[xviii] En juin 1947, dans
un article ‘’The Sources of Soviet Conduct’’, Kennan
note la détermination de Staline à internationaliser la
révolution communiste. Afin de contenir l’expansionnisme
soviétique, il prône une politique d’endiguement
connue comme doctrine Truman.
[xix]
www.rian.ru.fr,
‘’Afghanistan : l’Occident dans le sillage de
l’ex-URSS’’, I. Kramnik, 16/02/2009.
[xx] On peut donc prévoir
une réduction du budget militaire américain. Le futur
premier secrétaire adjoint à la Défense, William Lynn, a
récemment déclaré que le budget actuel du Pentagone (180
milliards de dollars par an !) était excessif. Sur la
thèse de ‘’sur-extension impériale’’ de la puissance
américaine, voir P. Kennedy (1988) : ‘’The Rise an Fall
of Great Powers’’, Fontana Press.
[xxi]
www.rian.ru.fr,
‘’ABM en Europe : les Etats-Unis demanderont l’avis de
la Russie’’, J. Biden, 7/02/2009.
[xxii] Fontanel J. (1998) :
‘’L'économie russe, ou la transition douloureuse’’ in
‘’L'avenir de l'économie russe en question’’, PUG (sous
la direction de).
[xxiii]www.rian.ru.fr,
‘’ ABM américain en Europe : le potentiel nucléaire
russe visé’’, S. Ivanov, 6/02/2009.
[xxv]
Par la suite, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan se sont
éloignés de la tutelle américaine, en remettant en cause
la politique et la présence américaine (via la fermeture
de ses bases militaires). Dans ce schéma, l’initiative
PPTE (pour les Pays Pauvres et Très Endettés) est, pour
Washington un moyen d’imposer une politique libérale au
Kirghizstan permettant, par ce biais, d’accroitre son
influence dans l’espace post-soviétique. Sur ce thème,
voir Géronimo J (2007) : ‘’Les leviers d’une stratégie
anti-russe’’, Revue trimestrielle Nouvelle Fondation, n°
6, pp. 130-133 ou
www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=NF&ID_NUMPUBLIE=NF_006&ID_ARTICLE=NF_006_0130.
Version russe: Revue d’Etat ‘’Obshestevennyi
Reiting’’, Bichkek, Kirghizistan (19/04/2007).
www.pr.kg/or/detail.php?id=33.
[xxvi]
www.rian.ru.fr,
‘’Afghanistan : Moscou tente d’acculer Washington à la
coopération en Asie centrale’’ (Gazeta.ru/Kommersant),
5/02/2009.
[xxvii] ‘’Comment sortir
intelligemment de cette folle guerre ?’’, Z. Brzezinski,
Washington Post, 30/03/2008.
[xxviii]
Sur cette fonction politique des prix en ECP, voir notre
thèse. Géronimo J. (1998) : ‘’Légitimité et rôle du
Parti communiste dans la régulation du système
économique soviétique’’, Thèse de doctorat en Economie
Appliquée, UPMF Grenoble 2.
[xxix]
www.rian.ru.fr,
‘’Poutine salue les signaux provenant de
l’administration Obama’’, 26/01/2009.
[xxx] Un autre objectif
sous-jacent était d’obtenir la protection militaire de
Washington pour s’émanciper définitivement de la tutelle
russe.
[xxxii] ‘’Protocoles du
traité de l’Atlantique Nord de 1949 sur l’accession de
la Pologne et de la République tchèque’’, 4/05/1998,
section 3, Congressional Record (Sénat), pp. S4217-4220
– cité par H. Kissinger (2004, p. 53).
[xxxiii] Kissinger H.
(2004) : ‘’La Nouvelle Puissance Américaine’’, éd.
Fayard, le Livre de Poche.
[xxxiv]
www.rian.ru.fr,
‘’Ukraine : pas d’alternative à l’adhésion à l’Otan’’,
V. Iouchtchenko, 12/02/2009.
[xxxv]
www.rian.ru.fr,
‘’L’Abkhazie et l’Ossétie du Sud réintégreront la
Géorgie’’, M. Saakachvili, 12/02/2009.
[xxxvii]
www.rian.ru.fr,
‘’L’arme nucléaire : facteur essentiel de dissuasion’’,
Etat major général russe, 9/02/2009.
[xxxix] On rappellera : OTSC
(Organisation du Traité de sécurité collective) et OCS
(Organisation de coopération de Shanghai). Voir note
lvii.
[xl]
www.rian.ru.fr,
‘’OTSC : Moscou consolide son pré carré en Asie
centrale’’, I. Kramnik, 06/02/2009.
[xli]
www.rian.ru.fr,
‘’Gaz : Kiev et Moscou ont convenu de ne pas lier le
transit et les livraisons en Ukraine’’, 18/01/2009.
[xlii]
Depuis le 20/01/2009, suite au compromis entre V.
Poutine et I. Timochenko, le transit énergétique a pu
reprendre son cours normal. Lors des négociations à
Moscou dans la nuit du samedi 17 janvier entre les
premiers ministre russe et ukrainien, une entente sur le
prix du gaz pour l'Ukraine et sur le tarif du transit a
été enregistrée. Il a été notamment convenu qu’en 2009,
un rabais de 20% sera accordé à Kiev pour le gaz russe -
sous condition du maintien des tarifs de 2008 pour son
transit à travers le territoire ukrainien.
www.rian.ru.fr, ‘’Gaz:
Timochenko attendue lundi à Moscou’’,
19/01/2009.
[xliii] M. Grouchko,
vice-ministre russe des affaires étrangères a exprimé
‘’sa perplexité face à certaines évaluations’’ de la
présidence de la Commission européenne, à l'occasion de
la crise gazière, ‘’provoquée par le sabotage par Kiev
de ses engagements en matière de transit’’.
www.rian.ru.fr,
‘’Crise gazière : Moscou perplexe face aux déclarations
de l’UE’’, 22/01/2009.
[xliv]
Au total, la Russie fournit 40% du gaz importé de l’UE,
dont 80% transitent par l’Ukraine. D’où la possibilité
pour cette dernière de menacer Moscou au moyen de
manœuvres douteuses et de contraindre sa politique de
prix énergétiques. Comme l’a confirmé V. Poutine,
l’Ukraine ‘’souhaite parasiter sur le transit de gaz
(…)’’. www.rian.ru.fr, ‘’L’Ukraine
veut parasiter sur le transit de gaz vers l’Europe’’,
11/01/2009. ’’Cette situation, lorsqu'un pays exige de
lui accorder tout gratuitement ou trois fois moins cher
qu'à d'autres, menaçant de couper le transit de gaz vers
l'Europe qui, nous promet-il encore, pèsera sur nous
pour exiger de le rétablir - cette situation n'est plus
tolérable’’, a estimé le 16/01/2009, le chef du
gouvernement russe.
www.rian.ru.fr, ‘’Conflit
gazier: V. Poutine critique l'UE pour son ‘approche
égal’ envers la Russie et l'Ukraine’’,
16/01/2009.
[xlv] Refusant les nouveaux
prix de Gazprom, Kiev avait objectivement intérêt à
freiner le transit gazier vers l’Europe, dans le but de
faire accuser Moscou.
[xlvi] Kiev n’a pas hésité à
bloquer l’approvisionnement gazier de l’Europe et à
prendre celle-ci en otage, conduisant fort justement V.
Poutine à dénoncer le 12/01/2009 le ‘’blocus gazier’’ de
l’Ukraine.
www.rian.ru.fr, ‘’Poutine dénonce le blocus gazier
mené par Kiev contre l’Europe’’, 12/01/2009. Un peu plus
tard, le premier ministre a confirmé que ‘’aucun des
pays de transit n'est en droit d'abuser de sa situation
ni de spéculer sur celle-ci, pour prendre en otages les
consommateurs en Europe’’.
www.rian.ru.fr,
‘’Rencontre quadripartite à Moscou : Medvedev propose un
sommet’’, 14/01/2009.
[xlvii] Brzezinski (2000, p.
19) a ainsi déclaré : ‘’La partie qui se joue dans le
pourtour de la Russie n’est plus l’endiguement de la
guerre froide, mais le refoulement (‘roll back’)’’.
[xlviii] Le chef de la
diplomatie russe, S. Lavrov, a ainsi déclaré que ‘’la
Russie mène aujourd'hui une politique extérieure exempte
de confrontation, compréhensible, basée sur des intérêts
clairs et légitimes et sur la base du droit
international et sur les règles de l'économie du
marché’’.
www.rian.ru.fr, ‘’La plupart des pays occidentaux
rejettent une confrontation avec la Russie’’, S. Lavrov,
16/01/2009.
[xlix] Rappelons qu’un seul
pays (principe du droit de véto) peut empêcher
l’adhésion russe à l’OMC.
http://archives.lesechos.fr/archives/2008/lesechos.fr/09/18/300294165.htm.
[l]
www.rian.ru.fr,
‘’La Russie incomprise par l’Europe’’, K. Kossatchev,
12/02/2009.
[lii] Brzezinski (2000, pp.
18-19).
[liii]
Le président ouzbèk Islam Karimov a ainsi affirmé, à
propos du rôle stabilisateur de Moscou en Asie
centrale : ‘’Le monde change très vite (...). La Russie
est un pays qui a toujours été présent dans cette
région, elle a déterminé la politique et l'équilibre des
forces’’.
www.rian.ru.fr, ‘’Medvedev en Ouzbékistan : un
signal fort’’, 23/01/2009.
[liv]www.LExpress.fr,
‘’Russie-Géorgie : les enjeux du conflit en 7
points’’, G. Minassian, 22/08/2008.
[lv]
www.rian.ru.fr,
‘’Afghanistan : l’Occident dans le sillage de
l’ex-URSS’’, I. Kramnik, 16/02/2009.
[lvi]
De ce pont de vue, suite aux ‘’révolutions colorées’’,
le double contrôle de la Géorgie et de l’Ukraine
s’inscrit dans la ligne Brzezinski de déstabilisation,
d’encerclement et de compression de l’influence russe
dans son espace historique. Brzezinski considère
l’Ukraine comme un pivot géopolitique central de sa
stratégie de ‘’roll back’’.
[lvii] Dans cet axe, Moscou
a renforcé sa sécurité politico-stratégique à travers la
création de l’OTSC et de l’OCS. L’OCS est une
organisation régionale regroupant 6 Etats : la Russie,
la Chine, le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et
l'Ouzbékistan. Elle a été crée à Shanghai les 14 et 15
juin 2001 par les présidents des six pays eurasiatiques.
L'OTSC est une organisation militaire regroupant sept
Etats - Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan,
Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan - soit près de 70% du
territoire de l'ex-URSS. Elle a été crée le 25 mai 2001.
[lviii] Elle s’oppose
notamment au projet américain d’implanter un bouclier
anti-missiles (ABM) en Europe de l’Est (Tchéquie et
Pologne) dont, à juste titre, elle estime être une cible
potentielle. Sous G.W. Bush, il aurait même été question
d’étendre le bouclier ABM à certaines ex-républiques
soviétiques…
[lx]
www.rian.ru.fr,
‘’Moscou espère qu’Obama optera pour le polycentrisme
politique’’, S. Lavrov, 12/02/2009.
[lxi]
www.rian.ru.fr,
‘’Davos : la Russie souhaite que les USA renoncent à
leur unilatéralisme’’, V. Poutine, 29/01/2009.
[lxii]‘’Ce
qui entrave le développement de la coopération dans cet
espace - ce sont les conflits qui perdurent, et nous
devons nous efforcer de les régler en utilisant les
mécanismes de paix et les négociations, ainsi que les
tentatives de diviser l'espace de la CEI et d'y semer la
discorde politique et militaire’’, a souligné S. Lavrov,
ajoutant qu'il ne fallait pas utiliser les pays de la
CEI comme otages de projets géopolitiques.
www.rian.ru.fr, ‘’
La Russie luttera contre les tentatives de division de
la CEI’’, S. Lavrov, 16/01/2009.
[lxiii]
www.rian.ru.fr,
‘’La nouvelle administration US soutiendra l’Ukraine’’,
I. Timochenko, 11/02/2009.
[lxiv]
G.F. Kennan (1947) :
‘’The Sources of Soviet Conduct’’, article,
Foreign Affairs, juillet 1947.
|