Opinion
Mali : La France
pompier pyromane
Jean-Pierre Dubois
Vendredi 25 janvier
2013 On ne répètera jamais assez que
le chaos qui s’est instauré au Sahel est
le produit direct de l’intervention
militaire de la France en Libye. Décidée
à renverser Kadhafi coûte que coûte, la
France a encouragé l’arrivée de
combattants islamistes étrangers, le
plus souvent recrutés et armés par le
Qatar, afin que ceux-ci se substituent
aux pseudo-révolutionnaires de Benghazi
incapables par leurs propres forces de
parvenir jusqu’à Tripoli.
Le régime de Kadhafi ayant finalement
ployé, sous les bombes et les missiles
de l'OTAN (principalement français), ces
islamistes, puissamment armés et
équipés, ont essaimé vers le Sahel où
déjà sévissait un groupe de leur
mouvance, l’AQMI.
La « talibanisation » du Nord Mali ne
doit donc rien au hasard. Elle apparaît,
au contraire, comme une stratégie
délibérée qui consiste à
instrumentaliser l’islamisme politique
pour se donner le prétexte d’intervenir
militairement et de s’implanter
durablement dans les pays africains. La
France de Sarkozy-Hollande a choisi
d’occuper un rôle de premier plan dans
la mise en œuvre de cette stratégie
africaine mais celle-ci concerne en fait
l’ensemble des puissances impérialistes,
notamment les Etats-Unis et l’Union
européenne.
Pour les besoins de leurs industries,
ces puissances sont, plus que jamais,
avides des précieux minerais dont
l’Afrique est un dépositaire important,
voire exclusif. Mais, elles ne peuvent
en disposer aussi facilement
qu’autrefois, avant que des pays comme
la Chine [1] et l’Inde soient devenus
les premiers partenaires économiques du
continent. En même temps, leur lourd
contentieux colonial et/ou néocolonial
ne leur permet pas d’espérer surmonter
cette concurrence par des moyens
spécifiquement politiques et
économiques.
L’impérialisme a donc choisi l’option
militaire comme moyen de rétablir sa
suprématie sur l'Afrique. C’est en
alléguant la « lutte contre le
terrorisme » qu'il lui sera possible
d’intervenir militairement, d’implanter
des bases, de maintenir des troupes et
d’encadrer, entraîner et équiper les
armées locales.
Mais pour cela, il doit auparavant
faire en sorte que les pays visés soient
suffisamment affaiblis économiquement et
déstabilisés politiquement pour qu'ils
ne puissent prétendre assurer leur
sécurité par eux-mêmes. De ce point de
vue, ce qui s’est passé et continue de
se passer au Mali est exemplaire : une
économie contrainte de se spécialiser
dans le coton sous les injonctions de la
Banque mondiale ; un État en
déliquescence soumis aux interférences
de la France ; un coup d’État et un
président inconstitutionnel ; une armée
désorganisée...
Pour l'impérialisme, l'islamisme
politique est devenu un instrument
commode et efficace.
Il peut servir d’épouvantail et
permette de justifier ses aventures
bellicistes, comme celle qui se déroule
actuellement au Mali. [2] Dans le même
temps, il peut être un partenaire
apprécié, comme en Syrie, quand il
combat le gouvernement de Bachar al-Assad
en semant la terreur parmi la
population.
[1] Depuis 2009, la
Chine est devenue le premier partenaire
commercial de l’Afrique.
[2] Un rapport
de l’OCDE sur le Sahel note que « la
menace terroriste est amplifiée, voire
nourrie, permettant aux États en
rivalités de prendre le contrôle des
richesses ».
http://www.oecd.org/fr/csao/publications/45830147.pdf
Jean-Pierre Dubois
Le dossier Afrique noire
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