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TLAXCALA
Le
coup des attentats à l’“explosif liquide” et ses
implications
James Petras *
Les
accusations formulées par les régimes britannique, états-unien
et pakistanais, qui auraient découvert les préparatifs d’un
vaste attentat ourdi contre neuf compagnies aériennes des
Etats-Unis, se « fondent » sur des « preuves »
extrêmement contestables, qui seraient rejetées par tout
tribunal digne de ce nom.
Le passage au crible analytique de l’enquête, à son
stade actuel, soulève un certain nombre de questions au sujet des
allégations formulées par ces gouvernements, concernant la préparation
d’un attentat ourdi conjointement par vingt-quatre citoyens
britanniques d’origine pakistanaise.
Les arrestations
(de ces vingt-quatre suspects) ont été suivies par des
recherches de preuves matérielles, comme le relate le Financial
Times dans son édition du 12 août : « La police
s’est attelée à une tâche herculéenne, consistant à
collecter des pièces à conviction du complot terroriste allégué
révélé hier » [FT, 12.08.2006]. Autrement dit : les
arrestations ainsi que les inculpations ont été effectuées en
l’absence absolue des preuves pourtant nécessaires : on a
là, déjà, en l’occurrence, une méthode opératoire tout à
fait particulière, étant donné que les procédures normales
d’investigation commanderaient que l’on n’arrête d’éventuels
suspects qu’après avoir mené à bien « la tâche herculéenne
consistant à collecter des pièces à conviction ». On a
procédé à des arrestations avant même de disposer des pièces
à conviction nécessaires : dès lors, sur quoi ces
arrestations pourraient-elles bien être fondées en droit ?
Les recherches
d’enregistrements et de transferts bancaires effectuées par le
gouvernement n’ont pas permis de trouver une quelconque filière
financière, en dépit du gel des comptes courants des personnes
arrêtées. L’enquête policière a d’ailleurs révélé la
modestie des épargnes concernées, ce qui n’a rien d’étonnant,
s’agissant de jeunes, ouvriers, étudiants ou employés,
appartenant à des familles immigrées aux revenus très modestes.
Le gouvernement
britannique, épaulé par Washington, affirmait que
l’arrestation, par le gouvernement pakistanais, de deux
Anglo-pakistanais avait fourni des « preuves irréfutables »
qui auraient permis de découvrir le complot et d’identifier les
terroristes en puissance. Aucune instance judiciaire occidentale
n’accepterait le genre de preuve fourni par les services de
renseignement pakistanais, lesquels sont tristement connus pour
leur recours à la torture afin d’extorquer des « aveux ».
Les « preuves » fournies par la dictature pakistanaise
sont fondées sur une rencontre supposée entre un parent de
l’un des « suspects » et un agent d’Al-Qa’ida à
la frontière afghane. D’après la police pakistanaise, cet
agent d’Al-Qa’ida aurait remis à ce parent – et « donc »,
à l’accusé… – l’information nécessaire à la
fabrication de la bombe ainsi que des instructions. La
transmission d’informations sur la confection d’engins
explosifs ne nécessite nullement de faire la moitié du tour du
monde, et certainement encore moins pour se rendre au voisinage
d’une frontière assiégée militairement par des forces armées
sous commandement américain, d’un côté, et par l’armée
pakistanaise, de l’autre. De plus, il est extrêmement douteux
que des agents d’Al-Qa’ida, dans les montagnes afghanes, aient
la moindre idée quelque peu détaillée des procédures de sécurité
spécifiques aux lignes aériennes britanniques, ni à leurs
conditions de fonctionnement à Londres. A défaut de preuves
tangibles, les services secrets pakistanais et leur homologue
britannique ont appuyé sur absolument tous les boutons de la
machine à propagande : rencontre clandestine avec
Al-Qa’ida, échanges d’informations sur la fabrication de
bombes à la frontière pakistano-afghane, Britanniques
d’origine pakistanaise ayant des amis islamistes, liens
terroristes et familiaux en Grande-Bretagne…
Les services américains
ont allégué – et Londres a répété – que des sommes
d’argent auraient été transférées électroniquement depuis
le Pakistan pour permettre aux comploteurs d’acheter des billets
d’avion. On ne trouva, en tout et pour tout, des billets
d’avion que dans un seul des appartements perquisitionnés [la
compagnie émettrice et la destination n’ont pas été révélées
par la police]. Aucun des autres suspects ne possédait de billet
d’avion, et certains d’entre eux n’avaient même pas de
passeport ! Autrement dit, les initiatives préliminaires du
soi-disant complot terroriste n’avaient jamais été prises par
les suspects. Il ne saurait y avoir de complot terroriste visant
à faire sauter des avions de ligne dès lors que les
conspirateurs supposés n’ont ni suffisamment d’argent pour
voyager, ni de papiers d’identité, ni de billet d’avion. De
plus, avancer que les conspirateurs allégués étaient dépendants
d’instructions provenant de manipulateurs lointains ignorant
tout des conditions de base régnant sur le terrain des opérations
n’est, tout simplement, pas crédible.
Dès le début, les
autorités britanniques et états-uniennes affirmèrent que
l’engin explosif était « une bombe liquide », bien
qu’aucune bombe – pas plus solide que liquide, d’ailleurs
– n’ait été retrouvée dans les lieux inspectés ni sur la
personne d’aucun des suspects. Pas plus que n’a été prouvée
la capacité de l’un quelconque des suspects à fabriquer, déplacer
ou faire exploser la soi-disant « bombe liquide » -
[laquelle, si elle avait existé], aurait été composée d’un mélange
extrêmement instable et impossible à manipuler pour des
personnes non-expertes. Aucune preuve n’a été présentée
quant à la nature de la bombe liquide en question, ni quant à un
quelconque échange, soit oral, soit écrit, concernant ladite
bombe liquide, qui mettrait en cause l’un quelconque des
suspects. Aucune bouteille, aucun liquide ni aucune formule
chimique n’ont été retrouvés chez aucun des suspects. De même,
aucun des ingrédients indispensables à la confection d’une
« bombe liquide » n’a été découvert. Il n’y a
pas non plus le début d’une quelconque preuve de la provenance
supposée du liquide explosif (la source), ni quant à la question
de savoir si ce liquide a été acheté localement, ou ailleurs
qu’en Grande-Bretagne.
Même après que
l’histoire de la bombe liquide ait sombré dans le ridicule et
dans un quasi oubli, le vice assistant procureur général
britannique Peter Clark a affirmé que « l’équipement nécessaire
à la fabrication d’une bombe, dont des produits chimiques et
des composants électroniques, ont été retrouvés » [BBC
News, 21.08.2006].
Là encore, aucune
indication sur les lieux où auraient été trouvés les
soi-disant « composants électroniques » et « produits
chimiques », on ne sait pas dans les domiciles ou dans les
bureaux desquels des suspects ils ont été soi-disant retrouvés,
ni même s’ils pouvaient avoir une raison plausible de se
trouver là où ils étaient, et qui n’ait rien à voir avec la
confection de bombes. Ces soi-disant éléments indispensables à
la fabrication de bombes étaient-ils détenus par une seule
personne, ou par un groupe de personnes ? Là encore, on
n’en sait rien. Dans le deuxième cas, s’agissait-il de gens
connus pour leur appartenance à un complot en vue d’un attentat
à la bombe ? De plus, il est intéressant de se pencher sur
la date à laquelle les autorités ont laissé tomber la piste des
bombes liquides pour ne plus parler que de l’identification de détonateurs
électroniques obsolètes. Et pour quelle raison !
Existe-t-il la moindre preuve – documents, ou conversations
enregistrées – associant ces détonateurs électroniques et ces
produits chimiques au complot bien déterminé faisant l’objet
de l’enquête, lequel est censé avoir eu pour objectif de
« faire sauter neuf avions de ligne des Etats-Unis » ?
Loin de fournir des
faits pertinents élucidant les questions fondamentales sur les
noms, les dates, les armes et les dates de voyage, le Commissaire
Clark fournit à la presse une sorte de liste des commissions
comportant des objets que l’on pourrait trouver dans des
millions de domiciles. Il révèle par ailleurs le nombre très
important d’immeubles perquisitionnés jusqu’à ce jour
(soixante-neuf). Si le porte-à-porte en montant les escaliers
permet d’obtenir une promotion, alors Clark devrait décrocher
le pompon et être élevé au rang de chevalier. D’après lui,
la police aurait découvert plus de 400 ordinateurs, 200 téléphones
mobiles, 8 000 accessoires liés aux médias électroniques (des
accessoires aussi inquiétants que des cartes mémoires
additionnelles Blue Tooth, des CD et des DVD), la police a extrait
6 000 gigabytes de données des computers saisis (soit 150
gigabytes par ordinateur…), ainsi que quelques enregistrements
vidéo. On présume, en l’absence de la moindre donnée
qualitative démontrant que les suspects préparaient réellement
des bombes en vue de détruire des avions de ligne états-uniens,
que le Commissaire Clark est en train de solliciter les
applaudissements du public pour la performance de ses
collaborateurs, aptes à chouraver et à déménager de l’équipement
électronique d’un site à un autre, et ce, dans soixante-neuf
immeubles différents ! Ce serait en effet là un exploit
digne d’être mentionné, si nous avions affaire à une
entreprise de déménagements… et non à l’enquête d’une
police dotée de pouvoirs étendus au sujet d’un événement aux
supposées « conséquences catastrophiques incalculables ».
Certains des
suspects ont été arrêtés parce qu’ils s’étaient rendus au
Pakistan au début des vacances scolaires. Les autorités tant
britanniques qu’états-uniennes ont simplement oublié de
rappeler que des dizaines de milliers de Pakistanais expatriés
rentrent dans leur pays pour rendre visite à leur famille, en
particulier à cette période de l’année !
Les experts
boursiers n’ont jamais pris le complot à la bombe liquide au sérieux,
pas plus à Wall Street qu’à la City de Londres. Le marché
n’a pas bronché un seul instant : ni il n’a piqué du
nez, ni il ne s’est effondré ; il n’y a eu nulle
panique… Le complot annoncé visant à faire sauter des avions
de ligne a été ignoré par tous les grands acteurs sur les marchés
financiers américains et londoniens. De fait, les prix du pétrole
ont même légèrement baissé ! Contrairement aux attentats
du 11 septembre 2001 et à ceux de Madrid et de Londres (auxquels
le complot en question est très souvent comparé), les « décideurs »
des marchés boursiers n’ont pas été impressionnés par les
allégations de « catastrophe majeure » formulées par
les gouvernements. Ni George Bush, ni Tony Blair – pourtant
tenus informés et briefés au sujet du « complot aux bombes
liquides » depuis plusieurs jours – n’ont jugé bon d’écourter
ne fût-ce que d’une seule journée leurs vacances, afin de
s’occuper sérieusement de la catastrophe annoncée…
De plus, chacune
des affirmations péremptoires et des éléments de « preuve »
mis en avant par la police et les responsables sécuritaires de
Blair et de Bush lève un lièvre : certains des suspects allégués
sont relâchés, et de nouvelles « preuves » tout
aussi bidon sont présentées, au compte-goutte, afin
d’entretenir un suspense à vous couper le souffle : deux
enregistrements de « messages de martyrs » ont été
retrouvés dans l’ordi d’un des suspects, ce qui, nous a-t-on
dit, laissait présager d’une attaque terroriste déjà planifiée.
L’équipe de Clark affirma avec un énorme aplomb avoir trouvé
un – et même plusieurs, tant qu’à faire – de ces
enregistrements, en oubliant de préciser que ces vidéos
n’avaient pas été effectuées par les suspects, mais seulement
visionnées par eux.
Beaucoup de gens,
dans le monde entier, rendent hommage à des martyrs s’étant
sacrifiés à tout un tas de causes politiques. Le Premier
ministre japonais, Koizumi, se rend chaque année en visite dans
un mausolée dédié aux morts de la Seconde guerre mondiale –
dont des pilotes-suicides, les kamikazes, défiant les
protestations des Coréens et des Japonais. Des millions de
citoyens et d’hommes politiques américains rendent hommage aux
héros de la guerre au cimetière national d’Arlington, chaque
année, certain de ces soldats s’étant sacrifiés afin de défendre
leurs camarades, leur drapeau et la justice de leur cause. Que des
Asiatiques, musulmans ou non-musulmans, décident de collectionner
des vidéos concernant les martyrs tombés en combattant contre
l’occupation ou contre Israël ne devrait surprendre personne.
Dans aucun des cas cités, dans lesquels des gens honorent leurs
martyrs, on n’assiste à des tentatives de la police visant à
établir un lien entre les participants recueillis et de futurs
complots à base d’attentats suicides. Dans aucun cas, sauf bien
sûr dans le dernier cité, celui où il s’agit de musulmans !
La célébration de héros tombés au combat est un phénomène
qui relève de la normalité de tous les jours – il ne s’agit
certainement pas d’une preuve que ceux qui y participent,
fussent-ils quelque peu exaltés, soient engagés en quoi que ce
soit dans une quelconque activité criminelle…
Un « message
de martyr », ce n’est ni un complot, ni une conspiration
ni une action, c’est simplement une expression de la liberté
d’expression – on pourrait même ajouter, « à usage
interne » (entre le locuteur et son ordinateur), qui peut,
ou non, devenir dans le futur un discours public. Devons-nous
faire du soliloque privé une menée terroriste ?
La durée légale
de détention des suspects, en absence de qualification des
charges retenues à leur encontre, étant arrivée à expiration,
les autorités britanniques ont relâché deux suspects et mis en
examen onze autres, tandis que onze autres continuent à être
retenus sans inculpation, sans doute parce qu’il n’existe
aucune base permettant de mener plus avant la procédure. Tandis
que le nombre des conspirateurs s’effiloche, en Angleterre,
Clark et Cie ont détourné l’attention vers un complot
d’ampleur mondiale, avec des ramifications en Espagne, en
Italie, au Moyen-Orient et ailleurs…
Apparemment, la
« logique », en cela, c’est qu’une plus grande étendue
du réseau serait censée en compenser les énormes trous…
Dans le cas d’espèce,
sur les onze qui ont été renvoyés devant un tribunal, seuls
huit ont été accusés de conspiration en vue de la perpétration
d’un attentat terroriste ; les trois autres sont accusés
de ne pas avoir « révélé les informations qu’ils détenaient »
(disons plutôt d’avoir été des mouchards, qui n’auraient
pas révélé… quoi, au juste ?) et d’ « avoir
en leur possession des objets pouvant servir à des personnes préparant
un attentat terroriste. » [BBC News, 21.08.2006]. Dès lors
qu’aucune bombe n’a été retrouvée et qu’aucun plan
d’action n’a été révélé, nous devons nous contenter
d’une vague accusation de « conspiration », ce qui
peut signifier y compris une discussion privée hostile, visant
des citoyens états-uniens ou britanniques, entre plusieurs
individus susceptibles d’être dotés d’une capacité de réflexion !
La raison pour
laquelle il semble qu’on ait affaire à des idées, et non à
des actions, tient au fait que la police n’a été en mesure de
ne trouver ni une quelconque arme, ni une quelconque procédure opératoire
permettant de pénétrer de force dans le lieu supposé de
l’attaque (tels que des billets permettant d’accéder à des
avions, des passeports, etc…). Comment peut-on accuser des
suspects de ne pas avoir révélé des informations, dès lors que
la police elle-même ne dispose d’aucune information quant à un
complot, totalement nébuleux, visant à faire sauter des bombes [à
bord d’avions de ligne] ? Le fait que la police continue,
aujourd’hui, à édulcorer ses soupçons à l’encontre de
trois comploteurs supplémentaires donne une indication de la base
très chancelante des arrestations auxquelles elle a procédé et
de ses déclarations publiques. Accuser un jeune de dix-sept ans
de « détenir des objets indispensables à la préparation
d’un attentat terroriste », c’est tellement abusif que
cela en devient risible. Cet objet n’avait-il pas d’autres
utilisations possibles, tant pour le jeune lui-même que pour sa
famille (comme un ouvre-boîte, par exemple) ? « Détenait »-il
des documents écrits susceptibles de lui livrer une information
suspecte, ou simplement parce qu’ils pouvaient être fascinants
pour quelqu’un de son âge ? Dès lors qu’il possédait
ces documents, c’est qu’il ne les avait transmis à nulle
autre personne susceptible de confectionner des bombes. Avait-il
connaissance de projets spécifiques visant à fabriquer des
bombes, connaissait-il un artificier quelconque ? Les charges
retenues pourraient impliquer quiconque détient, et lit, un bon
roman d’espionnage ou de science-fiction, dans lequel est évoquée
la fabrication d’explosifs. Les onze ont décidé de plaider
non-coupable ; le procès aura lieu. Le gouvernement et les
mass médias ont d’ores et déjà condamné les accusés, dans
les médias tant électroniques que sur papier. La panique a été
semée. La peur et la colère hystérique sont bien présentes
dans les interminables queues de passagers, dans les aéroports et
les gares… On expulse de certains avions de paisibles Asiatiques
en train de prier ; on détourne parfois des vols et on évacue
même des aéroports…
Le bobard du
complot aux bombes liquides a d’ores et déjà provoqué des
pertes énormes (qui se comptent en centaines de millions de
dollars) aux compagnies aériennes, aux hommes d’affaires, aux
compagnies pétrolières, aux commerces hors taxes (duty free),
aux agences de voyage, aux lieux de villégiatures et à l’hôtellerie,
sans parler des inconvénients et des problèmes de santé subis
par des millions de passagers coincés dans les aéroports et en
proie à une angoisse bien compréhensible. Les restrictions imposées
aux voyageurs munis d’ordinateurs portables, de sacs de voyage,
de certains nécessaires de toilette, de certains aliments et médicaments
liquides viennent se surajouter aux « coûts » inhérents
aux voyages eux-mêmes.
Il est donc évident
que la décision de mijoter ce complot aux bombes bidon n’a pas
été motivée par l’intérêt économique, mais par des raisons
de pure politique intérieure. Le gouvernement Blair, déjà extrêmement
impopulaire à cause de son soutien aux guerres de Bush en Irak et
en Afghanistan, était soumis à des tirs à boulets rouges en
raison de son soutien inconditionnel à l’agression israélienne
contre le Liban, et de son refus obstiné à en appeler à un
cessez-le-feu immédiat, ainsi que de son soutien indéfectible à
la servilité de Bush vis-à-vis des lobbies sionistes états-uniens.
Au sein même du parti travailliste, près d’une centaine de
permanents s’exprimaient ouvertement contre sa politique, tandis
qu’y compris certaines ministres nommés récemment, comme
Prescott, déclaraient que la politique étrangère du Big Boss
Bush sentait la basse-cour. Bush n’était pas encore rejeté par
ses collègues au même point que Blair, mais son impopularité
menaçait d’entraîner la défaite de son parti républicain au
Congrès.
D’après de très
hauts responsables de la sécurité en Angleterre, Bush et Blair
étaient « au courant » de l’enquête sur un
possible complot « à la bombe liquide ». Nous savons
que Blair a donné le feu vert aux arrestations, alors même que
les autorités lui avaient dit qu’elles manquaient de preuves et
que ces arrestations étaient prématurées. Certains rapports émanant
de l’intérieur de la police britannique affirment que c’est
l’Administration Bush qui a poussé Blair à faire procéder à
des arrestations précoces et à annoncer la découverte du
complot « aux explosifs liquides ». Après quoi, des
responsables de la sécurité ont lancé une campagne massive et
tous azimuts de « propagande au terrorisme », afin de
capturer l’attention et le soutien du public, avec la
collaboration totale des mass médias. Un temps, la campagne médiatico-sécuritaire
a rempli sa mission : la popularité de Bush est quelque peu
remontée, Blair a échappé à une motion de censure, et tous les
deux ont pu poursuivre, tranquilles comme Baptiste, leurs vacances
pépères…
Le complot
politique à l’attentat correspond à un pattern déjà éprouvé
consistant à sacrifier certains intérêts économiques
capitalistes afin de servir des objectifs de politique intérieure
et certaines prises de position idéologiques. Les échecs en
politique étrangère conduisent à des crimes politiques intérieurs,
exactement de la même manière que des crises en matière de
politique intérieure finissent parfois par se traduire en
expansion militaire agressive.
Les rafles
criminelles organisées par les responsables britanniques de la sécurité
et dont ont été victimes de jeunes citoyens britanniques
musulmans originaires de l’Asie du Sud avaient été spécifiquement
conçues afin d’occulter l’échec de l’invasion anglo-américaine
de l’Irak ainsi que le soutien anglo-américain à l’invasion
destructrice – même si elle a été « couronnée d’échec »
– du Liban par Israël. Le complot blairien des « kamikazes
aux explosifs liquides » a sacrifié de multiples intérêts
capitalistes à seule fin de conserver des fauteuils politiques
menacés et d’éviter une sortie du pouvoir prématurée, qui
aurait singulièrement manqué de décorum. Ce sont les citoyens
et les entreprises britanniques qui paieront la note de ce
pitoyable militarisme.
De manière
similaire, Bush, ses sio-néocons et autres militaristes ont
exploité les attentats du 11 septembre 2001 afin de déployer une
stratégie militariste prenant la forme de différents conflits en
Asie du Sud-Ouest et au Moyen-Orient. Avec le temps et les
recherches scientifiques effectuées, la version officielle des événements
du 11 septembre est désormais sérieusement mise en cause –
tant en ce qui concerne l’effondrement d’un des gratte-ciel de
New York que l’origine des explosions dans le bâtiment du
Pentagone, à Washington. Les événements du 11 septembre [‘événements’,
car peut-on, à proprement parler, employer le terme d’ « attentats » ?
ndt] ainsi que les guerres en Afghanistan et en Irak ont entraîné
le sacrifice d’intérêts économiques états-uniens d’une
importance majeure : pertes en vies humaines et économiques
à New York, pertes enregistrées par le tourisme, les compagnies
aériennes, destruction physiques massives ; pertes en termes
d’augmentation très importante des prix du pétrole et en
termes d’instabilité, augmentant les coûts supportés par les
consommateurs et les industries, principalement aux Etats-Unis, en
Europe et en Asie…
De la même manière,
l’invasion israélienne de la bande de Gaza et du Liban,
soutenue par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, a été extrêmement
coûteuse sur le plan économique, en raison des biens détruits,
des marchés et des investissements suspendus ou ajournés, tout
en suscitant une montée asymptotique de l’opposition des masses
aux menées impérialistes.
Autrement dit :
les politiques militaristes, en tous points similaires, des
Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et d’Israël (et donc, par
extension, du sionisme mondial) sont mises en œuvre au détriment
de secteurs stratégiques entiers de l’économie civile. Les
pertes enregistrées par des secteurs économiques clés requièrent
de militaristes qui sont essentiellement des civils qu’ils
recourent à des crimes politiques intérieurs inventés de toutes
pièces (faux complots visant soi-disant à préparer des
attentats, et procès de gens raflés au hasard) afin de détourner
l’attention du public de leurs politiques coûteuses et désastreuses,
et de renforcer leur contrôle politique sur la population. Dans
ces deux champs d’action, les militaristes civils et les sio-néocons
sont en train de perdre du terrain : le complot des « explosifs
liquides » est en train de tourner au vaudeville ; Israël
doit se livrer à l’introspection ; les sio-néocons ne prêchent
plus qu’à leurs convertis convaincus. Quant aux Etats-Unis, ils
demeurent ce qu’ils ont toujours été, depuis leur fondation :
un pays où des militaristes civils démocrates passent leur temps
à capitaliser sur les échecs de leurs collègues militaristes
civils républicains aux manettes…
[* James Petras,
qui a été professeur de sociologie à l’Université Binghamton
de New York, peut se vanter de participer depuis cinquante ans à
la lutte des classes. Il conseille les sans-terre et les chômeurs
au Brésil et en Argentine, et il est un des coauteurs de
l’ouvrage Globalization Unmasked [éditions Zed Books] [La
mondialisation sans fard]. Son dernier livre paru eset The Power
of Israël in the United States [Le pouvoir d’Israël aux
Etats-Unis] [éditions Clarity Press, 2006]. On peut le contacter
à son adresse mél :
jpetras@binghamton.edu
]
Traduit de l'anglais
par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de
traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft.
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