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Qui dirigera la gauche ?
Ilan Greilsammer
Barak, prochain leader ? Photo
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Certes, le joli mois de mai est le plus agréable
pour visiter Israël ! Mais cette année, il risque d’être très
« chaud » pour la gauche israélienne. En effet, c’est à ce
moment que le Parti travailliste tiendra ses élections primaires,
destinées à désigner son chef pour les années à venir. Bien sûr,
la gauche sioniste comprend aussi le Meretz de Yossi Beilin, mais
Avoda reste, malgré tout, la principale force du Camp de la paix,
au sens large du terme. Il est donc d’une extrême importance de
savoir qui, cette fois-ci, l’emportera. Si un processus de paix
avec les Palestiniens doit reprendre bientôt, ce que nous espérons
tous, c’est le leader travailliste qui sera le principal moteur
de sa négociation.
Sont en lice trois candidats : Amir Peretz, qui sollicite de son
parti un nouveau mandat, Ami Ayalon, tout nouveau député, et un
« revenant », Ehoud Barak. En ce qui concerne le premier, il
faut reconnaître que ses chances de l’emporter sont très
faibles, même si un rebondissement n’est pas à exclure.
L’opinion publique juge très sévèrement sa prestation d’une
année comme ministre de la Défense. On lui reproche surtout deux
choses : de ne pas avoir pris pour lui un grand ministère des
Affaires sociales qui lui aurait permis de réduire le fossé
insupportable entre les classes aisées et les couches défavorisées
et de s’attaquer au problème de la pauvreté, et surtout la
conduite déplorable de la seconde guerre du Liban. D’ici
quelque temps va être publié le Rapport intérimaire de la
Commission d’enquête sur la guerre, et ce rapport risque fort
d’accabler l’ancien leader de la Histadrouth. Amir Peretz a été
abandonné par la plupart de ses anciens collègues qui
soutiennent à présent ses deux concurrents.
Ami Ayalon a beaucoup plus de chances de l’emporter. Dans l’Israël
d’aujourd’hui, bouleversé par « les scandales », les
affaires de sexe et de corruption, Ami Ayalon jouit d’une
excellente image de Monsieur Propre. Ancien chef prestigieux de la
Marine israélienne, ancien responsable des Services secrets,
l’homme peut présenter un excellent CV et n’a, pour
l’instant, été entaché par aucune affaire. Certes, il est un
peu trop sûr de lui, un peu hautain, mais c’est quand même un
type bien. Comme Yitzhak Rabin avant lui, Ayalon est l’un de ces
généraux qui ont consacré toute leur vie à la sécurité d’Israël,
et se sont convertis ensuite à la cause de la paix. N’oublions
pas qu’il est le père de l’initiative Ayalon-Nusseibeh et est
considéré comme le représentant de la « gauche »
du Parti travailliste.
Quant à Ehoud Barak, point n’est besoin de le présenter,
puisqu’il fut le Premier ministre du pays de 1999 à 2001. On se
rappellera surtout le sommet de Camp David à l’été 2000, et
les propositions de paix très généreuses qu’il avait faites,
malheureusement rejetées par Arafat qui préparait déjà la
seconde intifada. Après sa défaite magistrale face à Sharon en
2001, Ehoud Barak avait complètement disparu, donnant des conférences
à prix d’or aux Etats-Unis, et se faisant construire une
magnifique maison à Kfar Shmaryahou, une banlieue ultra riche de
Tel-Aviv. Est-il vraiment l’homme qui doit représenter le «
Parti des Travailleurs » ? Ce qui est vrai, c’est qu’il
semble avoir mûri et compris qu’il avait fait beaucoup
d’erreurs au cours de son premier passage au pouvoir. Et c’est
vrai aussi que, dans l’histoire du pays, le second passage au
pouvoir d’un homme politique est souvent bien meilleur que le
premier (ce fut le cas de Rabin). Ehoud Barak, actuellement
rejoint et soutenu par presque tous les ténors du Parti, a pour
lui son image de Monsieur Sécurité et son expérience politique.
A quelques semaines du vote des militants restent bien des
inconnues. A quel point le Rapport Vinograd sera-t-il sévère
envers Peretz ? Comment voteront les militants travaillistes
arabes ? Barak réussira-t-il à convaincre qu’il a changé ?
Des attentats ne risquent-ils pas d’affaiblir la gauche représentée
par Ami Ayalon ? En tout cas, il s’agit d’une élection très
importante pour l’avenir du pays.
Ilan Greilsammer, correspondant
israélien
© CCLJ 2005
Publié avec l'aimable autorisation du CCLJ
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