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CCLJ
Comment renforcer le camp palestinien modéré?
Ilan Greilsammer*
A l’heure où j’écris ces
lignes, le gouvernement israélien se trouve confronté à un
problème aussi épineux que celui de la quadrature du cercle (et
encore, celui-ci doit être plus facile!). En effet, les données
du problème israélo-palestinien sont aujourd’hui
extraordinairement complexes.
1. Aucun gouvernement ne peut laisser ses citoyens, comme ceux de
Sderot, sous une pluie quotidienne de roquettes : même si
celles-ci ne tuent et ne blessent pas toujours, elles suscitent
une profonde démoralisation de la population civile. C’est la
responsabilité des autorités de répondre à l’angoisse des
habitants.
2. Le gouvernement du Hamas répète, presque tous les jours,
qu’il ne reconnaît pas, et ne reconnaîtra jamais l’Etat
juif, et que celui-ci a vocation à disparaître. On a
l’impression que lorsque la direction du Hamas à Gaza «adoucit»
un tant soit peu ses positions, Khaleed Mashal, son chef politique
à Damas, le rappelle à l’ordre par ses positions extrémistes.
3. Le partenaire le plus évident d’Israël, Mahmoud Abbas, se
trouve malheureusement dans un état d’extrême faiblesse, et on
ne sait pas exactement ce qu’il peut vraiment faire sur le
terrain. Il est certain qu’il aimerait arrêter les tirs de
roquettes mais qu’il n’en est pas capable.
4. Les actions militaires de Tsahal dans la bande de Gaza, se sont
toutes soldées, reconnaissons-le, par un échec cuisant. Ni les
bombardements intensifs, ni les tirs de l’aviation, ni les opérations
terrestres n’ont abouti à une quelconque diminution des tirs de
Kassam, bien au contraire. Les destructions occasionnées par le
passage des blindés et la tuerie de Beit Hanoun ont cruellement
porté atteinte à l’image d’Israël dans le monde.
5. Enfin, la situation sécuritaire s’aggrave de jour en jour,
du fait des transferts massifs d’armements du territoire égyptien
vers Gaza, par la voie des dizaines et des dizaines de tunnels
creusés sous la frontière de Rafah.
Que faire? Comment ramener le calme? Comment faire «bouger» les
choses?
Si un point reste très clair, c’est qu’il faut absolument
renouer le dialogue, reprendre langue. Malgré son affaiblissement
politique, Mahmoud Abbas est, au moins dans un premier stade,
celui avec qui il faut parler, discuter, négocier. Depuis
beaucoup trop longtemps, le dialogue a été rompu. Surtout : pas
de préalables, pas de conditions, pas de préséances. Ehoud
Olmert doit immédiatement, aujourd’hui même, rencontrer le Président
palestinien et lui offrir quelque chose qu’il puisse présenter
à ses concitoyens en leur disant : Voyez ce que j’ai obtenu
d’Israël! Je suis le seul à avoir pu l’obtenir! Je pense
que le gouvernement israélien doit tout faire pour consolider le
statut de Mahmoud Abbas et renforcer le camp des «modérés».
Car n’oublions pas que nous pouvons donner beaucoup aux
Palestiniens, sur tous les plans.
Sur le plan économique et social, nous pouvons leur offrir des
vivres, des médicaments, des matériaux de construction, des vêtements,
de l’aide avant l’hiver. Nous pouvons aussi, à condition
qu’il s’engage à faire libérer Gilad Shalit, remettre au Président
palestinien des centaines, voire des milliers de prisonniers.
Comme nous savons que cette question des prisonniers est
absolument vitale pour les Palestiniens (sans être cruciale pour
Israël), en libérer un grand nombre en accord avec le Président
palestinien redorerait sûrement son blason auprès de son peuple.
On entend bien sûr les Israéliens dire : Non! Jamais!
Qu’ils libèrent d’abord notre soldat! Qu’ils arrêtent
d’abord d’envoyer leurs roquettes! Mais en quoi l’ordre
des choses est-il si important? Ce qui est le plus urgent, dans
l’intérêt même d’Israël, est de renforcer par tous les
moyens le camp Abbas, le Fatah, et cela commence sûrement par la
libération des prisonniers. Voyant que c’est le président
Abbas qui a obtenu leur libération, il est très possible que sa
population voie en lui celui qui «obtient» des avantages d’Israël,
contrairement au gouvernement du Hamas qui n’obtient strictement
rien.
Ilan Greilsammer
Correspondant israélien du CCLJ
© CCLJ 2005
Publié avec l'aimable autorisation du CCLJ
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