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Barak ou Ayalon ?
Ilan Greilsammer


Avantage Barak - Photo CCLJ

Le 28 mai s'est déroulé un événement d’une grande importance pour la gauche israélienne, pour le camp de la paix, et la société israélienne en général : ce jour-là a eu lieu l’élection, par les adhérents du Parti, du nouveau dirigeant travailliste. Commentée ici par notre correspondant Ilan Greilsammer. La dernière étape de ces élections verra s'affronter le 12 juin le duel Barak/Ayalon.

L’élection d’Amir Peretz, il y a plus d’un an, avait été accompagnée de grands espoirs. Enfin, se disait-on, une personnalité « civile », ayant une profonde connaissance des problèmes du pays, un dirigeant syndical qui allait s’attaquer aux problèmes de la pauvreté, du fossé entre les riches et les pauvres, et améliorer le sort des couches défavorisées : chômeurs, nouveaux immigrants, travailleurs étrangers, mères célibataires, etc. Après tout, Amir Peretz, à la tête de la Histadrout, avait donné l’image d’un véritable leader populaire, à l’écoute des plus démunis, un homme de dialogue et de combat, doublé d’un réel militant pour la paix. Or, la déception fut à la hauteur des espoirs ! A la suite des élections à la Knesset, en mars 2006, le leader travailliste acceptait, à la stupéfaction générale, le portefeuille de la Défense dans le gouvernement Olmert ! Qu’étaient devenues les promesses de changements radicaux de la société israélienne ? Et les problèmes sociaux ? Et les pauvres ? Et d’ailleurs… que connaissait-il aux problèmes de défense ? Et surtout, pourquoi n’avait-il pas exigé de recevoir un super-ministère des Affaires sociales, qui aurait tiré profit de son immense expérience dans ce domaine ?
Les doutes sur les capacités « sécuritaires » de Peretz s’exprimèrent de façon dramatique lors de la seconde guerre du Liban : une guerre mal préparée, mal menée et sans résultat tangible. Depuis lors, le dirigeant d’Avoda a été la cible de critiques acerbes, venues de tous les côtés. Le rapport intérimaire de la Commission Winograd l’a désigné comme l’un des principaux responsables du fiasco libanais. Et pourtant, Amir Peretz, qui n’a pas démissionné, est candidat à sa propre succession, espérant contre toute prévision que les militants de son parti lui feront… une nouvelle fois confiance. Même si, dans la politique israélienne, aucun rebondissement n’est à exclure, les chances de Peretz d’être réélu le 28 mai sont vraiment très, très faibles…
Ofir Paz-Pines et Danny Yatom sont deux candidats relativement « peu connus » au leadership du Parti travailliste. Le premier, « un quadra » représentant la (relativement) jeune génération du parti, a démissionné avec éclat du gouvernement, pour protester contre l’entrée du parti d’Avigdor Libermann dans la coalition. Il représente la « gauche » du parti, mais ses chances de l’emporter sont peu importantes. De même, l’ancien chef du Mossad, le député Danny Yatom maintient jusqu’à l’heure où j’écris ces lignes, sa candidature. Mais lui aussi n’a aucune chance de l’emporter, d’autant qu’on lui reproche toujours l’une de ses plus graves erreurs : en tant que chef des Services secrets sous Netanyahou, c’est lui qui avait autorisé la liquidation du leader du Hamas à Amman, Khaled Mash’al, un terrible fiasco qui avait provoqué une crise dans les relations avec la Jordanie et même forcé Israël à libérer le Cheikh Yassine… Restent les deux « grands » candidats en lice : Ehoud Barak et Ami Ayalon. Soulignons tout d’abord que les deux rivaux sont des « Monsieur Sécurité », comme on dit ici : l’un est ancien chef d’Etat-major, abondamment décoré pour ses brillants faits d’armes, l’autre a été successivement commandant en chef de la Marine puis chef des Services secrets (Shin Beth). Comme le véritable choix se limite à ces deux candidats, on voit bien comment, à la suite de la guerre ratée au Liban, le balancier revient en faveur d’un leader capable de penser les problèmes de sécurité et de s’imposer à l’Etat-major de l’armée.

Avantage Barak
Actuellement, les sondages donnent un léger avantage à Barak. Certes, on aurait pu penser que la piètre qualité de son premier mandat de Premier ministre (1999-2001) l’aurait disqualifié. Le public israélien reste très critique sur la façon dont le Liban a été évacué par Tsahal en 2000, en laissant le Hezbollah s’installer sur la clôture frontalière !
L’échec du sommet de l’été 2000 Clinton-Barak-Arafat n’est pas non plus, aujourd’hui, porté à son crédit. Beaucoup lui reprochent toujours d’avoir laissé Ariel Sharon monter sur l’esplanade des mosquées, erreur qui avait, entre autres facteurs, contribué au déclenchement de l’intifada. Sans compter que la population arabe d’Israël continue de l’incriminer pour la mort des manifestants arabes tués par la police au début du soulèvement palestinien. D’ailleurs, Barak avait été battu de façon humiliante par Sharon, aux élections de 2001. Manifestement, le pays avait voulu sanctionner l’ancien chef d’Etat-major. Dans les années qui ont suivi sa défaite, Ehoud Barak s’est retiré de la vie politique, a beaucoup voyagé et donné des conférences, s’est enrichi dans les affaires, a divorcé, et s’est fait construire une magnifique maison dans le faubourg aisé de Kfar Shmaryahou… bref, il avait tout d’un « has been ». Or, tout à coup, au cours de la dernière année, il a ressurgi comme candidat à la succession d’Amir Peretz et ses chances de l’emporter sont réelles. Que s’est-il passé ? Tout d’abord, disons-le franchement : les Israéliens ont la mémoire très courte ! 1999-2001, c’est du passé. Comme l’a dit Barak à plusieurs reprises, il « a compris ses erreurs », il a compris ce qui n’avait pas marché dans son premier mandat, il a fait pénitence, il s’est amélioré… D’ailleurs, affirment ses proches, on doit se rappeler le cas d’Yitzhak Rabin, dont le mandat de Premier ministre, de 1974 à 1977, avait été unanimement jugé très « mauvais ».
Rabin, qui avait eu sa traversée du désert de 1977 à 1992 et était brillamment redevenu Premier ministre en 1992-1995, a fait progresser la paix, signant les accords d’Oslo, et amélioré la situation économique et sociale du pays ! Pourquoi, de la même manière, ne pas donner une
« seconde chance » à Barak ? Au contraire, le premier mandat de Barak est présenté aujourd’hui comme « l’expérience du pouvoir » dont le candidat peut se prévaloir face à un rival qui n’a jamais exercé de haute fonction politique !
Il faut ajouter que, d’un point de vue tactique, Barak a bien joué. Il s’est enfermé dans un mutisme qui lui a permis, non seulement de ne pas dire de bêtises, mais de ne choquer personne : ni la droite du parti, ni la gauche, ni les faucons, ni les colombes. Son rival a bien cherché ces dernières semaines à l’obliger à parler, à dire quelque chose de clair et de tranché, en vain. Dès lors, Barak apparaît comme un candidat de consensus, acceptable par tous.
D’autre part, il a su rallier à lui la presque totalité des cadres du parti, qu’il s’agisse des ministres travaillistes ou des députés. Ceux-ci, sentant que l’homme avait le vent en poupe, se sont précipités pour monter dans son bateau ! Cela a permis à Barak d’isoler Ami Ayalon dans les cercles dirigeants du parti. Reste que le rapport Winograd, sans le nommer, a dénoncé le fait que Barak, puis Sharon, avaient laissé le Hezbollah se renforcer.
Quant à Ayalon, il a évidemment l’avantage inverse de Barak : celui d’être un « homme nouveau », de ne pas avoir commis de bévue, de n’être entaché par aucun scandale. Mais est-ce suffisant pour réussir ? Les Israéliens, dans l’ensemble, préfèrent quelqu’un qui, même s’il a fait des erreurs, a de l’expérience. Selon beaucoup d’adhérents appelés à voter le 28 mai, choisir Ayalon reviendrait à un saut dans l’inconnu, un pari sur l’avenir, un « quitte ou double » qu’Israël peut difficilement se permettre dans la situation qui est la sienne. Il faut ajouter que l’ancien chef du Shin Beth est surtout connu en Israël pour son fameux plan « Ayalon-Nusseibeh » qui représente des positions nettement plus à gauche que celles de la moyenne du Parti travailliste. Bref, l’homme est sans tache, intelligent, sympathique, plein d’idées, mais ses chances de l’emporter contre un vieux routier de la politique comme Barak restent, à quelques jours du scrutin, assez relatives.

Ilan Greilsammer, correspondant israélien

© CCLJ 2005
Publié avec l'aimable autorisation du CCLJ



Source : CCLJ
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