LASHKARGAH, 27 décembre 2007 (IRIN)
Une dame de soixante ans et
son petit-fils de 17 ans qui se rendaient dans leur village, dans
le district de Dehrawod de la province centrale d’Uruzgan, en
Afghanistan, ont été interpellés le 12 décembre, interrogés
brièvement, puis contraints de descendre du bus qui les
transportait, selon des témoins oculaires et les autorités
provinciales.
Après une courte bousculade, pendant laquelle la vielle dame
semblait implorer la clémence, elle et son petit-fils ont été
abattus devant une dizaine de passagers et de passants médusés.
« La veille dame et son petits-fils étaient des espions au
service du gouvernement [afghan] et des forces américaines », a
accusé Qari Yusuf Ahmadi, un prétendu porte-parole des insurgés
talibans.
Mais dès le lendemain de ces meurtres, le président afghan Hamid
Karzai a fermement rejeté les accusations des Talibans : «
Comment une veille femme illettrée peut-elle travailler comme
espionne dans une société conservatrice et traditionnelle ? »
Selon les autorités provinciales, le 20 décembre, des
combattants armés alliés des insurgés talibans ont pendu deux
jeunes hommes dans le district de Kajaki de la province de Helmand
Province, après les avoir accusés d’espionnage pour le compte
du gouvernement de M. Karzai.
Au cours d’un autre incident survenu le 7 décembre, un jeune
garçon de 12 ans a été pendu par les rebelles talibans dans le
district de Sangeen de la province de Helmand. Le jeune garçon était
accusé de travailler comme agent secret pour l’armée américaine,
a indiqué Mohammad Husain Andiwal, chef de la police de Helmand.
« Il a été pendu par les Talibans sur la base d’accusations
fausses et sans fondement », a ajouté M. Andiwal.
L’exécution de civils accusés d’espionnage et les autres
mesures violentes couramment prises par les insurgés talibans à
l’encontre des non combattants sont des crimes contre
l’humanité et une violation flagrante du droit humanitaire
international, a indiqué la Commission indépendante de défense
des droits de la personne de l'Afghanistan (Afghan Independent
Human Rights Commission – AIHRC).
« Les Talibans et les autres parties belligérantes doivent immédiatement
mettre fin aux assassinats et aux sanctions infligées aux civils
à travers des procédures extrajudiciaires », a affirmé Ahmad
Nader Naderi, un commissaire auprès de l’AIHRC.
« La stratégie de la terreur »
Au moins 15 civils ont été tués par les rebelles talibans au
cours des trois derniers mois sous l’inculpation d’activités
anti-Talibans et/ou d’espionnage au bénéfice du gouvernement
de M. Karzai et des forces internationales, selon les données
compilées par l’AIHRC.
« Le meurtre de civils [sur la base] de simples accusations est
une stratégie visant à terroriser les communautés et à obliger
la population à se soumettre aux insurgés », a expliqué M.
Naderi à IRIN.
Les rebelles talibans font également circuler leurs messages à
travers des clips vidéos montrant la décapitation de supposés
espions et partisans du gouvernement.
« Ce qui les [Talibans] intéressent, ce n’est pas tant
l’individu qu’ils tuent, mais la manière et la méthode
utilisées pour l’exécution, et le message qu’il véhicule
est important pour eux », a indiqué Ajmal Samadi, un
universitaire de la London School of Economics qui fait une étude
sur le phénomène de la violence liée à l’insurrection en
Afghanistan.
Faiblesse de l’appareil judiciaire
En raison de la faiblesse de l’appareil système judicaire et du
fragile ordre public qui règne en Afghanistan, près de 80 pour
cent des affaires judiciaires du pays sont résolues par un système
traditionnel de prise de décision, selon le Rapport national sur
le développement humain 2007 de l’Afghanistan (NHDR).
En Afghanistan, le ratio nombre d’habitants/juge est estimé à
21 317 pour un et il y a au moins 6 000 dossiers en attente de
jugement, a noté le NHDR.
Les rebelles talibans ont imposé leur système judiciaire
implacable dans les communautés isolées qu’ils contrôlent
dans les régions du sud et du centre-sud de l’Afghanistan.
Le 15 novembre, un jeune homme et une femme accusés d’adultère
ont été tués par des insurgés talibans dans la province de
Ghazni, ont rapporté les autorités provinciales.
Ailleurs, dans le sud et sud-est du pays, des condamnations à
mort, des amputations et d’autres peines particulièrement sévères
ont été prononcées par des juges talibans à l’encontre de
civils.