Nouvelles et analyses humanitaires
Réfugiés une fois
de plus :
le retour à Gaza des Palestiniens de
Syrie
IRIN
Les
bombardements de Gaza par Israël en
novembre 2012 ont causé des dégâts
considérables
Photo: Ahmed Dalloul/IRIN
GAZA, 18 février
2013 (IRIN) La famille d’Ahmed Dweik
possède une certaine expérience de la
condition de réfugié.
Tout a commencé en 1948, quand les
forces israéliennes ont pris le contrôle
du village de Batani Ouest, près
d’Ashdod, qui appartient maintenant à
Israël, forçant son père à fuir son
village natal.
Il s’est alors installé dans un camp de
réfugiés de la bande de Gaza, plus au
sud, jusqu’à ce que la guerre
israélo-arabe de 1967 le pousse à
chercher une vie meilleure à l’étranger.
Il s’est donc rendu en Égypte pour faire
des études, puis au Yémen pour trouver
du travail.
C’est là que M. Dweik est né. Comme son
père, il voulait tenter sa chance à
l’étranger. Il s’est donc rendu Syrie
pour chercher un emploi mieux rémunéré
et s’est installé près de Yarmouk, le
plus grand camp de réfugiés palestiniens
en Syrie.
« Mais ce qui est arrivé à mon père
après la guerre de 1967 s’est reproduit
pour moi en 2012 », a dit M. Dweik à
IRIN.
Mi-2011, M. Dweik se trouvait à Yarmouk
lorsque les autorités ont ouvert le feu
sur des manifestants. Il a dû s’abriter
pendant quelques heures jusqu’à ce qu’il
soit possible de sortir dans la rue sans
danger.
« Je savais qu’il était temps pour moi
de partir, mais où ? »
Le Yémen, où il avait grandi, faisait
face à sa propre agitation sociale et
les autres pays arabes avaient
durci les conditions d’entrée des
Palestiniens sur leur territoire.
Il ne restait donc que la bande de Gaza,
ce petit territoire assiégé par Israël
et l’Égypte, où les conditions de vie
sont difficiles et devraient empirer,
selon un récent
rapport des Nations Unies.
Plus de 60 pour cent des Gazaouis sont
en situation d’insécurité alimentaire,
39 pour cent vivent sous le seuil de
pauvreté et 29 pour cent sont sans
emploi.
M. Dweik, sa femme et ses enfants font
partie des 150 familles palestiniennes à
avoir quitté la Syrie pour Gaza, selon
le Groupe d’action pour les Palestiniens
de Syrie (formé par plusieurs
personnalités et organisations non
gouvernementales palestiniennes face à
la fuite des Palestiniens réfugiés en
Syrie). Parmi ces familles, 154
personnes se sont immatriculées auprès
de l’Office de secours et de travaux des
Nations Unies pour les réfugiés de
Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
La Syrie a accueilli plus d’un
demi-million de réfugiés palestiniens
chassés de chez eux par les guerres de
1948 et 1967. Leur
sort au milieu du conflit sanglant
qui déchire la Syrie inquiète de plus en
plus les Nations Unies et les autorités
palestiniennes.
Le groupe d’action a recensé 990 décès
de réfugiés palestiniens et un nombre
encore plus grand de disparus depuis le
début du conflit en Syrie.
Des dizaines de milliers de Palestiniens
ont cherché à échapper aux violences en
se réfugiant chez des familles d’accueil
ou dans des locaux du gouvernement ou de
l’UNRWA en Syrie. Vingt mille autres
ont fui vers le Liban et 5 500 en
Jordanie. Selon Tariq Hamoud,
coordinateur du groupe d’action et
auteur d’une étude récente sur l’impact
de la crise syrienne sur les réfugiés
palestiniens, près de 50 000
Palestiniens pourraient avoir fui la
Syrie et se seraient notamment rendus en
Turquie, en Égypte et en Libye.
Un retour difficile
Selon Robert Turner, directeur des
opérations de l’UNRWA à Gaza, le retour
au pays est particulièrement difficile
pour les Palestiniens.
« Nous ne nous attendons pas à ce qu’un
grand nombre de réfugiés reviennent, car
il est difficile d’entrer dans la bande
de Gaza », a-t-il dit à IRIN.
En décembre, après une série de
bombardements à Yarmouk, le président
palestinien Mahmoud Abbas a
demandé à la communauté
internationale d’aider les Palestiniens
réfugiés en Syrie à retourner dans le
Territoire palestinien occupé (TPO).
Mais « rien n’a changé », a dit à IRIN
le porte-parole de l’UNRWA à Gaza, Adnan
Abu Hasna.
Les Gazaouis qui souhaitent traverser la
frontière égyptienne doivent avoir les
documents de voyage appropriés. Selon
des
témoignages, les autorités
égyptiennes soumettent les Gazaouis qui
rentrent de Syrie par l’Égypte à des «
contrôles de sécurité poussés ».
« Nous ne voulons pas seulement être
en sécurité…nous voulons aussi
rebâtir nos vies, qui ont été volées
par la guerre…nous avons presque
tout laissé »
Lorsque Faragallah Abu Jarad, qui a vécu
plus de trente ans dans le camp
palestinien de Dera’a, a dû quitter la
Syrie avec les dix autres membres de sa
famille, ses deux fils et lui se sont
retrouvés incarcérés en Égypte pendant
un mois. Il a été soumis à des
interrogatoires avant d’être autorisé à
retourner à Gaza, a-t-il dit à IRIN.
Les autorités égyptiennes du
poste-frontière de Rafah ont également
refusé l’entrée à Gaza à M. Dweik, car
il n’avait pas de visa ni d’autorisation
en règle. La seule façon pour lui de
rentrer dans son pays était donc de
passer par le réseau de tunnels illégaux
entre Gaza et l’Égypte.
« C’était risqué », a dit M. Dweik. «
Mais je suis là. »
Ces Palestiniens retournent cependant
dans un lieu qui offre peu de sécurité
et de perspectives.
Alors que l’éprouvant périple de M.
Dweik prenait fin et qu’il tentait de
refaire sa vie à Gaza, la guerre a
encore frappé, juste à côté.
L’offensive menée pendant huit jours par
Israël contre la bande de Gaza en
novembre dernier a ravivé des souvenirs
de violences. M. Dweik habite près d’un
bâtiment officiel qui a été pilonné
pendant l’attaque.
« Tout tremblait : les fenêtres, les
portes, même le bâtiment, mais, grâce à
Dieu, ma famille n’a pas été blessée »,
a-t-il rapporté.
M. Dweik a eu peur une nouvelle fois, «
mais qu’est-ce que je peux y faire ?
J’ai beaucoup souffert pour revenir ici
et j’ai peur que les Égyptiens
m’arrêtent si je retourne en Égypte, car
je me suis introduit à Gaza par un
tunnel. »
M. Abu Jarad dit que sa famille et lui
sont sains et saufs, mais il trouve
difficile de faire face au chômage élevé
et à la pauvreté qui règne à Gaza.
« Nous ne voulons pas seulement être en
sécurité », a-t-il dit à IRIN, « nous
voulons aussi rebâtir nos vies, qui ont
été volées par la guerre [...] nous
avons presque tout laissé ».
M. Abu Jarad restaure actuellement la
vieille maison que ses parents ont
habitée pendant plusieurs dizaines
d’années. Les murs sont fissurés et
certaines fenêtres sont cassées depuis
les bombardements israéliens de
novembre.
La majorité des Palestiniens qui ont fui
la Syrie ont de la famille à Gaza pour
les aider, mais pas tous.
Les Palestiniens de retour de Syrie ont
accès aux mêmes services d’alimentation,
d’éducation et de santé fournis par
l’UNRWA que tous les autres réfugiés
palestiniens à Gaza. Ils peuvent
également poser une candidature pour
participer à un projet de création
d’emploi leur donnant accès à un travail
de six mois ou un an pour commencer, a
expliqué M. Abu Hasna, de l’UNRWA.
« Nous ne pouvons rien faire de plus
pour eux ».
Un fonctionnaire gazaoui qui a préféré
garder l’anonymat a dit à IRIN que les
Palestiniens de retour pouvaient
demander une aide sociale du
gouvernement, comme tout résident de
Gaza. Il a cependant ajouté qu’il serait
très difficile pour Gaza, non seulement
politiquement, mais aussi logistiquement
et financièrement, d’intégrer un grand
nombre de réfugiés palestiniens de Syrie
qui ne résidaient pas à Gaza auparavant.
M. Dweik souhaite que ceux qui ont fui
leur pays d’accueil reçoivent plus
d’attention, notamment sous forme de
soutien financier et d’aide au logement,
« car ils sont partis en laissant tout
derrière eux pour chercher un endroit
moins dangereux pour vivre et pas pour
continuer à vivre comme des réfugiés ».
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Publié le 18 février 2013 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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