Nouvelles et analyses humanitaires
Appel à une plus
grande liberté d'accès
terrestre et maritime à Gaza
IRIN
Mouillage
du bateau — Mohammed Abu Riala voudrait
aller pêcher plus loin
© Photo:
Ahmed Dalloul/IRIN
GAZA, 12 décembre
2012 Lorsque Jaber
Abu Rjaila a eu vent du récent accord de
cessez-le-feu entré en vigueur à Gaza,
il s’est précipité sur ses terres qu’il
n’avait pas pu cultiver depuis plus de
dix ans.
« Nous sommes agriculteurs depuis des
générations. C’est notre vie et je suis
très heureux que nous puissions de
nouveau travailler librement ici »,
a-t-il dit à IRIN. « Ça faisait
longtemps que j’attendais ce moment. »
Ses terres s’étendent sur une zone
tampon interdite d’accès proche de la
clôture de séparation érigée par Israël.
Or, le cessez-le-feu laisse entrevoir la
promesse d’un relâchement des contrôles
aux frontières maritimes et terrestres.
Selon Oxfam, le blocus imposé pendant
cinq ans par Israël a « dévasté les
secteurs agricole et halieutique de Gaza
» et conduit à la fermeture de près de
60 pour cent des entreprises gazaouies,
d’après les chiffres présentés dans un
document d’information publié ce
mois-ci par l’organisation. Selon
Israël, le blocus aurait été décrété par
mesure de sécurité.
M. Abu Rjaila a l’intention de planter
des tomates, du persil et des courgettes
pour les vendre et pour nourrir les 14
membres de sa famille. Il sait pourtant
qu’il n’est pas encore hors de danger.
Les soldats israéliens lui ordonnent
souvent par mégaphone de rester à
plusieurs dizaines de mètres de la
frontière et il dit qu’il a toujours
peur « des fusillades aveugles, des
incursions israéliennes et des obus non
explosés ».
La maison et le terrain de M. Abu Rjaila
se situent à environ 450 mètres de la
frontière, à l’est de Khan Younès. Sa
ferme de sept hectares repose sur l’une
des terres les plus fertiles de Gaza.
L’entrée en vigueur, le 21 novembre, du
cessez-le-feu qui a mis fin aux
bombardements israéliens et aux tirs de
roquettes en direction d’Israël a
provoqué le retour de centaines de
Palestiniens qui possèdent des maisons
et des terres dans ce secteur.
Selon les autorités gazaouies, les
Israéliens ont accepté d’assouplir les
restrictions économiques et relatives
aux déplacements. Pourtant, les
agriculteurs qui ont retrouvé leurs
terres ont immédiatement reçu de la part
des forces israéliennes des
avertissements, souvent accompagnés de
tirs de semonce, leur ordonnant de
s’éloigner.
Selon des sources médicales
palestiniennes, deux jours seulement
après le cessez-le-feu, un Palestinien
aurait été tué et plus de 20 blessés par
des tirs israéliens dans le secteur,
lorsqu’un groupe comprenant quelques
agriculteurs visitait un terrain proche
de la clôture.
Le vice-ministre de l’Agriculture à
Gaza, Ibrahim Al Qedra, a dit à IRIN que
l’assouplissement des restrictions
appliquées aux 5 000 hectares de zone
tampon allait réduire les besoins
humanitaires des gazaouis.
« Nous devons avoir accès à nos zones
frontalières et lever les restrictions
relatives à la zone tampon afin de
permettre à la population de retrouver
ses terres, de vivre chez elle et de
cultiver ses champs librement. Nous
devons rétablir notre sécurité
alimentaire. »
Par le passé, le secteur était une
source importante de nourriture pour
Gaza. On y trouvait des vergers
d’agrumes et des oliveraies et on y
cultivait, selon la saison, des tomates,
des concombres, des oignons et des
pommes de terre pour les marchés locaux.
Peu après l’annonce du cessez-le-feu, le
Bureau de la coordination des affaires
humanitaires des Nations Unies (OCHA) a
confirmé les évènements : « Au cours des
derniers jours, les agriculteurs ont été
autorisés à accéder, avec leur matériel
et leurs véhicules, aux terres agricoles
situées le long du périmètre de la bande
de Gaza, jusqu’à une distance minimum de
100 mètres pour certains secteurs. »
L’accord de cessez-le-feu reste
toutefois vague en ce qui concerne
l’allègement des restrictions pour les
zones proches de la frontière.
« Nous n’avons pas reçu de message clair
de la part de l’Égypte concernant le
plein accès. Les habitants ont
volontairement regagné leurs terres
alors que nous discutons encore des
mécanismes dans le cadre de négociations
indirectes visant à parvenir à un accord
au sujet de ces zones », a dit M. Al
Qedra.
« Nous demandons à la population de
rester prudente lorsqu’elle se rend dans
ces secteurs », a-t-il ajouté.
Pêcheurs
Les pêcheurs gazaouis font face à une
situation similaire.
Depuis 2006, la marine israélienne
n’autorisait les pêcheurs comme Mohammed
Abu Riala, un homme âgé de 32 ans, à
exercer leur activité que jusqu’à trois
miles marins de la côte. Avec le
cessez-le-feu, cette restriction a été
étendue à six miles.
« C’est en principe une bonne nouvelle
», a dit M. Riala. « Dès que nous avons
appris cette extension à six miles, nous
y sommes allés. Mais nous avons reçu les
mêmes menaces proférées par mégaphone
par les soldats israéliens : “Faites
demi-tour, partez ou...” Et ils ont tiré
des coups de semonce dans l’eau,
au-dessus de nos têtes et près de notre
bateau. »
Plusieurs de ses collègues pêcheurs ont
déjà été arrêtés et conduits au port
israélien d’Ashdod.
« [Cette distance de six miles] est
insuffisante. Le fond marin est aussi
vaseux à cette distance qu’à trois miles
et il existe seulement une différence
mineure en terme de taille et de
quantité de poissons », a dit M. Riala à
IRIN.
Les Forces de défense israéliennes
déclarent ne faire que leur travail en
protégeant la frontière maritime de leur
pays. « Les bateaux qui s’éloignent de
la zone autorisée sont pris en charge
par la marine conformément aux
procédures habituelles », a dit à IRIN
l’unité du porte-parole de l’armée
israélienne, intérrogée au sujet des
arrestations.
Oxfam estime que le gouvernement
israélien devrait cesser immédiatement
d’avoir recours à l’armée pour veiller
au respect des zones tampons terrestres
et maritimes et qu’il devrait trouver
d’autres façons de protéger la
frontière.
« Les négociations en cours entre le
Hamas et le gouvernement israélien
représentent une opportunité sans
précédent – il faut plus qu’un
cessez-le-feu pour la population de
Gaza, elle a besoin de la fin du blocus
une bonne fois pour toutes », a dit le
directeur pays d’Oxfam pour Israël et le
Territoire palestinien occupé, Nishant
Pandey.
Incertitude
Au lendemain du cessez-le-feu,
l’incertitude subsiste pour les
agriculteurs et les pêcheurs de Gaza.
« Nous demandons de pouvoir naviguer et
pêcher librement, sans que nos vies
soient menacées en pleine mer, [sans que
nous risquions d’être] attaqués, arrêtés
ou même tués », a dit Nizar Ayyash,
président de l’association générale des
pêcheurs de Gaza.
« La pêche est la principale source de
revenus d’environ 50 000 gazaouis.
Comment une zone côtière de six milles
de large par 38 milles de long
pourrait-elle suffire à garantir des
quantités et des revenus satisfaisants à
plus de 1,6 million de personnes ? » a
demandé M. Ayyash.
Avant l’an 2000, les pêcheurs
s’éloignaient jusqu’à près de 20 miles
marins de la côte et attrapaient 4 000
tonnes de poisson par an. Les prises
sont depuis descendues à 1 200 tonnes.
Jusqu’à présent, le cessez-le-feu semble
se maintenir, après les huit jours de
conflit qui ont conduit en novembre à la
mort de 158 Palestiniens et six
Israéliens et détruit ou sérieusement
endommagé 378 habitations, dont 80 en
Israël.
Malgré plusieurs années d’espoirs
avortés, Abu Rjaila est optimiste quant
à la possibilité de cultiver à nouveau
ses champs désertés : « on doit nous
rendre nos vies », a-t-il dit.
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© IRIN 2012. Tous droits réservés.
Publié le 12 décembre 2012 avec
l'aimable autorisation de l'IRIN
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