Analyse -
IRIN
Israël: Abraham
Alu, « Nous devons partir... mais il n'y
a nulle part où aller »
IRIN
Mineurs
non accompagnés du Sud-Soudan dans un
centre d’accueil pour réfugiés à Tel
Aviv.
Comme eux, M. Alu (qui n’a pas voulu
être pris en photo) a dû affronter plein
de difficultés en Israël
© Photo: Mya
Guarnieri/IRIN
TEL AVIV, 6 juin
2012 (IRIN) Abraham
Alu, un Sud-Soudanais de 35 ans, est
l’un des quelques 60 000 demandeurs
d’asile africains en Israël. Il vit au
sud de Tel Aviv où les loyers sont bon
marché. Il vit de petits boulots et
peine à joindre les deux bouts, mais il
se sent constamment menacé.
Récemment, il a échappé de justesse à
l’attaque d’un groupe de manifestants
juifs dans la ville qui avaient saccagé
des magasins appartenant à des Africains
et avaient passé à tabac des Africains.
Un policier lui a montré les
manifestants juifs qui arrivaient dans
sa direction et lui a dit : « Cours, ils
vont te tuer ! Cours ! ». M. Alu a parlé
à IRIN de son expérience et de ses
craintes:
« J’ai peur même maintenant. Je suis
constamment harcelé par les habitants
juifs israéliens du quartier.
« Ils viennent ici et disent : ‘Que
faites-vous ici ? C’est notre pays,
retournez chez vous ; retournez au
[Sud-Soudan]’. J’ai quitté le [sud du]
Soudan quand j’étais petit à cause de la
guerre et ici, maintenant, je connais
encore la guerre.
« Quand j’avais sept ans, j’ai vu ma
mère et mon père se faire assassiner par
des miliciens. J’ai fui le village seul.
À ce jour, je ne sais toujours pas ce
qui est arrivé à mes frères.
Aujourd’hui, 28 ans après, je continue à
chercher, à demander aux autres réfugiés
s’ils les ont rencontrés ou entendu
parler d’eux.
« J’ai fini par me retrouver en Egypte.
Là-bas, les demandeurs d’asile ne
pouvaient pas travailler légalement. Au
Caire, j’ai participé à un sit-in devant
le Haut Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés [HCR] pour manifester
contre les conditions des demandeurs
d’asile africains en Egypte. Les 3 000
manifestants qui ont campé dehors
pendant trois mois fin 2005 demandaient
au HCR de les aider à partir vers
d’autres pays.
« Le 30 décembre 2005, quelque 4 000
policiers égyptiens ont pris d’assaut le
campement des manifestants. Ils ont
utilisé des canons à eau contre la
foule, qui comptait des femmes et des
enfants, et ont frappé les manifestants
à coups de bâtons. Plus de 20 Africains
ont été tués, dont une petite fille de
quatre ans. Le ministère de l’Intérieur
égyptien a dit qu’un mouvement de
panique était responsable de ces morts,
même si les informations relayées par
les médias mettent en doute cette
déclaration.
« Ayant peur pour ma vie, j’ai fui en
Israël. J’avais entendu dire que le
voyage à travers le Sinaï était
dangereux alors j’ai laissé mon épouse,
ma fille de deux ans et demi et mon
fils, bébé, derrière moi. Je les ferais
venir quand je serais installé quelque
part et que la situation se
stabiliserait.
« Après la traversée vers Israël début
2006, je suis resté en prison pendant un
an. Je vis au sud de Tel Aviv depuis que
j’ai été relâché.
« Maintenant nous devons partir
[d’Israël]… mais il n’y a nulle part où
aller.
« Je veux rentrer chez moi et aider à
construire le Sud-Soudan, qui est
indépendant depuis moins d’un an, mais
je ne me sens pas en sécurité d’y
retourner. C’est un petit pays et il y a
des combats.
« Où est mon avenir ? Où est mon avenir
? C’est ça mon avenir ?
« Je veux pouvoir faire quelque chose
pour [le Sud-Soudan] mais quand j’y
retournerai, je [n’aurai] pas d’argent,
pas d’éducation, rien [pour contribuer à
la construction du pays]. Juste
moi-même, moi et le peu d’habits que je
mettrai dans un sac en plastique.
« Les demandeurs d’asile ne veulent pas
être riches. Non, nous sommes des gens
[humbles]. Nous voulons seulement
quelque chose à manger, nous voulons
bien dormir, nous sentir en sécurité –
c’est tout. »
[Cet article ne reflète pas
nécessairement les vues des Nations
Unies]
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2012. Tous droits réservés.
Publié le 8 juin 2012 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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