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Contre-enquête
Affaire Cassez: qui a menti ?
Hugues Kéraly
Dimanche 20 février 2011
La presse, l'opposition et le gouvernement français
continuent de présenter Florence Cassez comme la victime
expiatoire d’une Justice mexicaine nécessairement aveugle et
corrompue. Nicolas
Sarkozy, Michèle Alliot-Marie,
Bertrand Delanoë et Martine Aubry se
sont mis d'accord la semaine dernière pour inscrire ensemble le
Mexique entier au ban des nations… Leur conviction commune
repose sur une méthode est très simple : il suffit de faire
abstraction de tous les éléments à charge, depuis les
aveux des complices jusqu’aux témoignages des victimes, qui
comptent ici pour rien!
Dans
cette affaire, même les parents de Florence (Bertrand et
Charlotte Cassez) n’ont pas hésité pour leur part à mentir à
la presse et au Président de la République en affirmant
qu’ils ignoraient tout eux aussi des activités criminelles
d’Israel Vallarta Cisneros – l’amant de Florence, arrêté en
même temps qu’elle le 9 décembre 2005 – au point de ne
l’avoir jamais rencontré ! (Florence Cassez elle-même a
rétabli la vérité dans son livre, A l'ombre de ma vie,
paru longtemps après la première rencontre de ses parents
avec Nicolas Sarkozy.)
Deux photos
publiées dans la presse mexicaine – mais jamais dans la
nôtre ! – prouvent en effet les joyeuses relations établies
de longue date entre la famille Cassez et le chef du gang
Los Zodiacos : sur la première, on découvre
Bertrand Cassez et Israel Vallarta en train de trinquer
ensemble, de façon fort conviviale, dans des coupes en
argent, tandis que la seconde (prise un autre jour) atteste
du fastueux accueil réservé aux parents de Florence au sein
du ranch “Las Chinitas”,
à 29 km de Mexico…
Les parents de Florence, accueillis
au ranch Las Chinitas, à 29 km de Mexico
Bertrand Cassez, qui "n'a jamais
rencontré" Israel Vallarta, trinque ici avec lui.
“On te sectionne une oreille, ou
on te coupe un doigt ?”
“Las Chinitas”
… Le ranch qui servait de repaire au gang “Los Zodiacos”,
convaincu d’une dizaine d’enlèvements et de plusieurs
assassinats, excusez du peu ! La maison où habitaient
Florence (qui l'a reconnu, la police y ayant saisi tous ses
effets personnels sous ses yeux) avec son amant, Israel
Vallarta Cisneros, chef d’une bande de criminels spécialisés
à Mexico dans le rapt des femmes et des enfants de bourgeois
aisés… La maison même où Cristina Rios Valladares, son mari
Raul et leur fils Christian (les derniers otages du gang)
furent conduits le 19 octobre 2005, les yeux bandés, ligotés
à l’arrière d’une grosse 4x4, après avoir été capturés par
trois hommes armées de fusils de guerre dans une banlieue
bourgeoise de la capitale mexicaine.
… Le ranch où
Florence Cassez elle-même s’est occupée généreusement de
nourrir les otages du gang et de leur administrer des
calmants. Elle s’intéressait de près au petit Christian, 11
ans, dans le but évident d’accélérer le versement de la
rançon : “– Qu’est-ce qui te
ferait le plus mal, Christian, qu’on te sectionne une
oreille ou qu’on te coupe un doigt ?” (Certains
soutiennent que Florence, beaucoup moins inhumaine qu’on
pourrait le penser, se serait finalement contentée de
prélever un peu de sang au garçon, pour y tremper une
oreille sectionnée par le gang sur un petit cadavre, et
faire porter le tout à la famille qui tardait imprudemment à
s’exécuter, mais nous ne sommes certain de rien !)
… Le ranch où Cristina Rios Valladares
comprit très vite qu’elle avait affaire à la concubine
d’Israel Vallarta. D’autant plus vite que le chef du gang
provoquait chez sa compagne de formidables colères chaque
fois qu’il venait bousculer sa victime et en abuser
sexuellement : “Si tu
continues à la sauter, je me vengerai sur elle, et tu
n’auras pas ta rançon !”
Quand l’évidence compte pour
rien
A qui fera-t-on croire en effet qu’une
“fiancée” qui s’occupe de si près des affaires du gang “Los
Zodiacos”, dans une maison bourrée d’armes de guerre et de
munitions, une fiancée qui assiste au viol de la mère
retenue en otage, lui administre des sédatifs et prélève le
sang de son petit garçon, oui, à qui fera-t-on croire que
cette femme ignorait tout des agissements criminels de ses
compagnons ?
La réponse est
simple : on le fait croire aux Français; on le fait croire à
Nicolas Sarkozy, qui vient de recevoir à nouveau les parents
de Florence; on le fait croire à Michèle Alliot-Marie, qui
continue en vain de négocier avec le gouvernement mexicain
le transfert en France de l’intéressée … L’homme qui s’est
fait connaître par son courage personnel pour sauver la vie
des enfants, lors d’une prise d’otages dans une école
maternelle de Neuilly, assume aujourd’hui –
peut-être sans le savoir
– la défense publique d’une complice
amoureuse mais parfaitement consciente et extrêmement active
d’odieux criminels mexicains !
Pour soutenir le
contraire, il faudrait pouvoir invalider de façon définitive
le témoignage de Cristina Rios, celui de son mari et celui
de son enfant : une mère violée, un père fou de douleur et
un enfant terrorisé, que ses parents conduisaient à l’école
quand l’horreur a surgi. Invalider aussi celui d’un autre
kidnappeur mexicain, David Orozco Hernández, qui soutient
que Florence Cassez partageait la direction des “Zodiacos”
avec son compagnon Israel Vallarta :
“Florence Cassez nous a rejoint en 2004, et son influence
pour imposer et isoler le chef, ou plutôt s’isoler avec lui,
ont largement contribué à semer la discorde au sein de
l’organisation… Ses fonctions dans la bande consistaient à
planifier les rapts et à organiser le recouvrement des
rançons… Israel et la Francesa tenaient beaucoup à garder le
secret, vis-à-vis des autres membres du groupe, sur les
cibles potentielles des enlèvements et la réalité des sommes
obtenues des familles d’otages… Ils estimaient que ces
informations stratégiques n’avaient pas lieu d’être
partagées.” (Sources : La
Jornada, El Universal, Radio Trece, El Porvenir, 12-13 mai
2008, Mexico.)
L’Agence France-Presse a
publié aussitôt un communiqué qui se garde bien d’entrer
dans le détail des révélations de David Orozco Hernández,
mais donne très largement la parole aux avocats français et
mexicains de Florence Cassez. Tous nos journaux ont emboiîé
le pas, en rang par quatre, pour éviter d'avoir à
s'interroger… Le mensonge par omission, sélection et
orientation des faits, tel que le pratiquent chaque jour les
plus grands médias, est bien le plus sournois de tous, parce
qu’il nous prive sans le dire des éléments indispensables à
l'objectivité et à la liberté de notre propre jugement.
Le
mensonge par omission nous est devenu quotidien
A qui fera-t-on
croire aussi qu’il ne se trouve même plus
un seul journaliste,
dans les salles de rédaction françaises, pour passer
quelques coups de fil à ses correspondants mexicains et
aller voir sur internet, en langue espagnole, comme nous
l'avons fait, ce que nous disent les photos, les dates, les
faits, les témoins ?
Une fois de plus, face au “mythe Cassez”
– la belle Innocente contre une Police et une Justice
mexicaines intégralement et nécessairement corrompues – les
enquêtes de police, le témoignage des victimes, l’aveu des
comparses et l’évidence elle-même comptent pour rien. Oui,
la désinformation systématique est devenue notre pain
quotidien.
Il fut un temps où Nicolas Sarkozy,
ministre de l’Intérieur puis candidat à la magistrature
suprême, rassurait beaucoup de Français en plaidant l’écoute
privilégiée des victimes, et la fermeté sans faille des
pouvoirs publics contre toutes les formes de délinquance ou
de criminalité. N’aurait-t-il plus le choix des vraies
causes à défendre, depuis qu’il est devenu Président, qu’il
a épousé Carla et qu’il habite l’Elysée ?
©Hugues Kéraly/Sedcontra.fr
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