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Agression israélienne contre Gaza
Le peuple
palestinien : entre les mots et les maux ...
Houria Bouhired
Mardi 20 janvier 2009
Le drame du
peuple palestinien qui interpelle régulièrement notre conscience
ne date pas d’hier, cela fait maintenant plus d’un demi- siècle
que les Palestiniens font face aux reliquats des
horreurs de la Seconde Guerre mondiale en défendant leur terre
morcelée par une colonisation sans âme, sans conscience, sans
scrupule fondée sur le mensonge et la mauvaise foi.
On ne peut nous limiter aux crimes qui se déroulent sous nos
yeux aujourd’hui sans regarder ce qui s’est passé hier en
Palestine, en Jordanie, au Liban et à nouveau à Gaza. Ce n’est
qu’à travers une évaluation historique qu’on pourra exposer
l’ampleur des crimes commis contre le peuple palestinien depuis
les 60 dernières années. Donc, c’est le rôle des intellectuels
et des médias d’insister sur le contexte historique.
Il est temps de mettre fin à la surenchère stérile et
stérilisante, aux slogans débiles et affligeants qui tendent à
faire croire qu’il s’agit d’un conflit qui opposerait les Arabes
aux Juifs, un choc de civilisation, le mal contre le bien. Non,
il s’agit d’un combat que livre la justice universelle à la loi
partisane.
Je ne fais pas référence au lien supposé de la culture, de la
langue ou de la religion qui sont censées nous rapprocher. Notre
propre lutte de libération nationale en témoigne. Je rappelle à
nos jeunes que le troisième guillotiné pour notre indépendance
s’appelle Yvetton. C’est pourquoi je me réfère aux vrais liens,
ceux des valeurs partagées entre tous ceux qui revendiquent la
justice et combattent pour les valeurs supranationales et la
liberté.
Si nous persistons à vouloir reconduire les affirmations
mensongères, aussi répandues que dérisoires en perpétuant le
clivage entre “eux” et “nous”, nous ne ferons que reproduire,
alimenter la confusion et la surenchère contreproductives. Nous
pouvons partager les mêmes valeurs humaines sans partager les
mêmes prescriptions religieuses. Notre propre guerre de
Libération le prouve, celle des Palestiniens le démontre encore
plus.
L’histoire nous enseigne qu’au moment même où les hommes
croyaient qu’ils sortaient définitivement de l’horreur de la
Seconde Guerre mondiale, au moment même où les nations sentaient
la nécessité d’un nouvel ordre mondial, ils se regroupèrent au
sein de la SDN pour mettre fin à l’injustice et de reconnaître
le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, afin de supprimer
les racines du mal qui alimentent les guerres.
C’est au moment même que des résolutions privent le système
colonial et son cortège de contre-vérités, de ses missions
pseudo-civilisatrices, carrément monstrueuses et mystificatrices
agonisant que l’ONU, que nous appellerons désormais Organisation
de la Négation Universelle, décide sous la pression des pays qui
ont été à l’origine des crimes qualifiés depuis de crimes contre
l’humanité. Ces derniers s’arrogent le droit d’un nouveau déni
de justice et octroient au sionisme la terre de Palestine et
leur arrogent le droit et l’impunité de coloniser et de
martyriser les Palestiniens comme victimes expiatoires de leurs
propres crimes et ainsi soulager leur conscience et atténuer
leur forfaiture. Ce faisant, ils récidivent en commettant un
double crime, en transformant leurs victimes d’hier en bourreaux
protégés aujourd’hui. Cela fait 60 ans que les nations
responsables de ce drame humain tentent vainement à coups
d’ukase répétés d’enterrer la justice sous les amas de leurs
lois. En répétant sans cesse qu’ils attribuaient “une terre sans
peuple pour un peuple sans terre” ? Comme si les populations
qu’ils tentent d’exterminer et qui vous résistent depuis 60 ans
n’ont jamais existé. Double affirmation mensongère. Même les
chercheurs israéliens reconnaissent aujourd’hui. “Entre 1917 et
nos jours, Israël a émergé en annexant 87% de la Palestine, sous
le prétexte mensonger du mythe du juif persécuté retrouvant sa
terre. Ce sont ces mythes qui ont permis l’annexion de terres et
le massacre de la population locale, véritable héritière des
terres qu’elle occupe…”. Les lois sur mesure et domestiquées ne
sont évoquées et revendiquées que si elles suivent les
directives des pays dominants. S’il arrive à l’Assemblée
générale des Nations unies à déclarer que l’idéologie sioniste
est une forme de racisme. Le droit de veto, de cuissage se
charge de l’annuler et en même temps couvrir du sceau de la
honte les viols répétés des conventions et lois internationales.
Tout en encourageant Israël à bafouer toutes les lois,
résolutions, accords, signatures. Le droit n’est convoqué,
invoqué, que lorsque cela convient à la politique et à
l’expansionnisme du sionisme. Aujourd’hui, Tsahal bombarde des
populations, fait la guerre à sens unique avec l’appui des
puissances mondiales, c’est là effectivement toute la différence
qui justifie leur indifférence. Combien faut-il de larmes et de
sang pour que les Palestiniens aient droit à ce label exclusif :
Crime contre l’humanité. Hier les nazis, aujourd’hui Israël veut
imposer son espace vital, avec une différence géographique
fondamentale qui autorise les sionistes de tout bord à faire
valoir le sempiternel joker : ce n’est pas pareil !!!
Certes, il y a une autre différence. Les nazis voulaient imposer
leur vision au monde. Celle d’Israël a été imposée aux
Palestiniens par la loi partisane contre la justice universelle.
Elle a été ordonnée par ses bourreaux d’hier en dédommagement de
leurs crimes contre l’humanité et en toute impunité. Tout le
monde sait que ce n’est pas une guerre qui se déroule à Gaza,
car une guerre oppose deux armées, or, ce n’est pas le cas. La
troisième puissance impunie du monde profite de cette dérogation
pour massacrer des populations civiles éparpillées sur des bouts
de terre encerclés par des murs et entourés de fils barbelés. Au
fond ce qui est ignominieux, ce n’est pas la position de
combattants, mais la disproportion des moyens. Accordant les
mêmes permissivités, donnant les mêmes armes — blindés et
aviation — aux Palestiniens et je vous assure que les
combattants palestiniens quitteront leurs caves pour prendre
leurs positions sur le terrain. On entend ici et là la même
verve et la même mauvaise foi, défendre les armées coloniales et
les juntes militaires qui ont tenté, en vain, d’écraser sous les
bombes les peuples vietnamien, algérien, des pays africains, en
Grèce, au Chili, en Afrique du Sud, etc. La liste n’est pas
exhaustive. Je les entends dire : “Oui, mais ce n’est pas
pareil, Israël se défend contre les tirs de roquettes qui
mettent en péril son existence…”.
Je laisse à Michel Warschawski dont la vue n’est pas brouillée
par la distance, leur apprendre que “ces tirs de roquettes ne
sont pas, comme veulent nous le faire croire certains diplomates
européens, des provocations que rien ne peut expliquer, mais des
ripostes, assez dérisoires”. Nous savons qu’au cours des 7
dernières années, seuls 17 citoyens israéliens ont été tués par
les tirs de roquettes, ce qui rend difficilement crédible
l’argument des responsables politiques israéliens en plein
milieu d’une campagne électorale, selon lequel la riposte était,
de toute façon, proportionnée et défendable.
Je vous demande si vous savez aussi que les mille tirs de
roquettes du Hamas durant les six derniers mois ont fait sept
blessés.
Il est tout de même curieux qu’aucun spécialiste des guerres qui
défile sur les écrans de télévision des pays de la liberté
d’expression, eux si prompt à disséquer les failles des systèmes
d’armement, n’a observé cette contre-performance. Si la
situation n’était pas si dramatique, je dirais que le Hamas a
inventé une arme nouvelle : les roquettes pacifiques, ou pour
être dans l’air du temps : les tirs écologiques et recevoir en
échange des bombes hautement plus performantes.
Le vendredi 26 décembre 2008, à la veille des bombardements sur
Gaza, 440 personnes ont été victimes sur les routes d'Israël
d’accidents de la circulation. (Traffic Accidents in Israël).
Les constructeurs de voitures devraient s’attendre à une
réplique de Tsahal.
De deux choses
l’une,
- soit les tireurs du Hamas sont d’irréductibles maladroits,
après des années d’entraînement et dans ce cas, il n’y a aucun
risque justifié pour la survie d’Israël,
- soit leurs fournisseurs et commanditaires sélectionnent
savamment les roquettes et les cibles et dans ce cas, la menace
qui pèse sur Israël est fantaisiste et surtout médiatique —
payée en millions de dollars par le sionisme international —,
pour justifier les massacres à guichet fermé et par conséquent
doit être relativisée.
La plus grande menace contre Israël, ce ne sont pas les tirs de
roquettes dérisoires, mais la paix. Et comme il ne peut y avoir
de paix sans justice, les massacres continuent. Pour ma part, je
suis écœurée par tant de barbarie, sang-froid, racisme, parti
pris, duplicité de toutes les parties et surtout de la mauvaise
foi. Certains ont soutenu les crimes nazis et les soutiennent
encore et cela en toute bonne foi et avec bonne conscience.
Chacun est libre de choisir son camp sans s’abriter derrière les
mots pour ne pas voir les maux et s’agissant de Gaza c’est un
doux euphémisme. Au 21e siècle, on a droit à des répétitions de
génocide certifié des Palestiniens, des Indiens et des
aborigènes en Australie au su et au vu de tout le monde et avec
la bénédiction de tous qui ont salué chaleureusement la main des
assassins !!!
Il ne suffit pas de dire, de lire les faits, il faut que l’autre
les entende et les accepte.
Il est surprenant, et au fond révoltant, de voir combien, quand
il s'agit des Palestiniens, les intellectuels et autres nouveaux
philosophes manquent de mémoire et de mise en perspective.
Alors que la conscience disjonctive des élus des pays dominants
convoque médiatiquement tous les pouvoirs et chaque citoyen à un
constant travail de mémoire sélective pour ne pas oublier les
atrocités, les massacres et les génocides du passé, comme s'ils
avaient été commis par d'autres. Et voilà que nous sommes
réduits à des évaluations et des réactions instantanées et sans
perspectives quand il s'agit de la politique de l'État d'Israël.
Pour finir, je vous dirais simplement, assez d’hypocrisie, ce ne
sont pas des affrontements entre Palestiniens et Israéliens,
entre musulmans et juifs et encore moins un choc des
civilisations comme les propagandes veulent nous le faire
croire. C’est un conflit de valeurs humaines, une guerre entre
la justice universelle et la loi partisane. Chacun choisit son
camp, l’histoire nous jugera, comme elle nous enseigne, qu’en
tous temps et en tous lieux, la justice prime la loi.
Pour que vive la justice universelle, et que vive la Palestine
libre et indépendante.
Houria Bouhired,
Coordinatrice de l’Alliance des associations du Centre pour le
soutien du peuple palestinien à Gaza.
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Publié le 21 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de Liberté.
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