Opinion
Il critique
Israël, le CRIF hurle à «
l'antisémitisme » :
Richard Falk contre-attaque
Hicham Hamza
Lundi 31 décembre 2012
Exclusif. Richard Falk,
Rapporteur spécial à l’ONU sur la
Palestine, a adressé à Oumma une lettre
ouverte au CRIF qui l’accuse d’être un «
Juif antisémite » en raison de sa
dénonciation des crimes commis par Tel
Aviv. Le 24 décembre, Richard
Prasquier, président du
Conseil représentatif des
institutions juives de France, a publié
une
tribune violemment hostile à
l’encontre de
Richard Falk, Rapporteur spécial des
Nations unies sur « la situation des
droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 ».
L’homme y est qualifié de « vrai
Juif antisémite » et de « fou »
cultivant une « haine de soi ».
Trois jours plus tard, nous avons
contacté l’intéressé afin de l’informer
de ces propos et de s’enquérir de sa
réaction. Issu de la prestigieuse
université de Princeton, ce professeur
émérite de droit international, âgé de
82 ans, a d’abord préféré ignorer une
telle attaque. Nous lui avons alors
proposé de nous transmettre sa propre
tribune afin de donner aux citoyens
français l’opportunité d’entendre sa
voix. Après avoir hésité sur la forme de
sa réponse, Richard Falk nous a
finalement fait parvenir le samedi 29
décembre une lettre ouverte à
l’attention du CRIF. Le lendemain, il
publia en parallèle sa tribune sur son
propre
blog.
Voici la traduction de cette «
lettre ouverte en réponse au CRIF »,
sollicitée par Oumma et rédigée par
Richard Falk :
Je suis choqué et
attristé que votre organisation puisse
m’étiqueter comme un antisémite et un
Juif cultivant la haine de soi. C’est
totalement diffamatoire et de telles
allégations sont entièrement basées sur
la déformation de ce que je crois et de
ce que j'ai fait. Amalgamer mes
critiques d'Israël avec la haine de soi
en tant que Juif ou la haine des Juifs
est une calomnie. J'ai longtemps été un
critique de la politique étrangère
américaine, mais cela ne fait pas de moi
un anti-Américain.
C'est la liberté de
conscience qui est le noyau définissant
la réalité d'une société véritablement
démocratique, et son exercice est
essentiel à la qualité de la vie
politique dans un pays donné, en
particulier ici, aux États-Unis, où sa
taille et son influence exercent une
grande importance sur la vie et le
destin de nombreux peuples exclus de
toute participation à sa politique.
Il est toujours difficile
de démentir des accusations de ce genre.
Ce qui suit est une tentative de
clarifier mes positions prises en toute
honnêteté par rapport à une litanie
d'accusations formulées lors d’une
campagnemenée
contre moi par
UN Watchdepuis
que j'ai été nommé en 2008 par le
Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU
en tant que rapporteur spécial pour les
droits de l'homme dans les territoires
palestiniens occupés. Voici de brèves
clarifications en réponse aux principaux
chefs d'accusation:
- Les attaques contre moi par des
individus aussi prestigieux que Ban Ki-Moon,
Susan Rice, David Cameron ont été faites
en réponse aux lettres diffamatoires à
mon sujet envoyées par UN Watch, et
signées par son Directeur exécutif,
Hillel Neuer. L'affirmation selon
laquelle Mme Navi Pillay,
Haut-Commissaire aux droits de l'homme,
m’a également attaqué a pu induire en
erreur. Elle a regretté la publication
d'une caricature sur mon blog qui avait
un motif antisémite mais elle a pris
note de mon affirmation selon laquelle
c’était complètement accidentel et que
la caricature a été immédiatement
retirée lorsqu'elle fut est amenée à mon
attention.
- C'était cette caricature qui a
servi à UN Watch comme support de leurs
propos répétés selon lesquels j’étais un
antisémite. Leur mauvaise foi est
démontrée par leur grossissement réitéré
pour la Cour pénale internationale du
dessin au-delà de ce que j'avais affiché
en se basant sur sa taille affichée sur
la page Google Image. Comme je l'ai
expliqué à plusieurs reprises, je
n’étais pas au courant du caractère
antisémite de la caricature quand je
l’ai posté, et j’ai fait remarquer que
le billet dans lequel elle a été insérée
traitait de mon argument selon lequel la
CPI était partiale dans l'utilisation de
son autorité comme, par exemple, dans
l'émission de mandats d'arrêt contre le
régime de Kadhafi. Israël n'a pas été
mentionné dans ce billet dont le contenu
n’a rien à voir avec le judaïsme ou les
Juifs.
Selon moi, ignorer une telle
explication et reproduire la caricature
dans une forme élargie est un signe de
malveillance. Toute lecture équitable
des
182 billetssur mon
blog, dont un consacré à l'identité
juive, mettrait en évidence pour tout
lecteur objectif que je n'ai pas exprimé
un seul sentiment qui peut être qualifié
d’antisémite. C’est un mauvais service
rendu, à la fois, à Israël et aux Juifs
d‘amalgamer la critique de l’attitude
d’Israël envers les Palestiniens avec de
l'antisémitisme.
- L'affirmation selon laquelle je
suis un théoricien du complot du
11-Septembre, en fait l'une des
allégations principales à mon encontre,
est également fausse. J'ai toujours
maintenu que mes connaissances sont
insuffisantes pour tirer des conclusions
quant à savoir s’il y a un
récit alternatifsur les
événements du 11-Septembre qui serait
plus convaincant que la version
officielle.
Ce que j'ai dit, et maintiens,
c'est que David Griffin et beaucoup
d'autres ont soulevé des questions qui
n'ont pas obtenu de réponse
satisfaisante et qui constituent de
graves lacunes dans la version
officielle, non résolues par le rapport
de la Commission d’enquête sur le
11-Septembre. Je voudrais réaffirmer que
David Griffin est un ami très cher, et
que nous avons professionnellement
collaboré sur plusieurs projets bien
avant le 11-Septembre. Il convient de
souligner que Griffin est un philosophe
des religions de notoriété mondiale qui
a écrit sur un vaste éventail de sujets,
notamment sur une série de
problématiques dans le monde
post-moderne et l'opportunité d'une
civilisation écologique.
- La récente lettre de UN Watch
qui m'a amené à être
démisdu conseil de
Human Rights Watch de Santa Barbara
affirme également que je suis un
partisan du Hamas, ce qui est polémique
et faux. Ce que j'ai encouragé est une
vision équilibrée du Hamas basée sur le
contexte intégral de leurs déclarations
et comportements, et non la fixation sur
le langage employé dans la charte du
Hamas ou dans un discours particulier.
Lorsque le contexte plus large est
considéré, incluant les déclarations du
Hamas et leur récent comportement, alors
je crois qu'il existe une opportunité
potentielle à travailler avec les
dirigeants du Hamas afin de mettre fin à
la violence, libérer les habitants de
Gaza de la captivité, et générer un
processus diplomatique qui conduira à
une période prolongée de coexistence
pacifique avec Israël. Je n'ai jamais
insisté sur le fait que cette
interprétation optimiste est
nécessairement correcte, mais je
maintiens qu’elle vaut la peine d'être
explorée, et qu’elle constitue une
alternative préférable à l’actuel refus
rigide et persistant de traiter le Hamas
comme un acteur politique parce qu'il
est « une organisation terroriste ».
Il était évident lors de la
récente violence précédant le cessez-feu
de Novembre à Gaza que les dirigeants à
travers le Moyen-Orient considéraient le
Hamas comme l’autorité gouvernementale
de la bande de Gaza et comme entité
politique normale, ce qui a contribué à
ce que les violences prennent fin.
- Enfin, UN Watch déclare que je
suis partial et unilatéral dans mon
traitement de l’attitude des Israéliens
-citant en renfort Susan Rice et
d'autres- et de noter mon incapacité à
rendre compte des violations commises
par le Hamas, le Fatah et l'Autorité
palestinienne. Je peux seulement dire
une fois de plus que je fais de mon
mieux pour être objectif et honnête,
bien que je ne suis pas disposé à céder
à la pression. J'ai fait un effort lors
de ma première comparution devant le
Conseil des droits de l'homme afin
d'élargir mon mandat pour tenir compte
des violations palestiniennes, mais cela
a été repoussé par la plupart des 49
membres gouvernementaux du Conseil et
des motifs raisonnables ont été avancés
pour ne pas changer mon mandat. J'ai
noté les violations palestiniennes du
droit international lorsque cela était
pertinent pour l'évaluation du
comportement israélien, comme, par
exemple, en ce qui concerne le lancement
de roquettes aveugles.
Les violations des droits de
l'homme entre Palestiniens dans les
parties de la Palestine occupée qui sont
sous leur administration sont en dehors
de mon mandat, et je n'ai pas le pouvoir
de commenter un tel comportement dans
l'exercice de mes responsabilités en
tant que Rapporteur spécial.
C'est mon point de vue qu'Israël
est en contrôle des territoires
palestiniens occupés de la Cisjordanie,
de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza,
et qu’il est principalement responsable
de la situation et de la persistance du
conflit, en particulier par leur
insistance à réaliser des actions
provocatrices comme les
assassinats ciblés et l’accélération de
l’expansiondes
implantations.
Je serais reconnaissant si ce
récit relatif à mes véritables opinions
pouvait être largement diffusé en
réponse à la répétition du CRIF des
attaques de UN Watch.
Richard Falk
29 décembre 2012
Publié le 2
janvier 2013 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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