Opinion
Hollande et
l'Algérie. Qui Mali pense...
Hedy Belhassine
Jeudi 29
novembre 2012 En visite à Alger le mois prochain,
le Président français parlera t-il
des Dogons, des Bozos, des Bambaras,
des Touaregs…? Evoquera t-il sa
détermination d’aller guerroyer à la
frontière algérienne ? Prendra t-il
le risque d’ajouter le Mali à la
tragique histoire franco-algérienne
? Pas sûr...
Le Mali, c’est deux fois l’hexagone.
C’est quinze millions d'habitants
dix fois plus pauvre que les
bénéficiaires des Restos
du Cœur de Corrèze.
Son territoire enclavé est traversé
par le fleuve Niger. La rive gauche
marque le début des herbages, la
rive droite celle d’une plage de
sable de 600 km de large qui se
prolonge au Nord vers le Sahara
d’Algérie et de Mauritanie.
Au Mali pauvre, la démocratie
fragile était à la merci des
prédateurs.
Profitant du chaos libyen,
des chameliers armés se sont
approprié huit cent mille kilomètres
carrés soit la moitié du pays.
Bamako n’a pas pu résister. Et ce
peuple merveilleux s’est désuni.
La fracture du Mali est une fatalité
de l’hégémonie des puissants, après
celle du Soudan, avant celle de la
Libye, elle est dans l’écriture du
temps. La configuration géographique
est favorable au dépeçage car les
provinces du Nord Mali sont isolées
; Kidal est plus proche de
Tamanrasset en Algérie (650 km) que
de Bamako (1 200 km).
« Heureusement », Paris a décidé
d’agir. Les stratèges préparent une
croisade de mercenaires qui ira
éradiquer le terrorisme, le
narcotrafic, le salafisme coupeur de
main, le barbarisme démolisseur de
patrimoine… Entre temps, des
groupuscules preneurs d’otages
nourrissent l’indignation
médiatique. Comme les enfants, les
adultes aiment qu’on leur raconte à
plusieurs reprises la même histoire.
Ils y croient chaque fois
d’avantage.
Les Maliens n’ont de français que la
langue, héritée de la colonisation.
La France, pour viatiques, leur ont
aussi légués
le droit à la sueur de quelque
soixante mille immigrés dont nombre
de rescapés de la soif ou de la
noyade. Pour la plupart, ils vivent
paisiblement entre les métros
Château Rouge et Mairie de
Montreuil. Beaucoup s’enrôlent dans
les brigades de nuit qui nettoient
les TGV.
C’est pour eux que le Président
Hollande s’est mis en colère. Mais
en dehors de ses sentiments
humanitaires, quels intérêts
supérieurs poussent le Chef des
Armées Françaises à vouloir
intervenir au Mali ? Ce n’est pas
l’or blanc des mines de sel de
Taoudenni ni les dates de l’oasis de
Tessalit Les richesses fossiles
peut-être : pétrole, gaz, or,
uranium… Allez savoir !
Pour Alger, puissance protectrice
régionale sourcilleuse de
l’intégrité de ses frontières, les
velléités françaises sont perçues
comme une ingérence intolérable dans
sa sphère d’influence. L’histoire du
Mali et de
l’Algérie se confondent depuis des
lustres pour le meilleur et pour le
pire.
La façade saharienne de l’Algérie
sur le Mali est longue de mille
trois cents kilomètres. C’est bien
d’avantage que la frontière de la
France avec l’Allemagne et l’Espagne
réunies. Ce n’est pas parce que les
Algériens et les Maliens sont
venus - malgré eux - combattre les nazis
en Europe au siècle dernier, qu’en
retour, la France doit se croire
obligée d’aller faire le coup de feu
contre une poignée de barbus.
C’est,
toutes proportions gardées
comme si des Africains venaient
maintenir l’ordre dans le neuf/
trois, la Corse ou à la frontière
Moldave !...
Le patriarche Bouteflika (qui n’est
pas né de la dernière pluie d’Oujda)
sait qu’après l’Irak et la Syrie,
l’Algérie est le dernier obstacle
majeur au système dominant.
Alors que François Hollande était en
culottes courtes, il entamait déjà
une carrière de ministre des
affaires étrangères qui allait,
seize ans durant, le mener à la
table de négociations des crises les
plus épineuses de la guerre froide.
Mais le sommet d’Alger entre les
deux hommes ne sera pas seulement
inégal en
âge.
L’Algérie est riche de 200 milliards
de dollars de trésorerie, la France
est endettée de dix fois ce montant.
Le rapport Nord Sud, de ce point de
vue est inversé.
Pour le commerce extérieur, les
enjeux du voyage de François
Hollande sont gigantesques :
l’ensemble du CAC 40 est concerné,
des milliers de PME aussi. Le MEDEF
est fébrile car il sait qu’en
Algérie tout procède du politique.
Contrairement aux usages dans les
autres pays arabes, les affaires
passent après les intérêts
nationaux, et même la corruption n’y
peut rien !...
La première visite officielle de
Mitterrand en Algérie il y a trente
ans avait permis la conclusion de
contrats juteux dont les majors du
BTP français se souviennent encore
avec nostalgie. Hollande fera t-il
mieux ?
C’est probable.
Tout comme il est probable qu’il
annonce à propos du Mali son
ralliement à la posture diplomatique
de Bouteflika. Car, subtilité
suprême, il n’est pas impossible que
le Président français ait poussé les
feux de la guerre pour mieux
négocier les fruits de la
réconciliation.
L’Algérien en fin stratège
appréciera !
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