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Opinion
Le nouveau résident
de France en Tunisie
Hedy Belhassine
Boris Boillon
Lundi 21 février 2011
Nommé au débotté, le nouvel ambassadeur de l’Elysée s’est
installé au Dar Al-kamila, près de Tunis.
Pour sa première sortie, il a rabroué des journalistes comme un
pas poli. La séquence a fait le tour du net. Choqués, un millier
de manifestants ont réclamé son expulsion. Devant la
chancellerie, près de la Porte qui porte encore provisoirement
le nom de la France, ils ont brandi des banderoles « dégage !
casse-toi ! »… du miel pour les dépêches et le prochain papier
de Claude Angeli.
Dans l’histoire de la diplomatie française, c’est du jamais vu.
Au Quai d’Orsay et dans les 163 ambassades à travers le monde,
c’est la consternation. Le nom du plénipotentiaire est entré
dans le langage courant. A Tunis, il se conjugue désormais à
tous les temps en français comme en arabe.
Le protégé du chef de l’Etat, en charge de faire disparaitre les
traces du commando de MAM en Tunisie, est un produit Sciences po
qui a appris l’arabe aux Langues O. Il le parle correctement ce
qui force l’admiration de son Président pour qui cette langue
est du chinois. Mais on ne parle jamais la langue du Coran de
façon désinvolte. La manière est essentielle et en toutes
circonstances : un ton doux, un sourire bienveillant et une
posture sereine sont de rigueur. Il n’y a que les singes qui
gesticulent et font des grimaces.
A Tunis où tout le monde est bilingue, entendre un ambassadeur
de France baragouiner la langue d’Ibn Khaldoun, est hautement
surréaliste !
D’autant que les tunisiens sont fiers de leur langue nationale,
subtile cousine de l’arabe littéraire. En Tunisie, jusqu’au 14
janvier dernier, l’usage de l’arabe classique était réservé aux
débats théologiques, à la poésie, à l’injustice, rarement à la
politique. En cette période révolutionnaire, l’arabe est devenu
synonyme de langue de bois. Chacun se souvient de Ben Ali lisant
ses discours sur un prompteur et débitant d’un air important des
phrases emberlificotées de mots savants que personne, ni
lui-même, ne comprenait vraiment. Sans doute privé de son scribe
l’ex-président lança son dernier appel en langue tunisienne.
Alors il fut parfaitement compris de tous et il prit la fuite.
Monsieur l’ambassadeur, je vous imagine sur une bergère du grand
salon du Palais de La Marsa où peut-être l’écho de ces lignes
vous parviendra.
Sachez que la langue tunisienne est celle de l’intelligence et
de la raison. Elle est d’un apprentissage difficile car elle
traduit l’éducation et la naissance. Pour vous en faire une
idée, écoutez les discours de Bourguiba sur Youtube. Mieux,
allez flâner autour de la résidence ou de la chancellerie…Les
quelques marchands de livres sont d’authentiques résistants
survivants de la censure, de vrais libraires. Ils vous
conseilleront des ouvrages écrits dans un français admirable.
Par exemple, les romans historiques d’Alia Mabrouk qui révèlent
le courage ancestral des tunisiens ou bien le dernier livre de
lella Rabâa Ben Achour-Abdelkefi sur la dignité et le
raffinement des Tunisois. Entre un bain de mer et une séance de
musculation, vous pourriez inviter pour le thé ces deux dames de
qualité qui accepteront, peut-être, de vous enseigner quelques
rudiments de l’art de se comporter en hôte provisoire de Dar Al-kamila,
la maison de la perfection.
Publié avec l'aimable autorisation de l'auteur
Le
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