Opinion
François, David,
Abdallah et les autres...
Hedy Belhassine
Dimanche 11
novembre 2012 L’obsession de Sarkozy était de
vendre des armes. Il a échoué
partout où il a essayé. Chacun son
métier. A ne pas vouloir y toucher, Hollande
pourrait bien faire un carton plein. Par fidélité à la tradition, le
Président se devait de réserver à la
maison des Saoud son premier voyage
dans le monde arabe. Or noir oblige,
l’Arabie est notre première pompe à
essence. Toutefois, ce pays n’ayant
pas la réputation d’un modèle de
vertu démocratique, le protocole a
jugé prudent de bricoler une escale
à Beyrouth. Décollage dimanche à minuit, coucher
en vol. Petit déjeuner chez le
Président libanais. Déjeuner en vol.
Diner à Jeddah chez le roi Abdallah.
Nuit en vol dans la chambre à
coucher de l’A330. Réveil à Ventiane
pour la conférence euro-asiatique.
Retour d’une traite le lendemain
vers Paris. Ouf ! Malgré l’emploi du temps serré, le
Président a trouvé un quart d’heure
pour rencontrer à l’aéroport royal
saoudien trois représentants de « la
société civile » qui militent dans
le désert pour que le royaume
accorde aux femmes des droits
extravagants comme celui de conduire
une voiture ou de faire du sport. Les apparences sont sauves.
Le Président pressé a donné de la
voix. La magistrale leçon de la
France portera. Enfin…Inch’Allah ! On attend les retombées
diplomatiques et commerciales. Les arabes du nord nés du printemps
son déçus. Marzouki et Morsi
espéraient la visite du porte-parole
des libertés universelles. Ils
attendront. Ils ont à peine eu droit
au présidentiel message de
courtoisie lors du survol de leur
pays. La Tunisie est fauchée,
l’Egypte aussi. Le socialisme réaliste a ses raisons
que les droits de l’Homme ignorent. De ce point de vue, il était urgent
de voler vers l’Arabie dimanche
dernier car David Cameron flanqué de
son ministre de la défense était
annoncé pour le lendemain. Mais
alors que le Président français «
normal » démentait toutes
arrières-pensées
militaro-industrielles, le Premier
Ministre britannique lui, assumait
ouvertement sa fonction de VRP de
l’armement. Dans sa conférence de
presse, il avouait sans ambages ni
perfidie œuvrer à la conclusion d’un
troisième Yamamah encore plus
fabuleux que les précédents. Pour les humanistes désarmés,
rappelons qu’Al Yamamah (le pigeon
en arabe) est un mécanisme ingénieux
de compensation : pétrole contre
armement. Il permet de mobiliser
jusqu’à 600 000 barils de pétrole
PAR JOUR soit la contre-valeur
fluctuante selon les cours et
l’évaporation de 30 à 60 millions
d’euros. Cette manne est
exclusivement réservée à compenser
la fourniture de matériel de défense
britannique principalement ceux de
BAE Systems. Ce contrat cadre a
donné lieu à de mirifiques
transactions, et aussi à un
retentissant scandale inspiré par des
envieux auxquels la raison d’Etat de
Sa Majesté a immédiatement mis le
holà. La France de son coté lorgne un
troisième Sawari avec de nouvelles
frégates. Sawari est un contrat
d’Etat à Etat dont le premier volet
a été signé il y a plus de trente
ans. Il concerne la fourniture de
navires de guerre et
d’infrastructures navales clés en
main. Pour ne pas être en reste avec
les Anglais,
Sawari 2 fait en France l’objet
d’une enquête pour corruption. Les
juges d’instruction soupçonnent des
franco-gourmands d’avoir trempé les
doigts dans le pot de confiture.
Gageons que les innocentes colombes
étoilées seront blanchies et que le
lampiste sera rapidement trouvé. En attendant Paris espère conclure
un vieux projet de carénage : RO (Regular
Overhaul) rebaptisé LEX (Life
Extension) que des facétieux
désignent d’un simple regard de
montre. Mais cette opération de
relocalisation d’un chantier de
réparation navale en mer Rouge pour
un milliard et demi d’euros fait des
envieux parmi les industriels locaux
et asiatiques. Combinards fébriles
et maladroits, les Français
n’ont pas signé un seul grand
contrat en Arabie depuis quinze ans.
Alors, ce projet de plusieurs
centaines de milliers d’heures de
travail aura valeur de test pour
jauger de la capacité du nouveau
pouvoir à vaincre le cercle de
connivence des incompétents ? Pour
le commerce extérieur l’enjeu fait
briller les yeux, car un retour
d’affection wahhabite porterait la
promesse de commande de sous-marins,
satellites, Rafale, centrales
nucléaires et bien d’autres bricoles
encore…
Las, le nonagénaire roi des Saoud
souffre de vieillesse. Il ne
gouverne plus. Derrière son royal
déambulateur, la cour et les sept
mille princes grenouillent.
A François Hollande puis à David
Cameron, le serviteur des deux
saintes mosquées a décerné le grand
cordon vert, la plus haute
décoration du royaume. Façon de dire
aux seconds couteaux qu’ils
n’étaient pas venus pour rien !
Puis il a téléphoné à Obama pour le
féliciter de sa réélection. Bien
entendu, ni le roi des Saoud ni the
President n’ont fait allusion à la
banale commande du mois : quelques
avions ravitailleurs pour la
bagatelle de sept milliards de
dollars !
Business as usual.
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