Opinion
La Syrie et
l'effondrement du projet impérial
américain
Hachem Ibrahim
Lundi 15 octobre
2012
Qu’il en existe ou non un projet dit
du Grand ou du Nouveau Moyen-Orient, les
événements qui se déroulent dans le
monde d’aujourd’hui sont l’expression de
la difficile gestation d’un projet plus
grand, à savoir celui du rêve qu’est
l’instauration de l’empire américain
mondial, ce rêve dont la réalisation est
parue pour les décideurs américains
possible et facile depuis l’effondrement
de l’Union soviétique.
En dépit de la théorie de la « Fin de
l’Histoire » pour laquelle le monde
aurait, avec la disparition de la
bipolarité mondiale, dépassé l’ère des
conflits pour s’engager volontier dans
l’ère de la paix définitive sous les
pavillons de la démocratie telle qu’elle
est conçue par Washington, le projet
impérial ne pouvait pas se passer de
provoquer de nouveaux conflits dans
lesquels il pourrait s’investir pour
accélérer le processus de domination
absolue du monde. C’est la raison pour
laquelle le projet en question s’est
appuyé sur la théorie du « Choc des
Civilisations ».
Mais en dépit de l’ambiguïté qui
englobe cette théorie ainsi que le
concept de « civilisation » tout
particulièrement, on a vite compris que
la connotation du « choc » n’est en fin
de compte qu’un choc voulu et
confectionné par les directions
américaines et la partie du monde qu’ils
dirigent, d’une part, et le monde
islamique de l’autre.
Le fait de confectionner de toute
pièce l’idée d’un tel conflit n’est pas
étranger à l’esprit des décideurs de la
politique américaine qui ont imaginé
qu’il conduira rapidement au triomphe
des Etats-Unis en raison de l’état de
faiblesse et de délabrement qui frappe
la presque totalité des pays musulmans.
Et on se montre pressé car, de
l’Indonésie jusqu’aux profondeurs de
l’Asie, de l’Europe et de l’Afrique, les
pays musulmans constituent effectivement
le cœur du monde. Géographiquement mais
aussi géopolitiquement et
stratégiquement.
De colossales richesses naturelles, un
développement démographique de plus en
plus rapide et, surtout, une religion à
même -une fois débarrassée des
manipulations qui portent atteinte à ses
textes et aux modalités de son
application- de conduire l’humanité
désemparée vers le havre d’une vie en
mesure d’ouvrir devant l’homme les voies
des deux Paradis d’ici- bas et de
l’au-delà.
Un monde islamique qui, pour le
projet impérial, aiguise les convoitises
et les hantises en même temps.
Il était fort possible pour le projet
hégémonique d’atteindre ses objectifs en
usant de méthodes douces étant donnée la
pauvreté, l’ignorance, la désintégration
sociale et politique héritée de long
siècles de despotisme et d’obscurantisme
que tiennent à pérenniser des régimes
marionnettes dans les mains de
Washington et de ses alliés.
Cependant, l’arrogance, la
mégalomanie, le plaisir d’exercer la
violence, de détruire l’autre et de
fonder la gloire sur la base des
exploits militaires, ont poussé les
dirigeants américains vers la
réalisation de leur projet par la seule
voie armée.
Il ne leur était pas difficile
d’inventer les justifications de la
guerre : La conspiration américaine qui
a été couronnée par les attentats du 11
septembre 2001 ont consacré le
terrorisme comme spécialité de l’Islam
et permis aux Etats-Unis de se charger
de la tâche consistant à débarrasser le
monde de ce fléau. On a donc attendu dix
jours avant de constituer une alliance
rassemblant 36 pays et comprenant toutes
les superpuissances occidentales et de
lancer la guerre contre le plus pauvre
pays du monde, à savoir l’Afghanistan.
Pour pousser l’arrogance à l’extrême,
le Pentagone a voulu prouver la capacité
de sa machine de guerre de remporter la
victoire dans deux guerres en même
temps. C’est ainsi qu’a eu lieu
l’invasion de l’Irak en mars 2003 à
partir d’un mensonge en l’accusant de
posséder des armes de destruction
massive.
Le
motif de l’invasion de l’un et de
l’autre pays non connus comme une menace
qu’ils constitueraient pour le projet
impérial, pour la sécurité nationale
américaine ou pour la paix mondiale ne
fut que l’intention de les utiliser
comme têtes de pont pour envahir et
dominer les pays musulmans voisins.
L’Afghanistan, comme tête de pont vers
le Pakistan, l’Iran et les pays d’Asie
centrale et, en même temps, comme massue
pour intimider la Russie, la Chine et
l’Inde.
L’Irak, comme tête de pont vers
l’Iran, la Syrie, le Liban et la
Palestine. Sans toutefois négliger, en
dépit des amitiés et des alliances, la
volonté de faire chanter et de mettre
aux abois, primo, la Turquie qui, par la
place qu’elle occupe au sein du monde
musulman mais aussi au sein d’un monde
de culture turque s’étendant de Sarajevo
à Alma Ata, présente une des menaces
potentielles pour l’Occident et,
secundo, les pays du Golfe que
l’Occident ne cache pas son penchant à
considérer les richesses pétrolières
comme un patrimoine mondial.
Il est ainsi clair que, dans le cadre
de sa mise à l’index permanente et
infructueuse depuis sa révolution
islamique en 1978, l’Iran est
directement visé par l’invasion de
l’Afghanistan, son flanc oriental, aussi
bien que par celle de l’Irak, son flanc
occidental. La raison est simple : Il
œuvre sans relâche pour l’unité du monde
islamique et pour la défense de ses
causes justes avec, en premier lieu, la
cause palestinienne. De plus, l’Iran est
le seul pays islamique qui présente un
modèle vivant et réussi au niveau de la
construction politique, économique,
social et culturel, un modèle qui
commence à attirer l’attention des tous
les peuples opprimés et épris de
libération à l’intérieur et à
l’extérieur du monde islamique.
Pour ce qui est de la Syrie et des
mouvements de la résistance, ils sont
visés autant car ils ont bloqué le
processus de la soumission arabe
assenant ainsi un coup dur au projet
impérial sur les deux plans régional et
international.
A la lumière de ces données et dans
les conditions des défaites encaissées
par les impérialistes en Afghanistan, en
Irak, au Liban et à Gaza, le pari sur le
choc des civilisations a perdu à tous
les coups. Le round dans lequel il met
actuellement toutes ses cartes en Syrie
ne sera pas par une perte comme les
autres. La Syrie ne tournera pas
seulement la dernière page du projet
impérial. Elle lancera plutôt le début
du grand effondrement qui a commencé à
faire trembler la totalité de l’édifice
du monde impérialiste.
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