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Ha'aretz
Lieberman
est une menace stratégique
éditorial de la rédaction
[Avigdor
Lieberman va probablement entrer au gouvernement, comme
"ministre chargé des menaces stratégiques". Comment
va-t-il cohabiter avec Amir Peretz et les travaillistes, ce
fasciste (selon les uns), ce fou dangereux (selon les autres, et
les deux termes ne sont pas incompatibles, loin de là), cet
irresponsable en tout cas, qui réclamait, outre le bombardement
de Damas, de Téhéran et du barrage d'Assouan, le
"transfert" des Palestiniens?]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/778468.html
Ha'aretz, 24 octobre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Par un acte politique d'un cynisme quasiment jamais vu dans la
politique israélienne, le gouvernement a voté dimanche pour la
proposition d'Avigdor Lieberman (Israel Beitenou) de modifier le
système politique [en régime présidentiel, ndt]. La plupart des
ministres sont contre, ce qui signifie que, lorsqu'ils ont voté,
ils savaient qu'ils se déjugeaient.
Particulièrement énorme a été le ministre des retraites, Rafi
Eitan (Parti des retraités) qui a déclaré qu'il avait voté
pour parce qu'il savait que cette terrible proposition n'avait
aucune chance de passer à la Knesset. La vraie raison, c'est que
les ministres n'ont pour but que de rester au pouvoir.
C'est en faisant un gros clin d'œil que Lieberman va entrer au
gouvernement. Il sait que le système politique ne sera pas modifié,
mais il sait aussi qu'il a réussi à accomplir quelque chose qui,
jusqu'à dimanche dernier, paraissait impossible : s'assurer le
poste le plus sensible du pays : ministre chargé des menaces
stratégiques.
Le choix pour ce poste de l'homme le plus frénétique, le plus
irresponsable de notre paysage politique constitue une menace
stratégique en lui-même. Le manque de retenue de Lieberman, sa
langue effrénée, comparables seulement à ceux du président
iranien, pourraient conduire la région tout entière à un désastre.
Il fut un temps, pas si lointain, où ceux qui étaient
responsables de la stratégie ne se faisaient ni voir ni entendre.
Et la même chose valait pour les détenteurs de postes classés
secret défense, qui servaient pour ou aux côtés des précédents.
Il fut un temps où les discussions stratégiques étaient
conduites en chuchotant, à l'abri dans de salles à huis clos ; où
le ministre d'alors Dan Meridor, chargé de ces questions, ne
s'exprimait jamais; où les commissions de la Knesset chargées de
questions secret défense ne faisaient pas d'annonces publiques ;
et où un premier ministre n'aurait jamais pensé abandonner cette
stratégie à un homme dont les yeux brillent et dont toute
l'apparence est menaçante : une sorte de dissuasion de jardin
d'enfants.
Mais nous vivons une époque où l'irresponsabilité est de mise,
et où les nominations n'exigent même pas l'apparence d'un besoin
de la nation, ni même l'ombre d'un intérêt national.
Le ministre de la défense, dont le parti symbolise le contraire
de l'idéologie de Lieberman, radote sur un programme de possibles
pourparlers avec la Syrie et les Palestiniens, comme s'il
travaillait pour un autre gouvernement, tout en acceptant l'entrée
au poste de super-ministre de la défense d'un homme encore moins
qualifié que lui pour ce poste.
Qui sera employé au ministère des menaces stratégiques? De quoi
seront-ils responsables? Qui contrôlera la langue de Lieberman,
et quelqu'un a-t-il pris en compte les dangers contenus dans ses
menaces? S'il y a bien une menace iranienne, la responsabilité de
la traiter doit-elle être confiée à un partenaire marginal de
cette coalition? Et cette nomination ne fait-elle pas en elle-même
peur davantage qu'elle ne dissuade? Peut-on conclure de cette
nomination que la menace iranienne va être traitée avec le même
manque de sérieux qui a caractérisé la décision de partir en
guerre au Liban? Et les résultats n'en seront-ils pas encore bien
pires?
La nomination de Lieberman (qui, il n'y a pas si longtemps, réclamait
qu'Israël bombarde le barrage d'Assouan) au poste de ministre
responsable des menaces stratégiques indique que le gouvernement
Olmert a perdu tout sens du jugement. La stabilité que va acquérir
le gouvernement avec l'entrée dans la coalition d'Israel Beitenou
n'augure rien de bon. |