D’après un rapport de Shalom Arshav (La Paix
Maintenant), d’énormes quantités de terres ont été affectées
aux colonies de Cisjordanie, mais celles-ci n’en utilisent
qu’une toute petite partie.
9% seulement des zones qui dépendent des colonies
sont bâties, et 12% utilisées d’une manière ou d’une autre,
affirme ce rapport, qui se fonde sur des chiffres fournis par l’Administration
civile. Néanmoins, malgré ces énormes réserves de terres non
utilisées, 90% des colonies débordent de leurs limites, et
environ un tiers des terres qu’elles utilisent vraiment se situe
hors de limites de leur juridiction.
Ces chiffres témoignent du fait que le
gouvernement continue à contribuer à l’expansion des colonies,
accuse Shalom Arshav. D’un côté, l’Etat affecte aux colonies
des étendues immenses, sans aucune proportion avec leur taille,
afin d’empêcher les constructions palestiniennes dans ces
zones. D’un autre côté, une fois la zone fermée aux
Palestiniens, les colons commencent à s’emparer de terres
palestiniennes adjacentes, dont les propriétaires sont souvent
des personnes privées, terres situées en-dehors de leur
juridiction.
Pendant des années, les limites des colonies ont
été tenues secrètes. L’Administration civile et d’autres
organismes ont toujours refusé de fournir ces informations aux
organisations non-gouvernementales et aux médias, alors qu’à
l’intérieur de la ligne Verte, ces mêmes informations [sur les
limites juridictionnelles d’une quelconque localité] sont
facilement disponibles. Les chiffres qui figurent dans le rapport
n’ont été obtenus qu’après que Shalom Arshav et le
Mouvement pour la Liberté de l’information eurent saisi les
tribunaux.
Ce rapport, compilé par Dror Etkes et Hagit Ofran [1],
responsables de l’Observatoire de la colonisation de Shalom
Arshav, montre que la politique israélienne viole les engagements
pris dans le cadre des accords d’Oslo. Ces accords stipulaient
qu’aucune des parties ne prendrait de mesure unilatérale de
nature à modifier la situation jusqu’à la fin des négociations
sur un règlement définitif. Mais, avant le blocage des
pourparlers, Israël a agi méthodiquement pour étendre les
territoires sous juridiction des colonies, affirme le rapport.
Les actes du gouvernement israélien contredisent
également ses déclarations officielles : le Premier
ministre Ehoud Olmert, par exemple, avait déclaré après une
rencontre en mai dernier avec le roi Abdallah de Jordanie :
"les constructions dans les colonies ne s’effectuent qu’à
l’intérieur des limites autorisées."
Le rapport cite 164 colonies, avant-postes et
zones industrielles en Cisjordanie. 92 d’entre elles ont vu leur
zone de juridiction s’étendre ou redéfinie après la signature
des accords d’Oslo en 1993, dans le cadre de la frénésie de
construction qui a eu pour résultat de doubler le nombre de
colons en Cisjordanie dans la décennie qui a suivi.
Pour certaines colonies, les zones précises de démarcation
de leur juridiction n’ont toujours pas été démarquées,
probablement parce que des portions importantes de leurs zones bâties
sont situées sur des terres appartenant à des personnes
palestiniennes privées, comme cela est le cas pour les deux
colonies anciennes d’Ofra et de Psagot, près de Ramallah [2].
Dror Etkes accuse le gouvernement israélien
d’utiliser le terme de "juridiction" de manière
trompeuse et manipulatrice, pour permettre aux colonies de s’étendre
sans quasiment aucune limité, et pour bloquer dans ces zones
toute construction palestinienne.
Les terres affectées à Ma’aleh Adoumim, par
exemple, ont constitué une tentative de former une barrière
entre les localités palestiniennes du Nord et du Sud de la
Cisjordanie, a dit Etkes. Un poste de police est actuellement en
construction dans la zone E-1 entre Jérusalem Est et Ma’aleh
Adoumim, annexée aux territoires dépendant de la colonie, alors
que cette zone est très éloignée des zones bâties de Ma’aleh
Adoumim, situées de l’autre côté de la route Jérusalem - Jéricho [3].
Cela témoigne de l’effort fait par Israël pour créer une
continuité territoriale juive dans cette région. Il existe également
des plans pour construire un centre commercial et touristique dans
la zone E-1. Et pourtant, 76% des terres de Ma’aleh Adoumim ne
sont actuellement pas utilisées.
Ce phénomène est encore plus manifeste quand on
considère les immenses surfaces affectées aux petites localités
juives de la Vallée du Jourdain et du désert de Judée. Par
exemple, la juridiction du kibboutz Mitzpeh Shalem, 180 habitants,
est de plus de 3.540 hectares, soit en gros la superficie de
Petakh Tikva. Celle du kibboutz Kalia, au bord de la mer Morte,
271 habitants, est de 2.530 hectares.
La construction illégale à l’extérieur de la
juridiction d’une colonie est souvent encouragée par l’Etat,
comme le montre le phénomène des avant-postes (colonies illégales),
dit Dror Etkes. L’Administration civile empêche toute
construction palestinienne dans les zones sous juridiction des
colonies. En revanche, aucune action juridique n’est entreprise
à l’encontre de la construction illégale de colons, et ces
structures ainsi bâties sont rarement démolies, accuse-t-il.