Opinion
Observateurs
arabes : à propos du démissionnaire
algérien
Guy
Delorme
Anouar
Malek, observateur dissident, emprisonné
en Algérie,
exilé en France, et présentement
installé au Qatar
Vendredi 13 janvier
2012
Acharné à nier ou
décrédibiliser tout ce qui pourrait
aller dans le sens du gouvernement
syrien, le mainstream médiatique
occidental poursuit son travail de
déstabilisation de la mission des
observateurs de la Ligue arabe. Ainsi
Reuters,
dans une dépêche du 13 janvier, écrit
que «
plusieurs observateurs de la Ligue arabe
ont quitté la Syrie ou pourraient le
faire prochainement pour dénoncer
l’incapacité de la mission à mettre un
terme à la répression des manifestations
hostiles au président Bachar al-Assad»
.
Anouar
Malek : humaniste au passé trouble
Qu’en est-il exactement ?
La mission arabe comptait voici quelques
jours 165 membres. Un de ses membres,
l’Algérien Anouar Malek, a démissionné
en effet avec fracas le janvier,
accusant effectivement la mission de
collusion avec Damas. Depuis Malek s’est
répandu dans les médias, depuis le Qatar
– qu’un certain monde est petit ! –
affirmant que les observateurs
virtuellement démissionnaires seraient «
nombreux
» et leur «
colère
évidente« .
Après le ministre algérien
des Affaires étrangères (voir
notre article « Le ministre algérien des
Affaires étrangères : « La Ligue arabe a
surtout des problèmes avec l’opposition
armée », mis en ligne le 12 janvier),
le chef de la mission d’observation, le
général soudanais Mustafa al-Dabi, a
démenti avec force les allégations
d’Anouar Malek : «
Ce que
l’observateur Malek a dit à une chaîne
satellitaire (al-Jazeera
en l’occurrence, NDLR)
ne correspond en rien à la réalité
» dit le général, cité par un communiqué
officiel de la Ligue arabe publié le 12
janvier. Et al-Dabi donne les précisions
suivantes : «
Après sa
nomination dans l’équipe de Homs, Malek
n’a pas quitté l’hôtel pendant six jours
et n’est pas sorti avec le reste de
l’équipe au prétexte qu’il était malade«
. Et le fait que Malek
soit allé se faire « soigner » aussitôt
au Qatar n’est pas de nature à le
crédibiliser d’avantage…
Puisqu’on parle d’Anouar
Malek, rappelons qu’il a été accusé,
notamment par le journal en ligne
Les
Dernières Nouvelles d’Algérie,
d’avoir été en cheville dans les années
90 avec Rachid Ramda, un «
émir
» du G.I.A. condamné depuis à la
réclusion à perpétuité en France pour sa
participation aux attentats de Paris en
1995. Malek et Ramda étaient des amis
d’enfance et en 1998 le premier, alors
officier « politique » au ministère
algérien de la Défense, avait enquêté
sur les milliers de jeunes algériens
partis combattre en Afghanistan. Par la
suite, Anouar Malek s’est fâché avec ses
employeurs, se reconvertissant dans le
journalisme, avant d’être en 2005
arrêté, accusé de complicité avec un
réseau terroriste islamiste et incarcéré
pendant huit mois pour «
détention
de drogue » ; ce qui est certain,
c’est que Malek, à peine libéré, gagne
clandestinement la France en décembre
2005 où il obtient l’asile politique. Le
moins qu’on puisse dire c’est que ce
parcours un rien sinueux ne plaide pas
en faveur de sa fiabilité.
Ambigüités arabes…
A part Malek, trois autres
observateurs ont mis fin à leur
fonction, un juriste marocain, un
humanitaire djiboutien et un Egyptien,
pour des raisons qui, si l’on en croit
al-Dabi, n’ont rien à voir avec le
régime syrien ou le déroulement de la
mission. Bref, 161 observateurs sont
toujours à pied d’oeuvre. Qui remettront
le 19 janvier un nouveau rapport à la
Ligue arabe. Dont le secrétaire général
Nabil al-Arabi a fait jeudi 12 janvier
une déclaration mi-chèvre, mi-choux,
selon laquelle Damas n’avait pas
complètement fait cesser les meurtres et
la violence. Mais Nabil al-Arabi sait
très bien que la violence persistante
des groupes activistes ne peut être
endiguée que par une contre-violence de
l’armée syrienne :
ambigüité fondamentale de la mission de
la Ligue arabe, contradiction dont elle
ne peut se sortir qu’en établissant
clairement – elle a commencé à le faire
– qui tire, et sur qui.
Peut-être Nabil al-Arabi
réagissait-il ainsi aux propos sans
concessions de Bachar al-Assad sur
l’action de l’organisation pan-arabe,
mardi 10 janvier (voir
notre article « Le discours de Bachar :
1) de la crise syrienne à celle du monde
arabe », mis en ligne le 11 janvier).
On parle aussi de
l’agression de 11 membres de la mission
à Lattaquié par des partisans du
président. Si tel était le cas, ce
serait une erreur politique, à notre
sens.
La mission
de la Ligue arabe est sapée en
permanence par le Qatar
Même ambigüité chez Mourad
Medelci, chef de la diplomatie
algérienne qui a près avoir salué les
efforts du gouvernement syrien et
dénoncé la violence et l’obstruction des
groupes armés, s’est dit d’accord avec
Hillary Clinton qui parlait de « la
nécessité de mettre fin à l’agression du
gouvernement Assad contre son propre
peuple » et qui réclame avec insistance
la fin de la mission.
Ces
palinodies – peut-être une mauvaise ou
hâtive interprétation de propos – ne
doivent pas faire oublier deux choses
essentielles :
1- La mission a reconnu que
la violence venait aussi de l’opposition
armée, et même Medelci a dit clairement
que la mission était surtout confrontée à
cette violence de l’opposition armée ;
2-Le front anti-syrien au
sein de la ligue arabe, animé par le
Qatar, s’est disloqué, un quart des 22
membres – Irak, Liban, Algérie,
Mauritanie, voire Egypte ou, pour des
raisons économiques, Jordanie – s’étant
dissociés de la ligne dure, et d’autres
se réfugiant dans un prudent attentisme.
Il peut y avoir encore des
retournements de quelques vestes, des
propos divers, la Ligue arabe est
obligée d’aller au bout de sa mission,
sous peine de se ridiculiser
définitivement aux yeux de l’opinion
arabe. Et si elle continue comme elle a
commencé, elle sera traitée en ennemie
par le bloc atlantiste.
Quel est pour elle le
plus grave de ces deux inconvénients ?
Publié le 13 janvier
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
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