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Le
carnaval des imposteurs
Guillaume Weill-Raynal
Guillaume Weill-Raynal - ©
fbgcom.net
Vendredi 30 mai 2008
Ainsi donc, la cour d’appel a tranché : il est permis de dire
que le reportage de Charles Enderlin sur la mort de Mohamed Al
Doura, diffusé au JT de France 2 le 30 septembre 2000 était une
« supercherie », une « mascarade », une « imposture ». Et tant
pis si les magistrats, considèrent en même temps que ces
accusations présentent bien un caractère diffamatoire, leurs
auteurs n’ayant pas rapporté la preuve de ce qu’ils avançaient :
le bénéfice de la bonne foi peut néanmoins leur être accordé en
raison du caractère « sérieux » de leur enquête…
Sérieux, avez-vous dit ? Qu’on en juge : une fusillade éclate au
carrefour de Netzarim dans la bande de Gaza. Les caméras de
France 2 sont présentes, mais aussi celles de Reuters, d’Associated
Press, et d’autres encore. Les blessés et les morts auront ainsi
le « privilège » d’être filmés sous plusieurs angles par des
journalistes de différentes agences et chaînes de télévision
française, anglaise et américaine. Des plans larges montrent les
centaines de personnes qui se dispersent sur un carrefour grand
comme le rond-point des Champs Elysées. Last but not least, les
militaires israéliens, partie prenante à la fusillade, ne
contesteront pas qu’elle se soit effectivement produite, et pour
cause !
Mais Philippe Karsenty, dont la cour estime qu’il a réalisé une
« enquête sérieuse » se lève et dit : regardez cet homme touché
à la cuisse, sa blessure est en contact direct avec la civière,
c’est impossible, il devrait se tordre de douleur ! Jamais aucun
médecin n’a validé une pareille absurdité, et d’ailleurs, une
autre caméra que celle de France 2 nous montrait quelques
secondes auparavant le même homme trainé au sol, par les
ambulanciers, alors que les impacts visibles de balle
rebondissaient sur la chaussée autour d’eux, à 20 centimètres à
peine… Mais Karsenty Diafoirus sait de quoi il parle et il
affirme que le blessé est un faux blessé qui joue la comédie et
que toute cette fusillade n’est donc qu’une gigantesque
rigolade. D’ailleurs, n’en est-il pas de même pour Mohamed Al
Dura ?
Regardez bien, il ne saigne pas, ce n’est qu’un chiffon rouge
qu’il sort de sous sa chemise ! N’importe quel être humain
normalement constitué peut constater à l’œil nu qu’il s’agit
bien d’une tache et pas d’un chiffon (mais une tache de quoi,
diront les esprits forts, de peinture, de ketchup, de fraises
Tagada écrasées dans la poche de l’enfant ?), mais plus c’est
gros, plus ça passe : Karsenty Gérard Majax nous dévoile le truc
du foulard en soie, et Pierre-André Taguieff, directeur de
recherches au CNRS, puis Richard Prasquier, Président du CRIF
applaudissent à l’enquête sérieuse et abondent dans le même
sens, qui dans les colonnes de l’Arche, qui dans celles
d’Actualité Juive.
Il y a pire, et là, on touche le fond. Enderlin avait déclaré
naguère à Télérama avoir coupé la scène de l’agonie de
l’enfant : mais depuis quatre ans, Denis Jeambar, ancien
directeur de l’Express, Daniel Leconte producteur à Arte, et Luc
Rosenzweig qui ont pu visionner les rushes dès 2004 nous le
clamait triomphalement sur tous les tons : cette scène d’agonie
n’existe pas. Et Karsenty Sherlock Holmes d’apporter le coup de
grâce comme une cerise sur le gâteau : regardez-bien sur cette
image, l’enfant bouge encore, il lève le coude, « alors que
quelques secondes auparavant Enderlin nous affirmait qu’il était
mort ».
Sauf que cette scène n’est pas dans le récit d’Enderlin,
puisqu’elle… fait partie des rushes, c’est-à-dire ce qui est
coupé au montage : en clair, il s’agit de la fameuse agonie,
dont ces esprits forts nous répètent, hilares, depuis quatre ans
qu’elle n’existe pas. On pourrait sourire de ces arguties
infectes si elles n’avaient pour effet de nier, par des méthodes
de raisonnement qui associent délire malsain et mauvaise foi
euphorique, la mort d’un enfant. Certains s’offusquent de la
comparaison avec Faurisson ou Thierry Meyssan. Je ne vois
pourtant rien d’autre qui s’impose aussi immédiatement à
l’esprit.
Reste à comprendre comment la cour d’appel de Paris a pu
considérer comme « sérieuse » une enquête que le procureur, et
avant lui, le tribunal, avaient qualifiée « d’extrapolations
sans fondement ». Chacun est libre d’interpréter. Il m’a semblé,
à la lecture de l’arrêt, que la cour s’était quelque peu laissée
abuser par les nombreux certificats émanant de « professionnels
des médias » (un professeur d’histoire médiévale, un
psychanalyste parisien, des universitaires spécialisés dans la
sémiologie et le signifiant symbolique…) jurant leurs grands
dieux que l’enquête leur paraissait sérieuse et que Karsenty, à
leur sens « n’avait pas franchi la ligne jaune » (sic !), motif
repris tel quel par la cour. Si c’est des spécialistes qui le
disent….
Mais avait-on réellement besoin de leur « expertise », pour
constater de visu que la chemise d’un enfant est bien tachée et
qu’il ne s’agissait pas d’un chiffon rouge ? Moyennant quoi, la
cour, bien forcée de reconnaître que Karsenty n’avait pas
rapporté la preuve de ce qu’il avançait et que ses accusations
présentaient bel et bien un caractère diffamatoire, lui a malgré
tout reconnu le bénéfice de la bonne foi, dont les conditions
juridiques essentielles sont, outre l’enquête sérieuse, la
mesure et la modération dans l’expression (« supercherie »,
« mascarade », « imposture »…) et l’absence d’animosité
personnelle (« Charles Enderlin et Arlette Chabot doivent être
démis de leurs fonctions », c’était le titre de l’article de
Karsenty…). Qu’en dira la cour de cassation ?
Depuis, le camp des anti-Enderlin exulte. Radio J et RCJ
communiquent en boucle sur le sujet. Elisabeth Lévy en appelle
« enfin », à un « vrai débat », un débat « de fond » sur ce qui
s’est réellement passé à Netzarim le 30 octobre 2000. Appel
aussi incantatoire que surréaliste car son site Causeur.fr, a
mis en ligne trois articles sur le sujet depuis une semaine.
Tous les trois ne font entendre qu’une seule musique. Devinez
laquelle. Un dénommé Martin Castelneau que je ne sache pas
s’être sérieusement penché sur l’affaire Al Doura depuis huit
ans exige sur le ton de la vérité blessée et de la vertu
indignée que France 2 mette « enfin », en ligne les fameux
rushes. Mauvaise pioche ! Enderlin les a mis sur son blog depuis
février dernier. Martin Castelneau, jeune recrue des bataillons
karsentystes l’ignorait…
On y voit notamment très précisément, pendant la fusillade, les
blessures de Jamal Al Doura, père de Mohamed, arrêt sur images,
incrust, et commentaire à l’appui. Mais Luc Rosenzweig se fend à
son tour d’un bel article : Pourquoi ne voit-on pas les
blessures ? Pourquoi ne nous répond-on pas ? Il n’est de pire
sourd que celui qui ne veut pas entendre et de pire aveugle que
celui qui ne veut pas voir ! J’ai moi-même proposé à Elisabeth
Lévy d’apporter ma contribution à ce débat, pour que les
lecteurs de Causeur.fr puissent non seulement entendre les
arguments en faveur d’Enderlin mais surtout, pour qu’ils sachent
que les preuves factuelles qu’on leur dit être cachées sont en
réalité consultables, à la portée de tous : chacun peut
facilement se faire son opinion, vérifier ce qu’il en est
réellement et de quoi Il retourne. Je n’ai pas reçu de réponse à
ce jour. Pendant ce temps, le carnaval des imposteurs continue.
* Vous pouvez trouver dans le livre "Les Nouveaux
Désinformateurs" de Guillaume Weill-Raynal paru aux éditions
Armand Colin, le récit complet de l’affaire Enderlin.
Guillaume Weill-Raynal est avocat. Il est
l’auteur d’Une haine imaginaire (2005) et des Nouveaux
Désinformateurs (2007), parus aux éditions Armand Colin.
Publié le 30 mai 2008 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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