Opinion
Tarek Aziz et la
mort lente des prisonniers politiques
irakiens
Gilles Munier
Gilles
Munier
Samedi 10 mars 2012
Tarek Aziz, 76 ans,
est emprisonné depuis neuf ans. D’abord
incarcéré par les Américains au Camp
Cropper, il a été livré, en juin 2010, à
ses ennemis. Il est depuis dans une
cellule de la prison d’Al-Kadimiya, à
Bagdad, et condamné à mort. Gravement
malade, épuisé par le système carcéral
et une grève de la faim, il se meurt
lentement faute de médicaments et de
soins réguliers. Maître Badie Aref, son
avocat irakien, a demandé à plusieurs
reprises son hospitalisation à Bagdad ou
à l’étranger, sans résultat. En août
2011, il a remis à Nouri al-Maliki un
message où Tarek Aziz demandait que son
exécution ait lieu « dès que possible
».
Tarek Aziz,
« Le chrétien »
Tarek Aziz va
bientôt mourir. En prison, il est aidé
par des co-détenus pour se mouvoir et
s’alimenter. Aux dernières nouvelles, il
aurait des difficultés pour reconnaître
sa femme et sa fille qui vivent à Amman,
seules autorisées à le rencontrer une
fois par mois. A chaque voyage, elles
lui remettent la douzaine de médicaments
qui lui manquent, mais ne peuvent que
constater la dégradation de son état de
santé.
Nouri al-Maliki et
le parti al-Dawa qui ont tenté de
l’assassiner, en avril 1980, cherchent
leur revanche parce qu’il est pour eux,
« Le chrétien », celui qui avait
convaincu les Occidentaux de la
dangerosité du régime de l’ayatollah
Khomeiny. Ils ne lâcheront pas leur
proie. Depuis 2003, des tueurs
pro-iraniens ont éliminé la plupart des
pilotes de chasse qui ont bombardé
l’Iran ainsi que les ingénieurs chargés
des tirs de missiles.
En France, parmi
ceux qui ont connu Tarek Aziz, très peu
sont intervenus en sa faveur. Espérons
que le documentaire du Père Jean-Marie
Benjamin (lire ci-dessous*) qui
lui est consacré, primé… aux Etats-Unis
(!), réveillera les consciences
endormies des hommes politique qui se
pressaient pour le rencontrer à Bagdad,
ou lors de ses passages à Paris.
Leur vie est un enfer
Les autres
prisonniers politiques incarcérés à Al-Kadimiya
ne sont pas mieux lotis, d’autant qu’ils
sont peu ou pas connus à l’étranger.
Citons en trois, sur la liste des 55
dignitaires irakiens les plus recherchés
par le Pentagone en 2003 :
Saadoun Shaker,
ministre de l’Intérieur (1979-1987),
a eu plusieurs crises cardiaques. Il
s’était retiré depuis longtemps de la
vie politique. Il a quand même été
condamné à mort « pour avoir réprimé
des partis religieux », alors que
cette responsabilité n’était pas de son
ressort mais de la compétence de
services dépendant du président Saddam
Hussein.
Mohamed Mehdi
Saleh, ancien ministre du Commerce,
arrêté par la CIA en avril 2003, a
pratiquement perdu la vue, faute aussi
de soins. Son dossier est vide, mais il
était en poste quand des commerçants
chiites se livrant au marché noir
pendant l’embargo, ont été pendus. Il
n’a rien à voir avec leur arrestation et
encore moins avec leur exécution. La
Cour de cassation a ordonné, il a 8
mois, sa libération : il ne l’est
toujours pas été.
En avril 2003, les
Marines avaient présenté comme une
victoire l’arrestation de Hikmat al-Azzaoui,
ancien ministre des Finances, 8 de
carreau du jeu de cartes de Donald
Rumsfeld. Il est mort à 79 ans à
l’hôpital de la prison d’Al-Kadimiya, le
27 janvier dernier, faute de soins dans
l’indifférence générale.
En octobre 2011,
Nouri al-Maliki s’en est pris aux cadres
intermédiaires du parti Baas, après que
le CNT libyen lui a remis une liste de
« comploteurs » trouvée au siège
des services secrets du colonel Kadhafi.
Plus de 600 Irakiens ont été aussitôt
arrêtées dans tout le pays, ainsi que
140 professeurs de l’université de
Tikrit. D’autres arrestations ont
suivies. Les « comploteurs » ont
été emprisonnés, pour la plupart, dans
des camps ou des prisons secrètes. Leur
vie est un enfer.
Invitation : «
Tareq Aziz : L’autre vérité » (63’),
réalisé par le Père Jean-Marie Benjamin,
a obtenu le prix 2011 du meilleur
documentaire au Festival du film de
Silent River (Irvine, Californie).
Il sera projeté en exclusivité à Paris,
le jeudi 15 Mars, à 18 heures, au Studio
des Ursulines (10, rue des Ursulines
- RER Luxembourg) en présence
du réalisateur. Entrée libre.
Présentation du
documentaire :
http://www.youtube.com/watch?v=FmFnxxRD2Ag
Sur le même sujet,
lire aussi :
Appel lancé en mars
2005, pour demander la libération de
Tarek Aziz (liste des signataires)
http://www.france-irak-actualite.com/article-liberez-tarek-aziz-et-ses-compagnons-59876428.html
Bulletin de santé
de Tarek Aziz (clinique du Camp
Cropper – 26/1/10)
http://www.france-irak-actualite.com/article-tarek-aziz-etat-de-sante-45332733.html
« Tarek Aziz…
connais pas ! »
http://www.france-irak-actualite.com/pages/Tarek_Aziz_connais_pas_Bakchichinfo_20508-1982322.html
Tarek Aziz, l’homme
qui en sait trop
http://www.france-irak-actualite.com/pages/tarek-aziz-l-homme-qui-en-sait-trop-juin-2008--1982315.html
© G. Munier/X.
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Publié le 11 mars 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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