Opinion
Libye : l'histoire
ne repasse pas les plats
Gilles
Munier
Gilles
Munier
Dimanche 6 mai
2012
(Afrique Asie –
Mai 2012)
Mohamed Albichari,
fils d’un ancien ministre des Affaires
étrangères du colonel Kadhafi mort en
1997 dans un curieux « accident de la
route », n’est pas de ces
opportunistes qui ont quitté le navire
quand il devint évident que le régime
allait s’effondrer sous les coups de
boutoir de l’Otan et des milices. Dès le
début de la révolte, il a apporté, sont
soutien aux insurgés de Benghazi, mais
crié « danger » si l’intervention
occidentale dépassait les limites de la
ville. Pour lui, Mohamed al-Senoussi,
réfugié à Londres, petit-fils du roi
Idris 1er renversé par
l’organisation des Officiers libres le 1er
septembre 1969, aurait dû s’envoler
immédiatement pour la Cyrénaïque pour
refonder le mouvement Senoussi, «
seul, parmi les tribus libyennes, à
disposer d’une véritable légitimité »,
et à dépasser « les clivages
claniques et tribaux ». Après
l’évacuation des forces loyalistes de
Misrata, Mouamar Kadhafi était affaibli.
La crise libyenne aurait alors pu se
régler par la négociation – avec ou
sans lui - et éviter une guerre
civile dont personne ne peut prédire la
fin. Le prince héritier est resté
prudemment à Londres, probablement parce
que l’Otan avait un autre agenda.
L’histoire, comme on dit, ne repasse pas
les plats.
« Le cauchemar
libyen » *, seul témoignage de
l’intérieur du régime, écrit par Mohamed
Albichari, n’est pas tendre pour le
système Kadhafi, « assemblage
hétéroclite d’institutions disparates ».
Il dénonce la main mise de la famille du
Guide et de son clan sur les « postes
susceptibles de rapporter des sommes
importantes », la création d’un Etat
informel composés d’un réseau de
sociétés et d’institutions administré
par ses fils et parents proches. Après
les « révolutions arabes » de
Tunisie et d’Egypte, l’auteur redoutait
une explosion incontrôlable en Libye, du
fait de la complexité des rapports entre
les composantes de la société. La suite
des événements lui a donné raison.
Où va la Libye ?
Selon Albichari,
interviewé par Al Qarra TV (1),
la décision d’en finir une fois pour
toutes avec Kadhafi a été prise « en
juillet » après la chute de Misrata,
alors que tout le monde savait que les
milices ne s’entendaient pas entre
elles, qu’il n’y avait pas de «
personnage central capable de gérer la
situation », qu’il s’agissait d’un
règlement de compte interne entre des
opposants ayant résidé pendant des
décennies en Occident et Kadhafi, aucune
alternative crédible au pouvoir n’avait
été constituée.
Mohamed Albichari
regrette que le Conseil national de
transition (CNT) n’ait pas choisi la
voix du dialogue avec le régime
affaibli. Pour lui, « On a remplacé
le mauvais par le pire ! Pourquoi
susciter une guerre civile quand on peut
l’éviter ? ». Mais, le CNT le
pouvait-il ? Création de l’Otan, sans
légitimité nationale, il était coupé des
réalités des jeunes combattants
thowars (révolutionnaires) ou
djihadistes. Pessimiste, Albichari pense
que le chaos actuel va durer longtemps
parce qu’il est entretenu par «
certains intérêts pétroliers, certaines
milices et certains pays étrangers ».
Ce ne sont pas les élections prévues en
juin, si elles ont lieu, qui apaiseront
les esprits : une grande partie de la
population, accusée de collusion avec
l’ancien régime, en sera exclue.
* Le cauchemar
libyen, par Mohamed Albichari (Ed.
Favre – Lausanne, 2011- 13 euros)
(1)
Où va la Libye ? Débat avec Mohamed
Albichari, Majed Nehmé, Hélène Bravin
(28/2/12)
http://www.alqarra.tv/2012/en-quesn/ou-va-la-libye/
© G. Munier/X.
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Publié le 6 mai 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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