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Un automne à Shanghai
Gilad Atzmon

Lundi 19 octobre 2009

http://gilad.squarespace.com/writings/autumn-in-shanghai-by-gilad-atzmon.html 

Shanghai est la modernité en actes ; c’est une ville faite pour les affaires. Ses nombreux gratte-ciels étourdissants défient autant l’imagination que le ciel. Cette métropole est saturée d’un glamour festif quasi irréel ; elle est imbibée de richesse, elle déborde de fierté et pourtant, elle est humaine – et même, de fait, très humaine. C’est une ville habitable, relativement calme ; l’on s’y sent en sécurité et elle vous souhaite la bienvenue à bord. C’est la Métropole Occidentale du futur. Et pourtant, elle se trouve en Orient.

L’on m’avait prévenu, avant mon voyage : Shanghai n’est pas réellement un « choc culturel », bien au contraire ; l’on a l’impression d’avoir déjà rencontré Shanghai dans ses rêves urbains bien avant de s’y poser. De fait, Shanghai set l’incarnation du rêve urbain occidental : c’est la matérialisation surprenante de tout ce qu’une métropole occidentale prétend être. Dans certains quartiers, elle est l’incarnation de l’imaginaire urbain ; c’est ce vers quoi tendait New York, mais qu’il a échoué, quelque part, à atteindre. Dans d’autres, l’on ressent la tranquillité urbaine suprême d’une avenue parisienne bordée d’arbres, avec de petits bars et des cafés stylés. Elle offre tout ce que peut offrir une grande ville en matière de culture, de loisirs, de business et de bonne cuisine, mais, en plus, elle est totalement sympathique tant pour ses visiteurs que pour ses habitants. J’ai donné un cours de jazz, en Chine, cette semaine, et j’ai participé au Shanghai Jazz Festival. Et, bien que fort occupé, avec mes étudiants, les combos de jazz, les concerts et mes autres engagements musicaux, j’ai essayé d’absorber Shanghai, au maximum de mes possibilités : j’ai sillonné la ville, je me suis attaché à rencontrer des gens du crû et à tenter de comprendre ce miracle. Ainsi, j’ai par exemple visité la Shanghai Music Fair, probablement la plus importante foire-exposition musicale au monde.

Aujourd’hui, la Chine est le premier producteur mondial d’instruments de musique occidentaux. Et vous savez quoi ? Ils fabriquent des saxophones du tonnerre, là-bas ! Des saxos incroyables ! J’avais essayé des saxophones chinois, dans le temps ; j’en avais fait la critique. Pour une raison que j’ignore, j’étais depuis toujours convaincu que les nombreuses marques de saxos chinois devaient sortir de la même boîte, ou au maximum de chez deux ou trois fabricants… En gros, l’idée était que tous les saxophones et clarinettes chinois contemporains ont un design très approchant et qu’ils sont tous aussi bons les uns que les autres. Mais, à cette foire musicale, je me suis rendu compte que j’avais tout faux. Il y a, en réalité, plusieurs petits fabricants de saxophones, et ils sont tous excellents ! Ceux que j’ai rencontrés étaient manifestement avides de critique ; d’une manière extrêmement modeste, ils sont enclins à vous demander de leur dire franchement ce que vous pensez de leurs différents modèles. Ils ne veulent qu’une chose : faire mieux. Ils n’aspirent qu’à s’améliorer, encore et encore…

La Chine est un miracle financier ; elle est en passe de doubler le Japon et de devenir la seconde économie mondiale. L’on s’attend à ce qu’elle sème l’Amérique au cours des cinq années à venir, devenant la première puissance économique du monde. La Chine est déjà le premier producteur mondial des principaux produits industriels et agricoles. En dépit des critiques occidentales incessantes de la structure politique et du système de parti unique de la Chine, le succès de ce pays démontre que son système politique et son modèle économique sont sans doute bien plus efficaces que ce que les démocraties occidentales sont en mesure de proposer. Contrairement à l’Empire Anglophone en train de s’effriter et des autres économies de service occidentales, la Chine est une société productive, et pourtant elle est gouvernée par l’unique « Parti du Peuple ». Plutôt que de copier le modèle économique et le système des valeurs de l’Occident, la Chine a adopté certains avantages de l’Occident, elle les a modifiés, puis elle les a intégrés à son propre modèle économique et à son propre système social. 

La Chine et Israël

Lors de ma visite à Shanghai, je suis descendu dans un hôtel occidental plutôt étonnant. Dès mon arrivé, après les formalités d’usage, tandis que j’attendais mon tour au bureau des renseignements touristiques, une ménorah* dorée rutilante me faisait familièrement de l’œil sur la couverture de l’une des brochures. Je la pris. Elle portait sur « Les juifs à Shanghai », et indiquait, en sous-titre : « L’histoire des trente mille juifs qui trouvèrent refuge à Shanghai entre 1933 et 1941 ». J’imagine que vous n’êtes désormais plus en mesure d’imaginer une seule métropole, sur notre planète, qui n’ait un rapport ou un autre avec l’Holocauste ou avec les juifs. Les visiteurs de Shanghai ont l’embarras du choix : des temples, des paysages à couper le souffle, le shopping, de nouveaux marchés en plein développement, la cuisine, le folklore chinois et, bien entendu, y compris un petit chouilla de « Shoa business ». Honnêtement, je pense que personne, mis à part quelques juifs, ne s’intéresse au rôle historique joué par Shanghai dans l’Holocauste. Et pourtant, cette brochure était là, et bien là : il devait y avoir une raison. Beaucoup d’Israéliens et de juifs visitent Shanghai depuis une vingtaine d’années, la Chine et Shanghai étant le futur. Et ça, les Israéliens le savent parfaitement.

En prenant mon petit-déj’ à l’hôtel, j’ai entendu beaucoup parler l’hébreu. Ce n’était pas des touristes israéliens : dans les conversations, il était essentiellement question d’acheter et de vendre. Ils rencontraient des businessmen locaux, alors qu’il n’était encore que huit heures du mat’ !

Mais ce n’était pas que le business : l’infiltration israélienne est patente, à tous les niveaux concevables.

Dans le bus qui nous a emmené jusqu’à la salle du festival où nous allions nous produire, nous avons trouvé un drapeau israélien, accroché au rétroviseur. Une brève enquête, avec l’aide de notre metteur en scène qui parlait l’anglais, a révélé que l’orchestre qui avait joué juste avant nous était une formation de Dixieland israélienne. Je dois mentionner que je vis moi-même en Grande-Bretagne depuis quinze ans, que je voyage dans le monde entier avec des musiciens provenant de tous les continents, mais que je n’ai jamais vu un seul musicien laisser des souvenirs nationalistes où que ce fût. Pour les artistes israéliens, en revanche, il semble que le fait de laisser traîner leurs Etoiles de David soit une pratique habituelle.

Je ne tardai pas à me rendre compte que je connaissais ces musiciens de Dixieland israéliens ; c’était même d’anciens amis, en Israël. Certains d’entre eux avaient été mes profs et mes mentors et d’autres avaient joué dans mon orchestre. Deux d’entre eux étaient vraiment mes potes, à l’époque. Dois-je vous préciser que les rencontrer, après tant d’années, était une perspective excitante ? De fait, ils étaient très bons. Ils savaient jouer, et ils maîtrisaient manifestement le style Dixieland. J’ai entendu un de mes anciens amis déclarer, sur scène, à son public chinois : « Nous sommes ici pour célébrer les soixante ans de la République chinoise et les soixante-et-un ans de l’Etat juif ! Et tout ce que nous voulons vraiment, c’est la paix ! »

Un message tellement simple (d’une simplicité quasi biblique) : nous, les juifs, et vous, les Chinois, nous partageons tous une croyance très simple.
Ce corniste israélien ne s’était sans doute pas rendu compte du fait que quelques heures auparavant, la République Populaire de Chine avait voté en faveur de l’adoption du rapport Goldstone au Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu. Pour la Chine, en tout cas, les crimes de guerre d’Israël doivent faire l’objet d’une enquête plus approfondie.

Toutefois, tout le monde sait que la plupart, sinon la totalité, des exportations artistiques israéliennes sont sponsorisées par le ministère israélien des Affaires étrangères. Les artistes israéliens servent de messagers de la propagande sioniste et des bobards de la hasbara. L’idée est très simple : pendant que « Tsahal » balance du phosphore blanc sur des Palestiniens tandis qu’elle en affame d’autres, les artistes israéliens parcourent le monde entier, diffusant leur message « Sex, Love and Peace » fleurant bon les Sixties. Inutile de préciser que les gens, autour de moi, n’ont pas réellement mordu à l’hameçon.

Le sionisme, comme nous l’apprennent Herzl et ses trop nombreux disciples, est tout entier voué à rechercher les liens entre les intérêts nationaux juifs et les puissances dominantes dans le monde. La Chine est, à n’en pas douter, la puissance montante. De fait, la Chine est même un pays phénomène ; sa croissance est sensationnelle. Bien que n’ayant passé qu’une semaine en Chine, j’ai pu y constater de visu l’intensité de l’entrisme israélien sur le terrain.

Comme nous ne le savons que trop, il est des pacifistes naïfs pour parier toutes leurs cartes sur une coupure potentiellement croissante entre Israël et les Etats-Unis. Ils oublient qu’Israël peut très facilement changer d’allié, comme il l’a déjà souvent fait, par le passé. Israël est toujours en train de bâtir des relations avec les puissances en train de se renforcer. Les Israéliens ont d’ores et déjà investi des efforts énormes sur l’Inde et la Chine.

La success-story chinoise doit énormément au fait qu’elle est gouvernée par un système politique aussi unique que son parti du Peuple. C’est un miracle, parce que la Chine réussit peu ou prou à réfréner le capitalisme pur et dur par un système sans équivalent dans le monde de par sa préoccupation sociale. Savoir s’il y a une possibilité, pour ce système, de s’acoquiner la  philosophie nationaliste bourgeoise fondée sur le suprématisme raciale et sur l’élection exclusiviste de manière générale qui est celle d’Israël est une vaste question…

[* Ménorah : candélabre à sept branche, un des plus anciens symboles du peuple juif].

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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