© Gilad Atzmon
Mardi 17 novembre 2009
http://www.gilad.co.uk/writings/a-night-unto-the-nations-by-gilad-atzmon.html
Dans sa dernière tribune, publiée par
Haaretz [http://www.haaretz.com/hasen/spages/1130262.html],
l’analyste politique israélien Yoel Marcus s’étonne : « Comment
Israël a-t-il pu devenir une nuit noirceur parmi les nations ? »
Manifestement, Marcus a la nostalgie des beaux jours où les
grandes puissances « étaient non seulement favorables à
l’establishment israélien, mais où elles admiraient sa vaillance
à repousser les assauts des pays arabes »…
Il énumère non sans fierté les
« journalistes étrangers de grand renom » qui étaient venus en
Israël en 1948 et qui avaient écrit « des articles lumineux sur
cette guerre de David contre Goliath ». On ne peut que remarquer
que Marcus ne mentionne jamais (il ne semble pas l’avoir
compris) que l’expulsion des indigènes palestiniens de leurs
villages et de leurs villes n’était pas vraiment ce que l’on
pourrait qualifier de « répétition du combat de David contre
Goliath ». C’est tout à fait l’inverse qui est vrai : c’était
une histoire faite par une jeune armée organisée, qui procéda au
nettoyage ethnique d’une population civile sans défense,
essentiellement composée de ruraux.
Le hasard voulut que trois ans tout juste
après la libération d’Auschwitz, l’Etat juif nouvellement fondé
nettoya ethniquement une très large majorité de la population
indigène de la Palestine. Les jeunes recrues des Forces
Israéliennes de Défense (Tsahal) obéissait à une doctrine
raciste qui ne différait en rien de l’agenda des Nazis. Le but
unique était la création d’un Etat « réservé aux seuls juifs ».
Pour une raison que nous ignorons, Yoel Marcus est persuadé qu’à
l’époque, Israël était une lumière illuminant les nations.
Miraculeusement, les Israéliens sont particulièrement doués
lorsqu’il s’agit d’oublier leur péché originel. Comme leurs
ancêtres vivant dans la diaspora européenne, ils adoptèrent une
vision banale de leur narratif historique. Ce narratif se répète
lors de nombreuses fêtes juives et israéliennes [1] ; formulé
avec humour, il se résume à ceci :
« Ils voulurent nous tuer…, nous avons
survécu ; bouffons ! »
Mais les temps ont changé, et comme l’écrit
Marcus, « l’admiration pour la force d’Israël s’est peu à peu
muée en ressentiment ». Marcus comprend que « la puissance
militaire d’Israël et son recours illimité à cette puissance a
transformé l’analogie avec David-versus-Goliath en un atout pour
les Palestiniens ».
Très significativement, Marcus ne comprend
pas que cela fait désormais quelque temps que la perception du
conflit par l’opinion publique a inversé les rôles. Aux yeux des
Palestiniens, Israël n’a jamais été je ne sais quel petit
« David » cachère innocent. De fait, Israël a de tout temps été
une entité génocidaire parfaitement monstrueuse. Certes, les
sionistes réussirent à tromper les nations pendant des années,
présentant Israël sous les traits d’un enfant perdu inoffensif,
qui « rentrait » chez lui après une absence de deux millénaires.
Mais les faits, aujourd’hui, sont connus. La nation juive est
une pure invention
[
http://www.gilad.co.uk/writings/the-wandering-who-by-gilad-atzmon.html
]. La saga du retour est fondée sur une pure fantaisie. Les
seuls faits attestés entourant l’Etat juif
sont les tactiques barbares et impitoyables qu’il met en
œuvre, jour après jour.
Marcus note que la réputation d’Israël a
changé du tout au tout. Aujourd’hui, Israël est considéré comme
un pays agressif et dominateur. Contrairement à Alan Dershowitz
[
http://www.gilad.co.uk/writings/far-beyond-chutzpah-by-gilad-atzmon.html
], qui insiste avec une myopie incroyable sur le fait que le
soutien à Israël serait acquis, sur les campus universitaires
américains, Marcus est toutefois assez honnête et courageux pour
reconnaître que les universités américaines sont en train de
devenir pro-palestiniennes et anti-israéliennes. « C’est
dangereux », écrit-il, « parce que les universités, c’est
précisément l’endroit où les futurs dirigeants de l’Amérique
sont formés ».
Toutefois, Marcus est manifestement d’une
naïveté incroyable. Comme la plupart des Israéliens de gauche,
il pense que les problèmes d’Israël ont commencé en 1967, avec
l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Marcus, à
l’instar de la plupart des Israéliens, est convaincu qu’une fois
que l’occupation aura cessé, l’Etat juif pourra à nouveau surfer
sur les vagues d’une admiration éclatante. Marcus ne comprend
pas qu’Israël a passé le point de non-retour. En dépit du fait
qu’il écrit pour Haaretz depuis des décennies et qu’il devrait
connaître le conflit israélo-palestinien jusque dans ses
moindres détails, Marcus, comme la plupart des Israéliens,
réussit à ne pas voir en quoi consiste la cause palestinienne.
Il trouve le moyen d’ignorer la Nakba de 1948 et le problème des
réfugiés palestiniens.
De manière tout à fait choquante, aux yeux
de notre journaliste siono-centré, les Palestiniens et les
Goyim, de manière générale sont une cible facile pour la
manipulation. Or, c’est précisément cette tendance qui a présidé
à la naissance de la philosophie « unilatérale » d’Israël. Nous,
les juifs, nous faisons ce que nous avons à faire ; le monde n’a
qu’à suivre. Ben Gourion avait résumé cette philosophie en ces
termes : « Peu importe ce que disent les Goyim, la seule chose
qui importe, c’est ce que les juifs font ».
Marcus est inquiet. La réputation d’Israël
est en train de s’écrouler : de « Lumière parmi les Nations »,
Israël est passé au stade de nation honnie et ostracisée »…
« Depuis l’opération Plomb Coulé, à Gaza, des officiers des
Forces Israéliennes de Défense encourent des risques à chaque
fois qu’ils atterrissent sur un aéroport international ».
Toutefois, Marcus n’est absolument pas préoccupé par le fait
qu’il est lui-même en train de vivre sur un territoire volé. La
moralité semble le dépasser. Il n’y a pas une seule référence à
l’éthique dans tout son article. Pour Marcus et autres
Israéliens de gauche, tout semble tourner autour des taux de
change. Tout est une question de transactions, plutôt qu’une
réflexion susceptible d’aboutir à une prise de conscience
éthique attendue depuis bien trop longtemps.
Marcus veut qu’Israël soit une Lumière
parmi les Nations. Il ne comprend pas que cela ne se produira
jamais. La fenêtre d’opportunité est en train de se refermer. La
révélation de la barbarie israélienne, ainsi que celle des
agissements inlassables de ses lobbyistes dans le monde entier
le prouvent à suffisance. Israël est non seulement une Nuit pour
les Nations. De fait, Israël est un cauchemar et un boulet
absolus tant pour l’humanité que pour l’humanisme.
[1] Hanukah, Paque, jour de l’indépendance d’Israël,
etc.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier