Site d'information sur la Palestine, le Moyen-Orient et l'Amérique latine

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  -  Traductions de M. Charbonnier  -  Dossier Hezbollah  -  Massacres à Gaza  -  Analyses


Palestine Think Tank

La haine a fait de lui un juif...
Une déconstruction de Nick Cohen

Gilad Atzmon


Nick Cohen

on PalestineThinkTank.com, 7 Mars 2009
http://palestinethinktank.com/2009/03/07/hatred-has-turned-him-into-a-jew-deconstructing-nick-cohen/

Dans un article publié dans The Jewish Chronicle, l’éditorialiste à The Observer Nick Cohen a avancé l’idée que ce serait la haine qui aurait « fait de lui un juif » [‘Hatred turned him into a Jew’]. Tout d’abord, cet aveu qui en disait fort long m’amusa. Cohen doit avoir, en effet, beaucoup de haine en lui : il fut un des très rares partisans de la guerre illégale contre l’Irak, dans les médias britanniques ; il croyait dur comme fer que le fait de libérer les Irakiens était la chose à faire. Incidemment, il détient aussi un incroyable record en matière de ragots islamophobes [Islamophobic]. Partant, j’ai eu, tout d’abord, tendance à interpréter cette déclaration faite par Cohen comme un aveu que c’était la haine envers autrui qu’il trouvait en lui-même qui avait fait de lui un juif.

Manifestement, j’avais tout faux. Cohen clarifiait immédiatement qu’en réalité, c’était la haine des autres, en particulier celle de la « gauche britannique », qui, d’après lui, « se compromet avec l’antisémitisme », qui l’avait fait se « sentir cachère ».

Comme nous l’avons déjà relevé à moult reprises, c’est toujours quelqu’un (ou quelque chose) d’autre qui transforme un « innocent », un « athée », un « cosmopolite », un « laïc », un « égalitariste » en « juif ». J’ai déjà entendu des juifs de gauche affirmer que c’est Hitler qui avait fait d’eux des juifs. Et voici qu’aujourd’hui (ta-da-ra-rîîî !) nous avons Nick Cohen, de The Observer, qui vient nous clamer que c’est, de fait, la « Gauche » qui le fait « se sentir cachère ». Si ce n’était à mourir de rire, ce serait très triste, et sans doute, même, tragique…

Une fois de plus, je me vois contraint à admettre que, plus je réfléchis à des questions concernant l’identité juive contemporaine, plus je me rends compte du fait que c’est, en réalité, les juifs soi-disant « éclairés », « émancipés », « assimilés » et « cosmopolites » qui nous permettent de réaliser une plongée authentique et hautement significative dans les problématiques du sionisme, de la politique israélienne génocidaire, du lobbying juif et du soutien juif institutionnel au crime [organisé] sioniste.

L’article de Cohen publié par The Jewish Chronicle est un véritable cas d’école de la sionisation de la juiverie mondiale et de la transition de l’identité juive vers une surenchère belliqueuse d’idéologies brutales, expansionnistes et criminelles.

Prenons donc les choses à la source : dans la bouche du cheval cachère…

« Je m’appelle Nick Cohen, et je pense que je suis en train de devenir juif », raconte Cohen à ses lecteurs juifs britanniques. « Bien que je m’appelle ‘Cohen’, je n’ai jamais été juif, jusqu’ici. Ce n’est pas simplement parce que je suis athée (mes amis juifs me disent qu’il est très difficile de trouver un juif de Londres cultivé qui ne le soit pas), mais bien parce que je n’ai aucun lien de quelque nature que ce soit avec la culture juive. »

Des années durant, j’ai suivi Cohen désamorçant sa judaïté, en permanence. Cette fois-ci, Cohen semble se rendre : il laisse aller, il se laisse devenir un juif. Pourtant, pour quelque raison, il insiste à désemmêler la notion de judéité, élaborant sur une perspective religieuse, comme si la judaïté avait un quelconque rapport avec le fait d’être pratiquant ? Cette tendance est tout-à-fait bizarre. Cohen est certainement suffisamment à l’aise sur cette question pour savoir qu’il n’est nul besoin d’être un juif pratiquant pour se considérer juif. Contrairement à l’Islam et au christianisme, la judaïté n’est absolument pas un système de croyance. Tandis que les musulmans croient en Allah et les chrétiens croient que Jésus est Dieu, le juif croit en à-peu-près tout ce que vous voudrez, sans jamais cesser un seul instant d’être juif. Un juif peut croire au marxisme, au bolchevisme, à l’holocauste, au sécularisme, à la démocratie, et même à Spider-Man. Par conséquent, ce qui fait d’un juif un juif, c’est la croyance en « le Juif », en la souffrance juive et en l’exclusivité juive.

Tout en s’adressant à un public strictement juif, Cohen a tendance à célébrer ses « circonstances juives exceptionnelles » en compagnie de ses lecteurs. « Le côté juif de ma famille, c’est mon père (ce qui n’aide guère, j’imagine) ». Une amie m’a fait observer, il y a quelque temps de cela, que ce n’est, en quelque sorte, qu’avec ses amis juifs qu’elle finit toujours par apprendre les origines de leurs Papa’le et de leurs Mama’le ; elle finit toujours par savoir comment les Grands-parents ont réussi à survivre à la Big War. Cohen, apparemment, ne fait pas exception. Dès lors que nous nous lançons dans une expédition à la recherche de l’identité de Cohen, nous commençons à en savoir long sur le contexte racial de son Papa’le et de sa Mama’le. Cohen est aussi un protagoniste enthousiaste du narratif historique de la victime cachère. « Mes arrière-grands-parents ont fui l’Empire tsariste à l’époque des pogroms ». Non seulement ils ont fui, mais encore ils sont devenus communistes. Un choix politique juif extrêmement répandu, au tournant du XXème siècle.

On pourrait se demander, à ce stade, qu’est-ce qui a bien pu amener Cohen, cet « athée laïc pro-guerre » à reconnaître qu’il est devenu un sujet « cachère » après de si nombreuses années de déni incessant ? « Mon seul intérêt pour les choses juives découle du fait que je suis un opposant de gauche à l’extrême droite et aux superstitions antisémites imbibées de sang qui ont transformé l’Europe en cimetière ».

Assurément, Cohen commence à livrer la marchandise. Voici que nous apprenons qu’à l’époque où Cohen était « de gauche », c’était, pour ainsi dire, parce que la gauche servait les intérêts tribaux des juifs en combattant « les superstitions antisémites de l’extrême droite ».

Mais ces jours semblent appartenir au passé, désormais. D’après Cohen, la Gauche est incapable de faire son boulot ; elle ne travaille plus pour les juifs. « Aujourd’hui, les anciennes certitudes ont disparu, parce qu’il y a deux mouvements d’extrême-droite : les partis néonazis auxquels la Gauche continue à s’opposer, et les fascistes cléricaux de l’Islam radical, que la gauche moderne secourt et courtise, d’une manière stupéfiante. »

Apparemment, toujours selon Cohen, les gens de gauche ont laissé tomber les juifs, pour soutenir les fascistes cléricaux de l’Islam radical. « Je ne vise pas seulement, ici, Ken Livingstone, George Galloway et leurs complices louches au sein de l’intelligentsia. La société libérale, au sens large de ce terme, est presque aussi complice. » A ce point de son explication, la liste des Judéophobes mise à jour régulièrement par Cohen s’allonge de seconde en seconde. Il s’agit en réalité non seulement des gens de gauche et des progressistes, mais, apparemment, du monde entier, qui tourne le dos aux juifs, les abandonnant face à leur sombre destinée. « Depuis les journalistes de la radio, en passant par la presse progressiste, le service public, la police métropolitaine, pour finir par la bande des évêques et des avocats, l’antisémitisme n’est désormais plus une déformation mentale inconcevable. »

L’approche cohénienne de la question est tout-à-fait éclairante. Pourtant, je me demande – si Cohen croit en ce qu’il avance, la chose la plus rationnelle et la plus raisonnable à faire consisterait à s’écarter en courant le plus loin possible du judaïsme, de la judaïté et des juifs. Mais, apparemment, Cohen fait exactement le contraire : il court tout droit dans la cage, il se rend en hâte au shtetl, comme s’il cherchait à se mettre à l’abri dans une synagogue. C’est là, véritablement, quelque chose de très très juif. Pourtant, c’est ce comportement même qui mérite un minimum d’attention intellectuelle, car c’est exactement ce pattern qui peut être considéré comme essentiel si l’on veut comprendre le collectivisme suicidaire juif que l’on détecte dans Israël et chez ses lobbies et ses agents supplétifs.

Notable est le fait qu’écrivant pour des juifs, Cohen s’autorise à utiliser les concepts et les expressions les plus racistes qui soient. « Aussi longtemps que les théories du complot des contre-Lumières émaneront d’idéologues à la peau foncée plutôt que claire, les hommes et les femmes dits progressistes ne protesteront pas. » L’on pourrait rappeler à l’éditorial de The Observer que les idéologies n’ont pas de « peau » et que les idéologues ne peuvent pas non plus choisir leur couleur de peau. Par conséquent, référer à des idéologues avec l’expression « peau foncée » outrepasse très largement le simple extrémisme. C’est du racisme à l’état pur. Et pourtant, Cohen va s’en tirer sans encombre, tout simplement du fait qu’il est « cachère », comme il l’a reconnu lui-même. Dans la Grande-Bretagne contemporaine, un député raciste d’extrême-droite hollandais est extradé au motif qu’il a réalisé un film, et néanmoins, un raciste peut être un éditorialiste en vue, pour rien moins que The Observer… C’est là sans doute quelque chose de bien ; c’est probablement le dernier reste du légendaire libéralisme britannique…  

Au Royaume-Uni, l’extrémisme et le racisme sont en passe de devenir un territoire exclusivement réservé aux juifs. Vous pourriez vous demander pourquoi nous arrêtons un député hollandais, alors même que nous laissons Melanie Philips et Nick Cohen étaler complaisamment leur pathologie sur du papier ? Une des réponses possibles, c’est que nous attendons, d’un chrétien batave, qu’il soit un humaniste, alors que ce à quoi nous nous attendons, concernant un propagandiste tribal racialement déterminé, c’est qu’il s’agisse d’un extrémiste raciste. Nous nous attendons à ce qu’ils défendent la guerre, nous nous attendons à ce qu’ils fassent référence à la peau et à la couleur des gens.

Parlant de lui-même, Cohen dit : « Mon expérience de l’antisémitisme de droite a modifié ma manière de penser, et elle a fait de moi, si vous voulez, quelqu’un de davantage juif ». Si un rabbin pourrait avoir une propension à profiter de cette révélation et à se précipiter chez Cohen, munis des instruments requis afin de modifier cachèrement l’extrémité de sa virilité, je dois admettre que je suis un peu perdu, là… A quoi, exactement, Cohen fait-il allusion quand il affirme être devenu « davantage juif » ? La judaïté serait-elle une question de degré, ou de quantité ? A ce que je sache, la judaïté, par opposition au judaïsme (religion) et aux juifs (les gens), est une question d’idéologie. En fait, personne ne peut être réellement plus juif que ne l’est Cohen. Il possède tous les ingrédients idéologiques élémentaires, il différencie la valeur des idées des gens en fonction de la couleur de leur peau. Il promeut la guerre en tant que solution valable aux problèmes internationaux. Certes, il n’est sans doute pas religieux, à ce stade de son article. Mais assurément, la plupart de ceux qui adhèrent à l’idéologie juive n’ont rien à voir avec le judaïsme, non plus.

Cohen est convaincu qu’il est en mesure d’embobiner certaines personnes au moyen d’une déclaration s’assimilant à un cliché de gauche ne mangeant pas de pain, contre les colonies israéliennes. « Bien que je veuille voir les colonies israéliennes en Cisjordanie démantelées jusqu’à la dernière, il était évident, à mes yeux, que dès lors que le Hamas tirait des centaines de roquettes contre le territoire israélien, il avait déclaré la guerre, et il devait en accepter toutes les conséquences. » Cohen ne se rend absolument pas compte du fait qu’après Gaza, nous ne faisons plus aucune différence entre la Cisjordanie et Tel-Aviv ! Israël, fondamentalement, n’est rien d’autre qu’un territoire occupé géant, qui s’est étendu sur la totalité de la Palestine historique. L’Etat réservé aux seuls juifs devra se barrer. Il n’a, tout simplement, aucun droit à exister. S’il eut jamais une quelconque justification, alors il l’a perdu, et cela fait belle lurette. Avec 94 % en faveur du massacre à Gaza, avec Cohen prônant la guerre contre l’Irak et justifiant le massacre des civils à Gaza, nous n’avons plus d’autre option qu’à nous attendre à un ressentiment croissant à l’encontre d’Israël, de l’Etat juif et des intérêts juifs, de manière générale.

De manière très intéressante, Cohen prépare d’ores et déjà ses lecteurs juifs au pogrom à venir, totalement inévitable. « Si une synagogue est attaquée », dixit Cohen, « je garantis qu’après quelques minutes, les ondes seront farcies de déclarations insinuantes insistant sur le fait que la « cause première » du crime aura été une colère rationnelle contre le comportement d’Israël ou de la diaspora juive. » Cohen a sans doute raison.

Sans justifier un quelconque acte violent, le raisonnement qui est à l’origine du ressentiment contre Israël et les juifs est parfaitement rationnel. De fait, Cohen est lui-même une « cause première » d’une telle haine. Cohen, qui a soutenu la guerre illégale en Irak, une guerre qui a entraîné la mort d’un million trois-cents-mille civils innocents et des millions de réfugiés, aurait dû protester depuis longtemps, disant : « J’ai eu tort ; j’ai été un imbécile ; je regrette tout ça, aujourd’hui ! ». Mais ça, Cohen ne l’a évidemment pas fait. Non, en lieu et place, il est retourné en courant dans son Ghetto et il s’y adonne à la forme d’idéologie tribale juive la plus radicale qui soit. En sa faveur, il faut dire qu’au moins, notre homme est sincère et authentique. Tony Blair et George Bush n’ont pas à leur disposition de communauté qui les embrasserait aussi chaleureusement. Mis à part, bien sûr, l’Etat juif *.

Cohen conclut son article de la Jewish Chronicle en affirmant son mantra hostile judéo-centrique : « Je pense que je peux voir d’autres que moi en train d’être poussés à prendre le même chemin que moi, et de trouver que leur opinion du judaïsme et d’Israël s’adoucit, tandis qu’ils réalisent que l’antisémitisme contribue à formater les idéologies fascisantes du XXIème siècle, exactement de la même manière dont elles avaient abouti au nazisme, au XXème. »

Dans sa conclusion, consacrée au soi-disant laïc athée et égalitaire qui aurait fait retour vers le judaïsme, il n’est même plus question d’être un juif ethnique, il ne s’agit plus d’être un juif culturel, il ne s’agit même pas d’être un juif laïc tribal. Non, ce dont il est désormais question, c’est uniquement du « judaïsme ». Cohen attend des gens, à autour, qu’ils trouvent quelle est leur « opinion à l’égard du judaïsme ». Apparemment, Cohen, qui commence son exploration de la Jewish Chronicle en s’en prenant à l’identité, la termine en prêchant la religion. On assiste, là, à un saut substantiel, aurais-je tendance à dire. L’éditorialiste de l’Observer qui affirmait être un laïc athée, finit par assumer le rôle d’un rabbin messianique radical reconnaissant l’existence d’un lien homogène entre les juifs, le judaïsme et Israël.

Ce genre de déclaration est, de fait, symptomatique du sionisme le plus extrémiste, au sein de l’école messianique de l’extrême-droite. Pas étonnant que Cohen écrive pour la Jewish Chronicle ! L’on serait pourtant fondé à se demander comment il se fait qu’un clerc fondamentaliste tellement judéo-centrique puisse conserver la possibilité de rédiger un édito régulier dans The Observer. Il s’agit sans doute, là encore, de cette liberté d’expression britannique, qui est réservée, apparemment, aux juifs imbus d’eux-mêmes, et à eux seuls.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

[La Fondation Dan David, sise à Tel-Aviv, vient d’allouer un million de dollars à Blair, pour son « leadership sur la scène mondiale ». De fait, rares sont les leaders mondiaux à avoir été aussi acharnés à massacrer un tel nombre de civils innocents au nom de la démocratie. Et puis les dirigeants à avoir accepté de mobiliser leurs armées pour faire les guerres d’Israël à sa place ne courent pas les rues, eux non plus…]



Source et traduction : Marcel Charbonnier


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient, de l'Amérique latine et de la Corse.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux