Opinion
Un sondage révèle
que la plupart des Juifs israéliens
soutiennent le régime d'apartheid en
Israël
Gideon Levy
Une
manifestante de droite arborant un
panneau sur lequel on peut lire :
« La terre d’Israël au peuple d’Israël »
lors d’une manifestation de protestation
en 2009. Photo : Emil Salman / Jini
Mardi 23 octobre
2012
La majorité de la population juive en
Israël soutient
l’établissement d’un régime d’apartheid
en Israël au cas où
l’État annexerait officiellement la
Cisjordanie.
Une majorité est explicitement favorable
aussi à la discrimination envers les
citoyens arabes de l’État, révèle un
sondage.
Le sondage, effectué par Dialog
la veille de Rosh Hashanah (1), dénonce
les points de vue anti-arabes et
ultranationalistes adoptés par une
majorité des Juifs israéliens.
Le sondage a été commandé par le
Fonds Yisraela Goldblum du
Nouveau Fonds pour Israël
et il s’appuie sur un
échantillonnage de 503 personnes
interviewées.
Les questions ont été rédigées par un
groupe d’activistes pour la paix et les
droits civiques issus des milieux
universitaires. Dialog
est dirigé par Camil Fuchs,
professeur à l’Université de
Tel-Aviv.
La majorité du public juif interrogé,
soit 59 pour 100, désire que les
Juifs aient priorité sur les
Arabes dans l’accès aux
emplois au sein des ministères
gouvernementaux. Près de la moitié des
Juifs, 49 pour 100,
désirent que l’État traite mieux les
citoyens juifs que les citoyens arabes ;
42 pour 100 ne veulent pas vivre dans un
immeuble également habité par des
Arabes et 42 pour 100
ne veulent pas que leurs enfants soient
dans la même classe que des enfants
arabes.
Un tiers du public juif veut qu’une loi
interdise aux Arabes israéliens
de voter pour la Knesset
et une large majorité de 69
pour 100 refuse qu’on accorde le droit
de vote à 2,5 millions de
Palestiniens si Israël
devait annexer la Cisjordanie.
Une très large majorité de 74 pour 100
est favorable à des routes séparées pour
les Israéliens et les
Palestiniens en
Cisjordanie. Un quart – 24 pour
100 – croit que les routes séparées
constituent « une situation saine
» et 50 pour 100 estime qu’elles
constituent « une nécessité ».
Près de la moitié – 47 pour 100 – désire
qu’une partie de la population arabe
soit transférée à l’Autorité
palestinienne et 36 pour 100
est favorable au transfert de certaines
villes arabes d’Israël
à l’AP, en échange du
maintien de certaines colonies
installées en Cisjordanie.
Bien que les territoires n’aient pas été
annexés, la majeure partie du public
juif (58 pour 100) croit déjà qu’Israël
pratique l’apartheid à l’égard
des Arabes. 31 pour 100
seulement pense qu’un tel système n’est
pas une force ici. Plus d’un tiers (38
pour 100) du public juif désire qu’Israël
annexe les territoires dans
lesquelles des colonies sont implantées,
alors que 48 % y est opposé.
Le sondage établit la distinction entre
les diverses communautés au sein de la
société israélienne – les laïcs, les
pratiquants, les religieux, les
ultra-orthodoxes et les anciens
immigrants soviétiques. Les
ultra-orthodoxes, au contraire de ceux
qui se disent pratiquants ou religieux,
défendent les positions les plus
extrémistes contre les Palestiniens. Une
écrasante majorité (83 pour 100) des
haredim sont partisans des routes
séparées et 71 pour 100 sont favorables
au transfert.
Les ultra-orthodoxes constituent
également le groupe le plus hostile aux
Arabes – 70 pour 100 d’entre
eux sont partisans de l’interdiction
légale du vote pour les Arabes
israéliens, 82 pour 100 sont
favorables à un traitement préférentiel
des Juifs de la part de
l’État et 95 pour 100 sont pour la
discrimination à l’égard des
Arabes dans l’admission aux
emplois.
Le groupe qui se range dans la catégorie
des religieux est le second le plus
hostile aux Arabes. Les
nouveaux immigrés de l’ancienne
Union soviétique sont plus
proches, dans leurs points de vue sur
les Palestiniens, des
Israéliens laïques et
sont beaucoup moins radicaux que les
groupe des religieux et celui des
haredim. Toutefois, le nombre de
personnes de la communauté russe à avoir
répondu « je ne sais pas » est
plus élevé que dans tout autre groupe.
Les Russes enregistrent
le taux le plus élevé de satisfaction à
propos de la vie en Israël
(77 pour 100) et les Israéliens
laïques le taux le moins élevé
(63 pour 100 seulement). En moyenne, 69
pour 100 des Israéliens
sont satisfaits de la vie en
Israël.
Il s’avère que les Israéliens
laïques sont les moins racistes
– 68 pour 100 ne verraient pas
d’objection à avoir des voisins arabes
dans leur immeuble à appartements, 73
pour 100 ne seraient pas dérangés par la
présence d’étudiants ou d’écoliers
arabes dans la classe de leurs enfants
et 50 pour 100 croient qu’on ne devrait
pas discriminer les Arabes
sur le plan de l’accès à
l’emploi.
Le sondage indique qu’entre un tiers et
une moitié des Israéliens juifs
veulent vivre dans un État pratiquant
une discrimination ouverte, officielle
contre ses citoyens arabes. Une majorité
plus large encore veut vivre dans un
États d’apartheid si Israël
annexe les territoires.
Les gens qui ont fait le sondage disent
que le terme « apartheid »
n’était peut-être pas suffisamment clair
pour certaines personnes interviewées.
Cependant, celles-ci n’ont guère fait
d’objection quand on leur a décrit
Israël, aujourd’hui déjà, comme
un État d’« apartheid », sans
l’annexion des territoires. Seulement 31
pour 100 ont émis cette objection et ont
dit qu’« il n’y a pas d’apartheid du
tout ».
Par contre, 39 pour 100 croient que
l’apartheid est « pratiqué dans quelques
domaines » ; 19 pour 100 estiment qu’il
l’est « dans de nombreux domaines
» et 11 pour 100 ne savent pas.
Les « Russes
», comme le sondage les appelle, sont
ceux qui s’opposent le plus à ce qu’on
classifie leur nouveau pays comme un
État d’apartheid. Un tiers d’entre eux –
35 pour 100 – croient qu’Israël ne
pratique absolument pas d’apartheid,
comparés aux 28 pour 100 des groupes
laïque et ultra-orthodoxe, aux 27 pour
100 des religieux et aux 30 pour 100 des
Juifs pratiquants qui partagent ce point
de vue. En tout, 58 pour 100 de
personnes de tous les groupes croient
qu’Israël pratique l’apartheid «
dans quelques domaines » ou «
dans de nombreux domaines », alors
que 11 pour 100 ne savent pas.
Finalement, on a demandé aux personnes
interrogées si « une célèbre femme
de lettres américaine qui boycotte
Israël, prétendant que
ce dernier pratique l’apartheid »,
devait être boycottée ou invitée en
Israël. Environ la
moitié (48 pour 100) des personnes ont
dit qu’elle devrait être invitée en
Israël, 28 pour 100 n’ont pas
suggéré de réponse et 15 pour 100 ont
appelé à la boycotter.
Article publié sur
Haaretz le 23 octobre 2012.
Traduction pour la Plateforme
Charleroi-Palestine : JM Flémal.
(1) fête juive célébrant la
nouvelle année civile du calendrier
hébreux
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