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Ha'aretz
La
paix est en fête
Gideon Lévy
"La
paix est en fête : Israël compte annoncer le gel de la
construction dans les colonies, pour compenser son refus de
discuter des questions centrales. Les Palestiniens ne se tiennent
plus d’émotion devant tant de gestes dont Israël les inonde,
d’abord une libération de prisonniers et maintenant la
suspension de la construction..." (NdT).
Haaretz, 18 novembre 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/925162.html
Version
anglaise : What do you mean when you say 'no'?
www.haaretz.com/hasen/spages/925054.html
Démonstration des véritables
intentions
La paix est en fête :
Israël compte annoncer le gel de la construction dans les
colonies, pour compenser son refus de discuter des questions
centrales. Les Palestiniens ne se tiennent plus d’émotion
devant tant de gestes dont Israël les inonde, d’abord une libération
de prisonniers et maintenant la suspension de la construction, et
le Premier Ministre a déjà rencontré les dirigeants des colons
pour leur faire part de sa décision. Tout en s’échangeant des
clins d’œil roublards, ils ont dit que cela avait été
« une rencontre difficile », comme toujours. Cela ne
fait aucun doute : Israël veut la paix. Seulement, on oublie
un tout petit détail, marginal : Israël a signé une série
d’engagements à geler les colonies, engagements que jamais, au
grand jamais, il n’a songé à remplir. Sur 40 années
d’occupation, la construction n’a été gelée que durant
trois ans, en dépit de tous les accords et de tous les
engagements à le faire. Il n’y a aucune raison de croire qu’Israël
en agira autrement cette fois.
De toutes les
exactions d’Israël dans les Territoires occupés, la brutalité,
les destructions, le blocus, l’affamement, le black-out, les
checkpoints et les arrestations en masse, rien d’autre que les
colonies ne rend si bien témoignage des intentions véritables.
Chaque maison qui est bâtie dans les Territoires, chaque poteau
électrique, chaque route vaut mille témoins : Israël ne
veut pas la paix, Israël veut l’occupation. Celui qui projette
la paix et un Etat palestinien, ne construit pas même un balcon
dans les Territoires.
Depuis Oslo
jusqu’à la Feuille de Route en passant par Camp David, Israël
n’a pas gelé l’entreprise la plus criminelle de son histoire.
Rafraîchissons-nous la mémoire par ce bref rappel : au
paragraphe 7 de l’accord d’Oslo, nous nous sommes engagés à
ce que « aucune des parties ne prendra de mesures unilatérales
modifiant la situation sur le terrain, avant l’achèvement des négociations
sur un statut définitif ». Au cours de la décennie qui a
suivi, le nombre des colons a doublé. Les héroïques efforts de
paix d’Ehoud Barak lorsqu’il était Premier Ministre ?
Pendant l’année et demie de son gouvernement, Israël a
entrepris la construction de 6.045 unités de logement dans les
Territoires. Et à quoi Israël s’est-il engagé deux ans plus
tard, dans la Feuille de Route ? – « Le gouvernement
d’Israël gèlera toute activité de colonisation, conformément
au rapport Mitchell, y compris la croissance naturelle des
colonies ». Et que s’est-il passé sur le terrain ?
Des accusations à l’encontre des Palestiniens qui ne mettent
pas en application les accords, et une mer de nouveaux colons.
Pareil en 2005, autre grande « année de paix » :
celle du désengagement. Et qu’a fait Israël dans son arrière-cour ?
Encore 12.000 nouveaux colons.
Cette entreprise,
dont l’objectif est d’anéantir tout espoir de paix, est aussi
une entreprise criminelle : selon les chiffres de la Paix
Maintenant, basés sur des données de l’Administration civile
que celle-ci a tenté de cacher des années durant, environ 40%
des colonies sont bâties sur la propriété privée de
Palestiniens dont la terre, qui est généralement leur seul bien,
a été volée au grand jour par l’Etat occupant. Cela s’est
passé des années après que la Cour suprême ait décrété, en
1979, qu’il était interdit de construire sur des terres
palestiniennes privées.
Nous sommes
maintenant à la veille d’un nouvel événement de paix. Nous ne
sommes pas encore partis pour Annapolis mais au cours de l’année
écoulée, 3.525 nouvelles unités d’habitation ont encore été
construites, sous un gouvernement qui parle de fin de
l’occupation et de deux Etats. Les grandes discussions se
retrouvent vidées de tout contenu face à ces chiffres : la
construction tourne à plein régime dans 88 colonies. Allez voir
dans les Territoires. Lorsque la société de construction
Heftsiba a fait faillite, nous avons tout à coup découvert les
images de centaines de nouveaux colons, nous démontrant encore
les proportions de cette entreprise « gelée ».
Les montagnes de
prétextes – les « blocs de colonies » et la
« croissance naturelle », « en dehors de la clôture »
et « à l’intérieur de la clôture » – ne peuvent
recouvrir la vérité nue : cette entreprise ne s’est pas
arrêtée un instant ; elle ne s’arrêtera pas maintenant.
Le quart de million de colons sont complices mais la vraie
culpabilité est ailleurs : elle est du côté de tous les
gouvernements d’Israël, exception faite du second gouvernement
d’Yitzhak Rabin. Maintenant, lorsqu’Ehoud Olmert dit non, à
quoi songe-t-il ? « Non veut-il vraiment dire non ?
Peut-être signifie-t-il seulement peut-être mais pas
maintenant ? », comme dit la chanson. Au vu de l’expérience
du passé, l’amère vérité est que le non d’Olmert, comme
celui de ses prédécesseurs, a plus valeur d’invitation qu’un
oui.
(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)
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