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Ha'aretz
De
bonnes nouvelles en provenance de Gaza
Gideon Lévy
« Les
Palestiniens n’ont jamais eu cet air-là », ont dit les
soldats, surpris, à « Haaretz ».
(G. L.)
Le sionisme nous a forgé un
"nouveau Juif". Voilà une poignée de ces présumés
"nouveaux Juifs" (des réservistes revenant de Gaza) qui
viennent de faire la découverte du "nouveau
Palestinien". Affaire d'élastiques au bas du pantalon,
apparemment. (NdT).
Haaretz, 11 novembre 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/922495.html
Version
anglaise : Good news from Gaza
www.haaretz.com/hasen/spages/922571.html
Un
groupe de paras de réserve [de
l’armée israélienne - ndt] est revenu tout agité :
le Hamas se bat comme une armée. Les camarades du sergent-major
Ehoud Efrati, tombé au combat à Gaza il y a une quinzaine de
jours, ont raconté à Amos Harel que « selon tous les paramètres,
c’était une armée qui était en face de nous et pas des gangs ».
Ils avaient été impressionnés par les équipements de vision
nocturne de leurs ennemis, par l’espace tactique qu’ils
maintenaient entre eux et même par les bandes élastiques
resserrant le bas du pantalon sur leurs chaussures. Voilà de
bonnes nouvelles en provenance de Gaza.
Avant
tout, il est bon que ce soient des réservistes qui soient partis
en mission, parce que « si ces missions étaient réservées
aux soldats réguliers », ont-ils dit, « personne à
l’arrière ne comprendrait ce qui se passe à Gaza ».
Effectivement, il est temps que les soldats se mettent à parler.
Mais les nouvelles qu’ils ont rapportées sont encourageantes également
à d’autres niveaux. D’après leurs descriptions, il y aurait
à Gaza une armée de défense de la Palestine. A la place d’une
multitude de gangs armés, se constitue là-bas une armée organisée,
prête à défendre sa terre. Si elle se contente d’un déploiement
défensif face aux incursions israéliennes, nous ne pourrons, une
fois de plus, pas venir avec un quelconque argument moral :
il est permis au Hamas de défendre Gaza, exactement comme il est
permis à l’armée israélienne de défendre Israël.
La
constitution d’une armée garantira aussi que si Israël tentait
de parvenir à un accord avec le gouvernement Hamas – seule et
unique voie permettant de mettre fin aux tirs de roquettes Qassam
– il y aurait quelqu'un à Gaza pour empêcher ces tirs. Une
adresse armée et organisée dans le chaos de Gaza est une bonne
nouvelle pour Israël aussi. Mais le respect éprouvé par les
soldats de réserve pour la manière de se battre du Hamas
pourrait s’infiltrer plus profondément. « Les
Palestiniens n’ont jamais eu cet air-là », ont dit les
soldats, surpris, à « Haaretz ». Peut-être
cesserons-nous, enfin, de les appeler « terroristes »
pour les appeler combattants ? Un peu de respect pour les
Palestiniens et, surtout, l’arrêt du processus de déshumanisation
que nous leur appliquons pourraient marquer le début d’un
nouveau chapitre.
En
outre, le fait qu’à Gaza une armée ait été créée – si
cette évaluation est fondée – pourrait empêcher une nouvelle
opération militaire terrestre de grande envergure, à la fois
inutile et ne pouvant qu’entraîner des pertes. Peut-être
est-ce cette nouvelle rapportée par les réservistes qui
dissuadera le Ministre de la Défense d’exécuter ses menaces
d’envahir Gaza et qui incitera Israël à essayer pour la première
fois une autre approche avec le Hamas : celle de la négociation.
Seule une reconnaissance de la force du Hamas est susceptible de
convaincre Israël de se montrer prudent quant à une nouvelle opération
et seul son renforcement militaire nous amènera à mesurer la
stupidité de la politique de boycott qui était destinée à
l’affaiblir.
Cela
a toujours été notre manière de faire. Sans résistance
palestinienne violente, la vie chez l’occupant, en Israël, est
formidable et personne ne prête attention au fait qu’il faut
mettre un terme à l’occupation. Pas de résistance, pas de
Palestiniens ; pas de terrorisme, pas d’avancée. N’étaient
les roquettes Qassam, personne ne se souviendrait de l’existence
de Gaza après le désengagement. Cet Etat qui n’a jamais été
disposé à faire des concessions politiques qu’après que le
sang ait été versé – depuis les accords provisoires après la
guerre de Kippour jusqu’au retrait du Liban et le désengagement
[de Gaza] – doit de
nouveau voir un ennemi relativement puissant face à lui pour
recouvrer ses esprits. Sans le Hezbollah, nous serions toujours au
Liban ; sans le Hamas, nous serions encore à Gaza.
Le
temps d’un nouveau chapitre est venu : nous pensions
qu’il nous suffirait de sortir de Gaza et de l’emprisonner
pour que la vie en Israël continue d’être super ? Le
Hamas vient nous rappeler que cela ne suffit pas. La Cisjordanie
est calme pour le moment ? Tant que ne se renouvelle pas, là
aussi, un mouvement de résistance organisé et fort, l’idée ne
nous viendra pas d’évacuer ne fût-ce qu’un petit
avant-poste. Nous discuterons une fois tous les quinze jours avec
Mahmoud Abbas, nous irons à Annapolis, mais – le ciel nous préserve
– nous n’y aborderons pas le « cœur » des problèmes
et notre vie tellement formidable se poursuivra, pendant qu’en
Cisjordanie, les gens, en foules, continueront de s’entasser
durant des heures aux checkpoints, à encaisser les humiliations
et à mettre leur vie en danger chaque fois qu’ils mettent le
pied hors de chez eux.
Ces
propos ne visaient pas à encourager une nouvelle vague de
terrorisme palestinien. Ils visaient à essayer de nous encourager
à nous écarter pour la première fois de notre habitude et à en
venir à la conclusion – et cette fois, sans effusion de sang
– que l’occupation ne peut pas se poursuivre éternellement.
Peut-être cette nouvelle sur les bandes élastiques resserrant le
bas du pantalon sur les chaussures du Hamas fera-t-elle cela pour
nous et le prochain cycle de violence sera-t-il évité ?
(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)
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