[Les chances de voir se conclure un accord de
paix semblent s’éloigner, et la nouvelle loi votée par la
Knesseth paraît à certains un obstacle de plus à sa
concrétisation quand bien même il serait enfin signé.
Le débat, cependant, est
ouvert en Israël : Common Grounds News
[1], par exemple, publiait hier un article du psychologue et
militant de la paix Alex Stein : “Referendum :
no reason to despair”. Cette loi a
selon lui un effet positif, “ elle met en lumière l’importance
de générer un soutien de l’opinion à la paix, plutôt que
d’imposer un accord à l’encontre de la volonté publique”.
Les arguments ici
développés par Gideon Lévy, chroniqueur au quotidien
Ha’aretz et membre
de son comité de rédaction, concernent quant à eux la légitimité
de ce référendum dans la forme adoptée par la Knesseth : “Si
référendum il y a, il devrait porter sur l’unique question
pertinente : un État, ou deux ? Telles sont les deux seules
éventualités légitimes susceptibles d’être soumises à
référendum : accorder la plénitude des droits de citoyens aux
populations occupées, ou bien mettre fin à l’occupation.” T.A.]
La démocratie israélienne va pour le mieux :
le peuple tout entier sera appelé à se prononcer sur l’accord à
venir - et ainsi sur son devenir - mais il n’en sera rien
s’agissant de l’annexion ou de la guerre. La rouerie israélienne
se porte bien, elle aussi : on adopte des lois qui prendront
effet au jour de l’accord afin de mieux en éloigner la venue.
La morale israélienne
n’est pas en reste ; la question posée lors de ce référendum
sera immorale par excellence ; et à l’erreur s’ajoute la faute
puisque nous seuls, Israéliens, fils du peuple élu, déciderons
du destin d’un autre peuple qui, depuis deux générations, vit
sous occupation. Et c’est cela que nous osons nommer
démocratie ! En fait, c’est la ’houtzpah
[2] israélienne qui va pour le pire.
La question qui sera posée au peuple n’est
pas morale. Elle revient à se prononcer sur la poursuite de
l’occupation - qui est pour / qui est contre - comme s’il était
légitime de poser une telle question. De même qu’un accord entre
bandes sur la répartition d’un butin ne saurait être entériné
par un tribunal, toute question portant sur la poursuite de
l’occupation est parfaitement illégitime.
Penser qu’il puisse nous appartenir à nous,
Israéliens, de décider si les habitants syriens du Golan, et les
Palestiniens de Cisjordanie comme ceux de la Bande de Gaza,
jouiront du droit à l’autodétermination et des libertés
fondamentales est grotesque. Cela montre à quel point les
valeurs morales et le sens de la justice se sont chez nous
pervertis et dégradés. Le fait fondamental a été oublié depuis
si longtemps qu’il paraît n’avoir jamais existé : l’enjeu est
ici une conquête illégitime, qu’aucun pays au monde n’a
reconnue.
Dans ces conditions, les Israéliens ne sont
pas fondés à débattre du devenir de l’occupation. Mais une telle
approche sera ici perçue comme fallacieuse, car tout ce qui
concerne la loi internationale relève selon nous de
l’aveuglement, de la trahison ou de l’antisémitisme.
Si référendum il y a, cependant, il devrait
porter sur l’unique question pertinente : un État, ou deux ?
Telles sont les deux seules éventualités légitimes susceptibles
d’être soumises à référendum : accorder la plénitude des droits
de citoyens aux populations occupées, ou bien mettre fin à
l’occupation. Vous réclamez un référendum ? Dans ce cas, il ne
peut porter que sur ce sujet. Vous invoquez la démocratie ?
Alors, que tous soient consultés, Palestiniens compris !
Mais ces idées sont à des années lumière de
notre pensée politique ; elles passent les bornes,
estimons-nous, nous qui nous sommes construits un monde
imaginaire dont nous sommes les seuls acteurs. Le référendum de
Netanyahu et de son gouvernement n’a d’autre objet que de rendre
plus difficile encore tout accord et de libérer de leurs
responsabilités des dirigeants dénués de courage.
Ce gouvernement, comme ces prédecesseurs, n’a
jamais soumis à référendum la question des constructions de
colonies, acte non moins important que celui de leur
évacuation ; ni celle de l’annexion du Golan ou de
Jérusalem-Est ; et encore moins celle de faire la guerre ou d’y
mettre fin. Pour tout cela, nul besoin de l’avis de peuple. Mais
pour les décisions actuellement en débat, l’assentiment du
peuple est tout à coup nécessaire... dans le secret espoir,
apparemment, qu’il les fasse échouer.
Il n’y a encore ni accord ni référendum que
déjà les dégâts vont croissant. Le monde voit clairement
qu’Israël suscite à chaque fois de nouvelles difficultés afin de
prévenir tout accord. Pourquoi, par exemple, ne pas organiser un
référendum dans tous les cas de figure, même dans le scenario
d’un refus par la Knesseth d’entériner un accord ? Est-ce parce
que cela risquerait de faire progresser cet accord et de le
promouvoir ?
Là est la vraie question ;
que diable voulez-vous tous et à quoi cela mène-t-il ? Les
colonies seront de plus en plus nombreuses, l’occupation se
renforcera... et alors ? Combien d’Israéliens sont-ils tout
simplement capables de répondre à la question suivante : que
veulent-ils voir dans ce pays d’ici une décennie ? D’ici deux
décennies ? Qu’est-ce qui tiendra encore debout, à leur avis ?
Est-ce que le statu quo
va durer ? Le Premier ministre a-t-il une réponse à ces
interrogations ? Sahib Erekat, négociateur palestinien
chevronné, a récemment décrit la situation en ces termes :
« J’ai déjà rencontré des chefs de gouvernement qui
s’inquiétaient de la sécurité d’Israël dans trois siècles. Je
l’ai plus ou moins compris. Mais un Premier ministre dont la
seule préoccupation est ce qui sera repris lors du prochain
journal télévisé, cela dépasse mon entendement .... »
Avant même la diffusion du prochain journal
télévisé, le temps des questions et référendums devrait être
venu. Cela fait longtemps, à vrai dire, qu’il est venu. Ayons
enfin le courage de nous poser sérieusement les véritables
questions.
Notes
[1] Vous pouvez accéder à
cet article en version originale sur le site de
Common Grounds :
http://www.commongroundnews.org/art... Sa traduction sera
disponible sous peu sur notre site :
http://www.lapaixmaintenant.org
[2] Culot, outrecuidance.
Traduction Ilan Rozenkier pour La Paix
Maintenant