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Ha'aretz

Assez de confusion !
Gideon Lévy

Haaretz, 6 mai 2007

www.haaretz.co.il/hasite/spages/856045.html
Version anglaise : Enough confusion
www.haaretz.com/hasen/spages/855913.html

Le marchand de baigele en proposait trois pour 10 shekels. Sur son cageot était collé : « Des élections maintenant », peut-être pour aider à la vente. Sa protestation ne différait pas de celle des dizaines de milliers de personnes à être enfin sorties de chez elles et de leur apathie pour se rendre sur la place publique. Sous le plus petit dénominateur en cours aujourd’hui – « Olmert, rentre chez toi » – elle exprimait la confusion et l’égarement. Ce réveil tardif est certes louable mais son contenu est condamnable.

Les manifestants en ont donné cent mille fois le témoignage : la société israélienne continue de chercher la pièce de monnaie perdue, sous le lampadaire et pas là où elle se trouve. « Nous sommes menu bétail à la recherche d’un berger », a dit Osnat Vishinsky, la modératrice de l’événement, qui a perdu son fils à Gaza, définissant parfaitement le troupeau de manifestants-sans-berger qui jusque là se blottissait dans un silence de moutons ou bien acclamait la guerre, et qui maintenant applaudissait avec enthousiasme à ses paroles.

Que voulait la foule ? « Olmert, rentre chez toi ». Est-ce là un but ou seulement un moyen ? Et quand Olmert sera rentré chez lui, que se passera-t-il au juste ? Pas un mot là-dessus. Il faut maintenir les rangs. Pareil pour le second slogan unificateur : « Des élections maintenant ». Que se passera-t-il ensuite ? Benjamin Netanyahou. Ehoud Olmert remplacé par semblable à lui. Quand les haut-parleurs ont joué « Les enfants de l’hiver 73 », on ne pouvait pas ne pas se rappeler la manifestation précédente : la « jeunesse aux bougies » sur la place publique, pleurant et chantant, mais ne disant rien. « Une génération entière veut la paix », et qu’a fait la génération ? Elle a allumé des bougies. Et on peut se rappeler aussi la place déserte pendant les 33 jours de la guerre, alors qu’il était possible et qu’il aurait fallu manifester et sauver encore quelque chose – mais il ne venait qu’une poignée vaillante de la gauche radicale.

Cette protestation n’est pas moins vide que le leadership qu’elle vise. Des parents endeuillés sont montés sur la scène pour pleurer leurs enfants, mais aucun n’a fait de proposition pour empêcher la prochaine guerre. Une manifestation de masse d’où jaillirait un appel à entamer des discussions de paix avec la Syrie, à mettre fin à l’occupation ou à répondre à l’initiative saoudienne, voilà ce qui pourrait vraiment empêcher une tuerie, mais ce n’est pas inscrit à l’agenda de cette protestation vide. Pour cela, il faut du courage et il n’y aurait pas foule. « Du steak pour la force aérienne, mais ni eau, ni armes, ni munitions pour l’infanterie », lisait-on sur un autre calicot exprimant le sentiment qui dominait tout le reste : la dernière guerre n’a pas été conduite comme il aurait fallu. Si simplement elle avait été menée comme il faut, si seulement nous avions tué sans être tués, il n’y aurait pas eu de manifestation.

Pourquoi n’y a-t-il pas par exemple de protestation contre l’armée israélienne ? Le rapport Winograd, qui a eu droit ici à des acclamations, n’a-t-il pas établi que le chef d’état-major et l’armée avaient mené le gouvernement à la guerre par de fausses promesses ? Mais l’armée israélienne est au-delà de toute protestation. Pourquoi ? Et pourquoi n’y a-t-il pas protestation contre le recours à la guerre comme le premier moyen dans l’arsenal des réponses israéliennes ? Pourquoi n’y a-t-il pas protestation contre les destructions et la mort que nous avons semées pour rien au Liban ? Ou contre l’image d’Israël comme Etat qui fomente la guerre, vit par le glaive ?

Aucune véritable démonstration de colère dans cette manifestation, et même l’unité affichée était purement plaquée. Yossi Beilin et Effi Eitam unis dans l’appel à venir sur la place publique, autre feinte injonction à la réconciliation, car rien ne peut unir les deux hommes, pas même l’appel « Olmert, rentre chez toi » mille fois crié. Les organisateurs voulaient une manifestation « sans politiciens ». Qui nous restera-t-il ? Uzi Dayan – lui-même un politicien qui a simplement échoué aux élections ? Et peut-être Arkadi Gaydamek, lui aussi un « opposant aux politiciens » ? Qu’il est facile, mais combien dangereux, d’être contre les politiciens et pour le peuple.

Sur la place de la ville, peut-être avons-nous assisté aux prémices d’une mobilisation du public, après de longues et maudites années de coma. Cela mérite d’être loué. Le problème c’est qu’avec une protestation aussi molle et confuse, Olmert peut continuer à piquer tranquillement un somme dans son fauteuil. Et puis quoi, même s’il ne continue pas ?

 

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)



Source : Michel Ghys


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