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Ha'aretz
Tous
coupables
Gideon
Lévy
Haaretz, 1er
mai 2007
www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=854394
Traduction
anglaise : Everyone is guilty
www.kibush.co.il/show_file.asp?num=19752
Pourquoi
s’attache-t-on seulement à Ehoud Olmert ? Pourquoi ne s’en
prendre qu’à Amir Peretz et Dan Haloutz ? Il est vrai que
cette trinité pas sainte porte l’essentiel du poids de la
responsabilité [dans la
deuxième guerre du Liban - NdT], en vertu de leur position,
mais à cette heure où les voilà – à raison – politiquement
exsangues, on ne peut pas ne pas rappeler tous les autres. Le sang
de cette guerre malfaisante retombe sur la toute grande majorité
d’entre nous. Il est temps de faire rendre des comptes aussi à
cette majorité, elle qui a prêté son appui enthousiaste et a été
frappée de cécité dès le premier jour de la guerre. « Olmert,
retourne chez toi » ? Mais que dire de la bande
hurleuse qui l’accompagnait et l’encourageait ? Généraux
et commentateurs, chefs de l’opposition et journalistes, qui, à
chaque jour de cette guerre, appelaient à frapper et frapper
encore, à s’enfoncer aussi profondément que possible dans le
bourbier sanglant. Ceux qui prenaient parti en faveur d’une opération
terrestre ou ceux qui soutenaient l’idée de raser les villages,
il n’est pas possible qu’ils soient disculpés, absous,
blanchis. Tout examen de conscience qui n’inclura pas cet état
d’esprit qui a soutenu et poussé à cette guerre ne sera pas un
véritable examen de conscience. Sans cela, aucune leçon
substantielle ne sera tirée.
Israël
s’est lancé dans une guerre dont les résultats étaient connus
d’avance, courus d’avance. Avec ou sans opération terrestre,
avec ou sans système de décision fonctionnel, avec ou sans
mobilisation de réservistes, les objectifs de la guerre étaient
irréalistes et son prétexte parfaitement immoral. Que se
serait-il passé au juste si tout avait été parfait ? Si le
dispositif de prise de décision avait été adapté et efficace,
si les forces avaient été correctement préparées et si même
les rations de guerre avaient été suffisantes ?
Aurions-nous libéré les soldats enlevés ? Aurions-nous
effacé le Hezbollah ? Chimères et balivernes ! Un Etat
ne part pas en guerre pour deux soldats enlevés. Une armée ne sème
pas la mort et la destruction dans des proportions pareilles sans
véritable casus belli.
Une
guerre injustifiable et qui n’avait aucune chance de succès a
immédiatement eu droit ici à un soutien automatique, aveugle,
quasiment partout, d’un bout à l’autre de la société. Tous
les commentateurs qui s’abreuvent aujourd’hui sans honte du
sang du Premier ministre, avaient pris place dans les mêmes
studios pour l’appeler à aller plus profond, plus longtemps, à
attaquer, envahir, encore et encore, tout sauf cesser la guerre.
Les 32 morts des deux derniers jours ne sont qu’une partie des
victimes inutiles de la guerre, pour ne rien dire des morts de
l’autre camp. On pourrait les compter sur les doigts d’une
main, les rares à s’être élevés contre elle, contre cette
guerre si populaire, un véritable tube, avec au début le soutien
de plus de 90% dans l’opinion publique. Et maintenant, ils se
plaignent ? Mais où étaient-ils alors ?
Où
étaient les savants commentateurs, les généraux de réserve,
les « messieurs sécurité » et les journalistes,
tandis que tout cela se déroulait sous nos yeux ? Si, à
propos de la guerre engagée en Irak par les Etats-Unis, il y
aurait encore moyen de soutenir qu’on ne savait pas d’emblée
ce qu’il en serait vraiment, par contre pour la guerre au Liban,
tout était clair par avance. Dès la première heure de cette
guerre, il était évident que nous ne pourrions pas libérer les
soldats enlevés ni écraser le Hezbollah.
Le
défaut d’éclairage qui s’est produit ici, qui se produit
chaque fois qu’Israël déclare la guerre, ne fait pas l’objet
de discussion parmi les dizaines de pages sévères du rapport [Winograd].
Comme prévu, la commission s’est penchée sur les défauts
d’organisation, les défauts opérationnels, de commandement, et
pas sur les conceptions à la base de cette guerre, et selon
lesquelles il est permis à Israël de se lancer dans une opération
de cette envergure pour un prétexte aussi limité. Sur cet
aveuglement, Winograd n’a pas dit un mot. Cet aveuglement nous
frappera encore lors de la prochaine guerre. Avec ou sans Olmert.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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