Il a huit
ans, il porte un sweat-shirt Mickey
Mouse
et les Israéliens l’ont placé en
garde à vue Gideon
Levy et Alex Levac
Ahmed Abu
Rimaileh. Le garçonnet de 8 ans admet
avoir pleuré quand il a été arrêté.
Photo : Alex Levac
Mardi 2 avril 2013
27 enfants palestiniens n’auront
pas vu l’école le 20 mars : des soldats
des FDI, en embuscade dans les rues de
Hébron, les attendaient.
Nous
n’avons pu nous en empêcher : La vue de
jeune détenu qu’on venait de relâcher
nous a donné un fou rire. Mais le rire a
rapidement fait place à une gêne
attristée. Le détenu était un garçonnet
de huit ans, en deuxième année primaire.
Quand nous l’avons rencontré, cette
semaine, dans les rues de Hébron, il se
rendait chez son grand-père. Il portait
un sweat-shirt rouge orné d’une image de
Mickey Mouse et il souriait timidement.
Sa mère l’avait envoyé chercher quelque
chose chez bon papa. À huit ans, Ahmed
Abu Rimaileh n’était pas le plus jeune
des enfants, cartable sur le dos, que
les soldats des Forces de défense
israéliennes ont emmenés en garde à vue
mercredi dernier au matin : Son copain,
Abdel Rahim, arrêté en même temps que
lui, n’a que 7 ans et est en première
année.
Vingt-sept enfants palestiniens n’ont
jamais été en classe, ce jour-là. Les
soldats des FDI leur ont dressé une
embuscade, dès l’aube, dans les rues des
quartiers de Hébron se trouvant sous le
contrôle de l’armée, et les ont arrêtés
sans discrimination. Ce n’est qu’après
qu’ils ont été en garde à vue que les
forces israéliennes de sécurité ont
examiné les images vidéo qu’elles
avaient en leur possession, afin de voir
quels étaient les gosses qui leur
avaient jeté des pierres au check-point
n° 160, un peu plus tôt ce matin. Ce
check-point sépare leur quartier du
quartier des colons à Hébron. C’est ici,
voici quelques semaines, que les soldats
des FDI ont déjà tué un adolescent,
Mohammed Suleima, qui avait arboré un
briquet en forme de pistolet.
La plupart des gosses ont été relâchés
quelques heures plus tard. Les plus
vieux ont été gardé en détention
quelques jours, avant d’être relâchés
sous caution. Un adulte, qui a tenté de
s’interposer par la force à
l’arrestation du fils du collègue, a été
amené au tribunal cette semaine.
Le fait que 18 de ces enfants avaient
moins de 12 ans, l’âge de la
responsabilité pénale, selon la Loi
israélienne sur la jeunesse, de 1971
(verdicts, sanctions et méthodes de
traitement), n’avait manifestement
aucune importance aux yeux des FDI, de
la police israélienne ou de la police
des frontières. Pas plus que n’en avait
la rapport accablant publié à peine
quinze jours plus tôt par l’Unicef, le
Fonds des enfants des Nations unies et
qui condamne Israël pour avoir arrêté
quelque 7.000 enfants palestiniens au
cours de la décennie écoulée.
« Les mauvais traitements infligés aux
enfants palestiniens dans le système des
centres de détention militaire s’avèrent
répandus, systématiques et
institutionnalisés », déclarait le
rapport de l’Unicef, ajoutant que «
dans aucun autre pays, les jeunes ne
sont systématiquement jugés par des
tribunaux militaires de la jeunesse
».
La Loi sur la jeunesse interdit
l’arrestation d’enfants de moins de 12
ans. Il apparaît également que la clause
stipulant que les enfants plus âgés ne
peuvent être interrogés sans la présence
de leurs parents et de leur avocat ne
s’applique pas aux enfants palestiniens.
Une volontaire du Mouvement de la
solidarité internationale, un groupe
d’activistes propalestiniens, qui a
filmé à l’aide d’une caméra vidéo
l’opération au cours de laquelle les
enfants ont été arrêtés, a fait parvenir
la prise de vue à B’Tselem, le centre
israélien d’information pour les droits
de l’homme dans les territoires occupés,
et B’Tselem nous l’a remise.
On voit un soldat cracher
grossièrement sur le sol, un autre porte
en fait le cartable de son petit
prisonnier – comme s’il était un
baby-sitter venu raccompagner le gosse
de l’école à la maison. La photographe
amateur du MSI a été expulsée d’Israël
le même jour, après avoir également la
témérité de participer à la
manifestation de Hébron contre la visite
du président Barack Obama.
Voici la vidéo :
En fait, ces
arrestations de masse des gosses ont eu
lieu le 20 mars, le jour même où Obama
est arrivé en Israël et la veille du
jour où il a exprimé ses remarques sur
les enfants palestiniens à Jérusalem.
« Mettez-vous dans la peau des
Palestiniens », a déclaré le
président à l’adresse des Israéliens.
Très tôt ce même matin, des résidents
palestiniens de Hébron ont remarqué des
dizaines de soldats israéliens prenant
position dans les rues et sur les toits
des maisons du quartier. Un résident
effrayé a appelé le travailleur de
terrain local de B’Tselem, Manal al-Jaabari,
pour lui demander ce qui se passait.
Triés selon l’âge
De son côté, Ahmed Abu Rimaileh s’est
éveillé à 7 heures, ce matin-là, et,
avec les 2 NIS qu’il a reçus de sa mère
comme argent de poche, il est parti pour
l’école ; parfois, il reçoit 2 NIS,
parfois 1,50 seulement. Il fréquente
l’École primaire de Hadija Elementary
School, juste au bas de la rue. Jouxtant
son école, il y a trois autres écoles
faisant partie d’un complexe éducatif
situé à quelques centaines de mètres du
check-point.
Son père, Yakub, travaille dans le
bâtiment. Sa mère, Hala, est pour
l’instant assise avec nous, à leur
maison. Alors qu’il était sur le chemin
de l’école, Ahmed explique qu’il s’est
arrêté à l’épicerie du coin et qu’il a
acheté un paquet de biscuits pour 1 NIS,
et qu’il a gardé l’autre shekel en
réserve. Comme il allait quitter la
magasin, sept ou huit autres gosses sont
brusquement entrés en courant, certains
de son âge, d’autres plus âgés. Ils
avaient des soldats à leurs trousses, et
tous les gosses ont été arrêtés dans le
magasin.
Un soldat a ordonné à Ahmed de mettre
les biscuits dans son cartable avant de
le saisir par l’épaule et de le traîner
vers le check-point. Ahmed dit qu’il
était très effrayé. Il admet également
avoir pleuré, mais rien qu’un peu. Au
check-point, lui et tous les autres
gosses arrêtés ont été jetés dans un
véhicule de l’armée – 27 grosses dans un
seul véhicule, certains assis, d’autres
debout, selon la description d’Ahmed.
Trois soldats les accompagnaient, dans
le véhicule. Certains des enfants
pleuraient et les soldats leur ont dit
de se ternir tranquilles. L’un des
enfants a été frappé, dit Ahmed. Tous
ont été emmené au bureau de police
israélien le plus proche, situé à
proximité du Tombeau des Patriarches, où
on leur a dit de s’asseoir à même le
sol, dans une cour fermée. Les enfants
de plus de 12 ans ont été séparés des
plus jeunes en emmenés au bureau de
police de Kiryat Arba, avant d’être
envoyés à la prison d’Ofer, au nord de
Jérusalem.
Ahmed Burkan, 13 ans, n’a été relâché
que le soir. Malik Srahana, 13 ans
aussi, a été détenu en garde à vue
pendant trois jours à la prison d’Ofer
avant d’être relâché moyennant une
caution de 2.000 NIS. Le travailleur de
terrain de B’Tselem, Musa Abu Hashhash,
qui l’a rencontré immédiatement après sa
libération, affirme que l’adolescent
présentait des signes de traumatisme.
Selon un rapport transmis par la
Croix-Rouge internationale à B’Tselem,
18 des enfants arrêtés avaient moins de
12 ans. Ils ont été gardés dans la cour
intérieure, sous la garde d’un policier,
pendant près de deux heures. Personne ne
leur a proposé de la nourriture ou de
l’eau.
Des enfants ont demandé d’aller aux
toilettes, mais on le leur a refusé,
rappelle Ahmed. Le policier leur a
demandé qui parmi eux avait jeté des
pierres, mais personne n’a répondu. Il
leur a ensuite demandé s’ils savaient
quels enfants avaient jeté les pierres
et ils ont cité deux des enfants plus
âgés, qui avaient été arrêtés, puis
séparés d’eux.
Au bout d’un certain temps, trois jeeps
sont arrivées et ont emmené le groupe
des plus jeunes au check-point 56, près
du quartier de colons de Tel Rumeida.
Là, les enfants ont été pris en charge
par trois jeeps de la « coordination
sécuritaire de la police palestinienne",
qui les ont emmenés à leur propre bureau
de police. La police palestinienne leur
a donné à manger et a demandé à tous
ceux qui avaient jeté des pierres de
lever la main.
Les parents ont été appelés au bureau
de police afin de reprendre leurs
enfants. Les parents d’Ahmed et ceux de
quatre autres enfants ne se sont pas
présentés. Ces cinq enfants ont été
reconduits chez eux dans une voiture du
ministère palestinien de l’Éducation.
Leurs parents inquiets les attendaient.
Hala déclare qu’elle n’est pas fâchée
contre son fils. Elle lui a simplement
demandé de ne pas pleurer la prochaine
fois qu’il serait arrêté par des
soldats. « Nous sommes habitués
», dit-elle, ajoutant que son fils a
rêvé de son arrestation, la nuit
dernière.
Le bureau du porte-parole des FDI a
livré la déclaration que voici en
réponse à une demande émanant de Haaretz
: « Mercredi dernier, 20 mars 2013,
des mineurs d’âge palestiniens ont jeté
des pierres contre une unité gardant le
check-point de Hébron. Des effectifs des
FDI placés en embuscade ont attrapé les
jeteurs de pierres en pleine action. Les
mineurs palestiniens ont été arrêtés sur
les lieux mêmes et sept d’entre eux,
âgés de plus de 12 ans, ont été emmenés
pour être interrogés par la police
israélienne. Comme c’est la police
israélienne qui a interrogé les mineurs
d’âge, c’est à elle qu’il convient
d’adresser la question concernant la
non-présence d’un parent ou d’un avocat
au cours des interrogatoires. »
Le lendemain de l’incident, Ahmed a
refusé de se rendre à l’école, mais ses
parents l’ont persuadé d’y aller. Toute
la journée, il a été un héros pour ses
condisciples : Ahmed, le prisonnier
libéré. Il n’est pas entré dans le local
de classe ce jour-là, mais a passé la
journée au bureau du principal. Il
voudrait être docteur, quand il sera
grand, comme quelques autres dans sa
famille élargie, nous dit-il. Sa mère
dit qu’il est bon élève et que c’est un
brave petit.
Ahmed a sept frères et sœurs. Les cinq
garçons dorment dans une chambre, dans
deux lits et sur des matelas posés à
même le sol. Il y a un vieil ordinateur
dans la chambre, il est éteint. Ils
n’ont pas de connexion Internet. Dehors,
dans la rue, on entend un jeune
revendeur, du même âge qu’Ahmed, vanter
sa marchandise. Après l’école, le garçon
vend des halabi, des pâtisseries sucrées
et regorgeant d’huile, faites maison,
pour un demi-shekel.
Publié le 29 mars sur
Haaretz.
Traduction pour la Plateforme Charleroi
Palestine : JM Flémal.
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