Tendances
de l'Orient
L'armée avec le
peuple face aux "Ikhwans"
Ghaleb Kandil
Le général
Abdel Fattah el-Sissi
Lundi 8 juillet 2013
Le chef des Forces armées égyptiennes,
le général Abdel Fattah el-Sissi, a
indiqué que l'armée a procédé, avant le
soulèvement populaire du 30 juin, à une
évaluation stratégique de la situation
dans le pays, qui a montré l'urgence de
la formation d'un gouvernement d'union
nationale. Mais le président Mohammad
Morsi a refusé cette option. Après la
destitution du chef de l'Etat et
l'accélération des développements, de
nombreuses questions se posent sur le
rôle de l'armée et l'évolution du
conflit.
Pendant les semaines qui ont précédé
l'intifada du 30 juin, le fossé s'est
creusé entre la direction des Frères
musulmans (Ikhwans) et la commandement
des forces armées. Il s'est soldé par
les manifestations historiques de
millions d'opposants à Morsi à l'appel
de "Tamarrod". Quelques mois seulement
après sa fondation, ce mouvement
avaient déjà rassemblé 22 millions de
signatures pour la pétition réclamant la
démission du président.
Les racines de l'Etat central en Egypte
remontent à des milliers d'années, à
l'époque des pharaons. Le rôle de la
bureaucratie civile et militaire s'est
profondément ancrée en tant que réalité
sociologique depuis la révolution du 23
juillet 1952. L'armée a hérité de
l'époque de Jamal Abdel Nasser un
structure complexe, qui lui confère de
profondes racines sociales et populaires
non seulement parce que ses membres sont
issus des rangs du peuple mais aussi car
l'institution militaire représente,
d'une manière directe ou indirecte, une
force économique qui génèrerait près de
40% du PIB. Ses entreprises agricoles,
industrielles et militaires emploient
des millions de personnes et fournissent
à autant de familles des revenus qui
leur permettent de subvenir à leurs
besoins. L'armée entraine dans son
sillage des pans entiers de la
bureaucratie de l'Etat, notamment la
justice et l'administration civile.
Ce poids exceptionnel contraint donc
l'armée à prendre en compte la majorité
populaire qui refuse le maintien de
Mohammad Morsi au pouvoir. Partant de
là, et dans le cadre de son évaluation
stratégique des dangers internes et
externes qui menacent la nation, à
laquelle le général Sissi a fait
allusion, l'armée a conseillé à Morsi de
ne pas se lancer dans la guerre contre
la Syrie. Elle a expliqué au président
que les difficultés économiques, la
réalité politique du pays et les
considérations liées à la sécurité
nationale, ne permettent pas une telle
implication. Cependant, la direction des
Frères musulmans semblaient déterminée à
aller jusqu'au bout. Certaines
informations indiquent que le discours
du 15 juin de Mohammad Morsi, appelant
au Jihad en Syrie, était le coup d'envoi
pour la formation d'un contingent
égypto-palestinien qui serait envoyé en
Jordanie pour participer à l'agression
contre la Syrie à partir du front sud (Daraa).
Des informations assurent que les plans
concoctés par les Etats-Unis, la France,
le Qatar et la Turquie pour un
"rééquilibrage" de la situation sur le
terrain en Syrie, misaient, en grande
partie, sur ce contingent de jihadistes.
Ce plan a été catégoriquement rejeté par
l'armée égyptienne.
Le commandement militaire a refusé de
couvrir le pouvoir de Mohammad Morsi
face à l'écrasante majorité de la
population. Elle a proposé au président
un compromis basé sur un nouveau
partenariat avec toutes les forces
politiques du pays, qui lui permettrait
de rester en place. Mais il a une
nouvelle fois refusé. Les médiations se
sont poursuivies entre le 30 juin et le
2 juillet, sous la supervision
personnelle du général Sissi. Ces
tentatives se sont encore heurtées à
l'intransigeance des Frères musulmans,
qui ont refusé tout partenariat
national. Le guide de la confrérie,
Mohammad Badih, a ensuite donné le
signal de la rébellion armée dans les
rues du pays, ce qui menace d'un grave
danger la stabilité de l'Egypte, après
les dizaines de morts et les centaines
de blessés tombés sous la violence des
extrémistes.
Au lieu de réviser ses calculs et
reconnaitre les erreurs de ses
politiques qui servent les intérêts de
l'Occident et d'Israël, la direction de
Frères semble déterminée à aller de
l'avant dans ses choix qui la mettent
désormais face au peuple égyptien et à
son armée. Cette décision risque
d'alourdir le prix de la transition vers
le changement, surtout en l'absence
d'une force politique dirigeante
possédant un projet clair répondant aux
aspirations du peuple égyptien. Par
conséquent, l'armée semble la seule
force organisée à qui incombera la tâche
de régulateur entre les différents
partis politiques et courants sociaux.
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