Tendances
de l'Orient
Pas de grand deal
au détriment de la Syrie
Ghaleb Kandil
Lundi 7 octobre 2013
Certains analystes s'imaginent de grands
deals conclus après le bras de fer
consécutif à la décision de Barack Obama
d'agresser la Syrie. Ils évoquent des
scénarios qui n'existent que dans leur
esprit sur de prétendus arrangements
entre la Russie et les Etats-Unis. Des
informations émanant de sources fiables
indiquent que le priorité de la Russie
était d'empêcher toute attaque contre la
Syrie. Aussi, a-t-elle pris les
positions adéquates pour atteindre cet
objectif. Cela est clairement apparu
dans l'annonce par le président Vladimir
Poutine de l'engagement de son pays à
fournir à la Syrie tous le matériel
militaire et le soutien économique
nécessaire pour se défendre face à toute
agression extérieure. Effectivement, la
décision russe s'est concrétisée sur le
terrain par plusieurs mesures: envoi de
plusieurs bâtiments de guerre au large
des côtes syriennes; livraison à l'armée
syrienne d'armes sophistiquées
conformément aux contrats signés. Ces
informations assurent que la décision
américaine d'attaquer la Syrie était
sérieuse et non pas une manœuvre, comme
a tenté de le faire croire Obama, après
qu'il eut été contraint de reculer.
L'Iran et la Russie possèdent des
renseignements certains sur le fait que
le jour et l'heure de l'agression
avaient été fixés par le Pentagone. La
décision a été annulée après que les
Etats-Unis eurent réalisé que le prix de
l'attaque sera très élevé en raison de
la détermination de la Syrie à résister,
surtout que les missiles syriens ont été
déployés, prêts à être tirés. L'Iran
aussi a adressé des messages forts en
activant ses missiles balistiques de
longue portée, capables d'atteindre des
cibles militaires et économiques,
terrestres et maritimes, dans une région
allant du détroit d'Ormuz à Israël, en
passant par les pays du Golfe. De plus,
le silence du Hezbollah a constitué une
énigme, difficile à évaluer dans le
processus des pertes et profits. Après
que les Etats-Unis se soient résignés à
s'en remettre au Conseil de sécurité,
acceptant ainsi les nouveaux rapports de
force mondiaux, Moscou s'est employé à
mettre sur les rails la solution
politique proposée à l'origine par le
commandement syrien, basée sur un
mécanisme garantissant l'arrêt de la
violence et le début du dialogue
politique. Vladimir Poutine a exprimé
cette vision en exposant son initiative
chimique, mettant l'accent sur la
nécessité de mettre un terme à l'afflux
d'armes et de mercenaires en Syrie, et
en appelant à l'arrêt du soutien aux
terroristes. Il a évoqué la nécessité
d'un engagement américain allant dans ce
sens, de sorte à contraindre les autres
Etats qui financent et arment les
extrémistes à y renoncer. Jusqu'à
présent, Washington n'a pas répondu
positivement à la démarche russe et
esquive tout engagement, en continuant à
offrir une couverture politique à ses
partenaires et alliés dans la guerre
contre la Syrie. Pourtant, les pays
occidentaux commencent à reconnaitre
qu'une partie de ceux qu'ils appellent
les "groupes armés modérés" rejoignent
les rangs d'Al-Qaïda. Dans ce contexte,
les combattants liés à cette
organisation terroriste affichent
désormais ouvertement leur volonté de
dominer les régions rebelles de Syrie en
tentant de chasser leurs rivaux d'une
bande de territoire s'étendant de l'Irak
à la Turquie. L'Etat islamique d'Irak et
du Levant (EIIL), dirigé par l'Irakien
Abou Bakr al-Bagdadi, a installé des
barrages sur les principales routes
menant à la frontière et ouvert
plusieurs fronts pour contrer ses
concurrents. Selon des témoignages
recueillis par les agences de presse
internationales auprès de civils et de
rebelles résidant dans le nord et l'est
du pays, le groupe cherche à s'emparer
des ressources naturelles, comme le
pétrole, contrôler les axes routiers et
soumettre la population. Le conflit
entre la Russie et les Etats-Unis se
poursuit dans le cadre des nouveaux
rapports de forces, avec leurs
complexités géopolitiques et
économiques. Le premier changement dans
les relations irano-américaines
constitue le fruit des nouvelles
équations, nées de la résistance de la
Syrie et des réalisations enregistrées
par l'axe de la résistance ces deux
dernières décennies. Mais tout cela ne
signifie en aucun cas que Russes et
Américains, ou Iraniens et Américains,
sont parvenus à un deal au sujet de la
Syrie ou des nombreux autres dossiers
litigieux, comme le nucléaire iranien,
le bouclier anti-missile américain, le
Bahreïn, le Yémen ou le retrait
d'Afghanistan. La Russie cherche à
récupérer toutes ses zones d'influence
traditionnelles prises par les
Etats-Unis après l'effondrement de
l'Union soviétique, qui comprennent
d'anciennes Républiques soviétiques, des
Etats anciennement membres du Pacte de
Varsovie, ou encore des pays slaves et
orthodoxes. L'Iran, pour sa part, veut
arracher la reconnaissance par
l'Occident de son rôle régional et veut
obtenir la levée des sanctions
internationales, tout en préservant ses
droits nucléaires. La Syrie, enfin, est
déterminée à écraser les terroristes et
les mercenaires internationaux, soutenus
par la Turquie et les pays du Golfe. Ce
qui était vrai il y a des mois l'est
toujours aujourd'hui: tout se joue sur
le champ de bataille.
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