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Jerusalem Post
La
triste histoire de mon ami Sam Bahour
Gershon Baskin
[Sam Bahour, palestinien d'origine américaine,
entrepreneur et citoyen exemplaire, devra quitter Ramallah à la
fin du mois. Résultat d'une décision de l'ancien ministre de la
défense, Shaul Mofaz, qui relève du "nettoyage
ethnique". A quand la fin de l'occupation, qu'on fiche enfin
la paix à ces gens?]
Jerusalem Post, 25 septembre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Ces 15 derniers jours, j'ai passé des heures à tenter d'aider un
ami. Bon, ce n'est pas vraiment un ami, c'est à peine si nous
nous sommes rencontrés.
Pendant des années, nous avons échangé des emails, et nous
avons participé ensemble à une conférence à l'université de
Tel-Aviv. J'étais impressionné par ses manières douces et son
attitude décidée dans la vie.
Par de nombreux points, il me rappelle mon cas. Il a immigré dans
ce pays par profond idéalisme. Il sentait qu'il rentrait chez
lui. Il voulait servir son peuple, bâtir une vie pour lui-même
et pour sa famille. Comme moi, il a immigré des Etats-Unis. Il y
a vécu pendant des années et y a accompli un certain nombre de
choses, dont se faire un nom dans le monde des affaires.
Son nom est Sam Bahour, et il est palestinien. Il est rentré en
Palestine au tout début du processus de paix, pour bâtir
le nouvel Etat et contribuer à la paix. Il croyait au processus
de paix et voulait faire sa vie au sein de son peuple.
A Ramallah, Sam a créé une société hi-tech, et aussi un petit
centre commercial. Il avait un rôle actif et central dans la vie
sociale et intellectuelle de Ramallah.
Sam est partout, toujours prêt à donner un coup de main,
toujours prêt à rencontrer des Israéliens parce qu'il croit à
la paix. Il a de nombreux amis israéliens partout en Israël. Il
a même un MBA délivré par l'université de Tel-Aviv.
Le seul endroit où Sama n'a pas d'amis, c'est l'Administration
civile, et c'est là qu'il en aurait besoin, plus que jamais.
Quand Moshe Arens était ministre de la défense, au début des
années 90, il a formé une commission, dirigée par le professeur
Ezra Sadan, pour réexaminer la politique économique d'Israël en
Cisjordanie et à Gaza. La commission Sadan avait recommandé, et
le ministre Arens a appliqué, un changement de politique majeur
qui, de fait, encourageait les investisseurs d'origine
palestinienne à "retourner" en Cisjordanie et à Gaza
pour investir et créer des emplois.
Quand le processus de paix se mit en route, après 1993, cette
politique fut développée et les expatriés palestiniens furent
appelés par le gouvernement israélien comme par l'Autorité
palestinienne à retourner en Palestine et à y bâtir leur avenir
tout en contribuant à la paix.
Ce que fit Sam. Mais ce que Sam ignorait, c'est qu'Israël
continuerait à contrôler le registre de la population, et qu'il
devrait quitter le pays tous les trois mois pour pouvoir rester au
pays.
Sam est un citoyen respectueux des lois, et donc, tous les trois
mois, il quittait le pays pour renouveler son visa de touriste
valable trois mois.
Tout le monde savait que Sam n'avait rien d'un touriste, mais on
jouait le jeu des apparences pour qu'il puisse demeurer à
Ramallah avec femme et enfants et continuer à diriger l'affaire
florissante pour laquelle il avait travaillé si dur.
Depuis des années, des milliers de personnes jouent le même jeu.
Sam fit une demande de regroupement familial en 1994, avant l'avènement
de l'Autorité palestinienne. Il faut également noter que des
milliers de Juifs vivent depuis des années en Israël avec des
visas de touristes, sans être le moins du monde menacés.
A la fin du mois, soit dans quelques jours, Sam devra une nouvelle
fois quitter le pays, mais cette fois, il ne reviendra pas.
Quelqu'un a décidé que le jeu était terminé.
Un certain M. Gour Lavie, chargé du registre de la population en
Cisjordanie, m'a dit la semaine dernière : "Regardons les
faits en face. Nous savons tous que ce n'est pas un
touriste."
"Exact, nous le savons tous", ai-je répondu.
Alors, dit mon interlocuteur, "qu'il fasse une demande de
regroupement familial."
Idée brillante! Depuis 2000, quelque 120.000 demandes de
regroupement familial ont été déposées, mais depuis le début
de l'Intifada en septembre 2000, l'Etat d'Israël a arrêté
d'examiner ces demandes.
Réaction de l'officier du registre : "c'est son problème"
et il a raison. C'est son problème, mais cela devrait être
aussi le nôtre.
Il y a quelque chose qu'il faut bien comprendre. Sam Bahour n'a
pas envie d'habiter en Israël. Il vit à Ramallah, et veut
continuer à vivre à Ramallah. Lui aussi veut arrêter de jouer
à ce petit jeu.
Et il n'est pas le seul. Il fait partie des milliers de
Palestiniens qui n'ont pas de carte d'identité émise par
l'Autorité palestinienne. Ainsi, il ne dispose d'aucune carte
d'identité approuvée par l'Etat d'Israël. Sam Bahour n'a que
son passeport américain, qui ne lui sert plus à rien pour
avoir l'autorisation de vivre à Ramallah.
Le fonctionnaire auquel j'ai parlé applique une politique qui
n'est rien d'autre qu'une forme de nettoyage ethnique, mais ce
n'est pas lui qui a pris la décision. Ce n'est qu'un
fonctionnaire de niveau intermédiaire dans un pseudo-système
gouvernemental de contrôle appelé "occupation".
C'est l'un de ses supérieurs qui a pris la décision. Son supérieur
direct étant le chef de l'Administration civile, il semblerait
qu'un général aurait pris la décision. Mais ce n'est pas le général
Karim Abou Rukon, chef actuel de l'Administration civile. Cela est
venu de plus haut. Abou Rukon dépend du général Yossef Mishlev,
coordinateur des actions du gouvernement dans les territoires,
mais ce n'est pas non plus le général Mishlev qui a pris la décision.
Elle a été prise par le ministre de la défense, non pas Amir
Peretz, mais son prédécesseur, Shaul Mofaz. Ce fut probablement
l'une des dernières décisions qu'il ait prises avant de quitter
son poste. Il est possible que Peretz ne soit même pas au courant
de cette décision, et de son
impact sur des dizaines de milliers de gens en Cisjordanie.
Il est temps de mettre fin à cette farce. Quand j'ai immigré en
Israël, je suis devenu résident temporaire. Quand j'ai été prêt,
on m'a accordé la citoyenneté et la résidence permanente.
Sam Bahour n'a pas encore d'Etat duquel devenir citoyen, mais on
pourrait certainement lui accorder une forme de résidence pour
lui permettre de continuer à être le citoyen exemplaire qu'il
est. Nous, les Israéliens, aurions intérêt à garder Sam Bahour
et les milliers d'autres comme Sam, en tant que voisins en
Cisjordanie. Les chances de bâtir une paix véritable augmentent
quand des gens comme Sam Bahour peuvent être nos voisins. Honte
à un gouvernement d'Israël qui forcerait des gens comme Sam à
partir!
Au cours des derniers jours avant Yom Kippour, nous devrions tous
demander pardon à Sam Bahour et corriger une fois pour toutes
l'injustice qui lui est faite, ainsi qu'à des milliers d'autres.
C'est la chose la plus juive à faire, en particulier pendant les
jours saints qui séparent Rosh Hashana (nouvel an) de Yom Kippour
(jour du Grand pardon).
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