Il se dit ici et là que les négociations
israélo-palestiniennes conduites en parallèle par Ehoud Olmert
et Mahmoud Abbas d’une part, et par Tzipi Livni, ministre
israélienne des affaires étrangères, Ahmed Qoreï, négociateur de
l’Autorité palestinienne d’autre part, sont en train de parvenir
à un stade final [1].
Or, pour parvenir à un accord, il y a des questions inévitables
qu’il faut traiter. Il y a également des mesures sur le terrain
qui sont nécessaires si l’on veut bâtir une opinion publique qui
soutienne cet accord potentiel, mesures qui pourraient être
appliquées immédiatement, aqvant même de parvenir à un accord
total.
Il semble que Livni
n’accepterait aucun accord qui ne reconnaisse pleinement Israël
en tant qu’Etat juif. Lors des préparatifs du sommet d’Annapolis
de novembre 2007, nous nous souvenons que c’était là une des
principales exigences d’Israël qui ont rendu impossible une
déclaration de principes commune. Les Palestiniens avaient
rejeté cette exigence. Le négociateur Saeb Erekat avait
déclaré : "Nous reconnaissons Israël,
ne nous forcez pas à déterminer votre identité."
Derrière cette déclaration d’Erekat, il y a
l’idée que si les Palestiniens reconnaissaient Israël en tant
qu’Etat juif, ils souscriraient au transfert de plus d’un
million de Palestiniens citoyens israéliens. Et pour eux, cela
préjugerait également du résultat des négociations sur le droit
au retour [des réfugiés palestiniens], avant même que cette
question n’ait été mise sur la table.
La position israélienne
est que la solution de deux Etats pour deux peuples se fonde sur
le principe du partage de la terre, en accord avec la résolution
181 des Natons unies du 29 novembre 1947, qui stipulait
clairement : "Les États indépendants
arabe et juif (...) commenceront d’exister en Palestine."
L’OLP comme l’Etat d’Israël fondent la légitimité de leur Etat
[actuel et à venir] sur cette résolution. La résolution
elle-même, ainsi que les lois de l’Etat d’Israël, protègent les
droits des minorités non-juives en Israël, et quand il y aura un
Etat de Palestine, les droits des minorités non-palestiniennes
devraient également y être protégés par la loi.
Les Palestiniens n’ont jamais réellement
compris que la notion d’Etat juif ne reposait pas seulement sur
des concepts religieux. Ils n’ont jamais totalement perçu les
Juifs comme un « peuple » et considèrent le sionisme comme une
invention colonialiste illégitime destinée à les priver de leurs
droits nationaux.
Les négociateurs devront trouver la formule à
la fois appropriée et acceptable pour surmonter cette
contradiction. Il serait possible de citer cette même résolution
des Nations unies et lui ajouter que les droits de la minorité
palestinienne en Israël et ceux de la minorité juive en
Palestine seront garantis et protégés par la loi. Toutefois, les
Palestiniens disent que si nous retournons à la résolution 181,
pourquoi ne pas également se référer à la carte d’alors, qui
était conçue pour la partition ? Cette position, bien entendu,
est inacceptable pour Israël.
La formulation de la déclaration Ayalon-Nusseibeh [2]
adoptait deux principes pour affirmer la légitimité de la
solution deux Etats pour deux peuples : "Les deux parties
déclarent que la Palestine est le seul État du peuple
palestinien et qu¹Israël est le seul État du peuple juif », et
« Les réfugiés palestiniens ne retourneront que dans l’État de
Palestine ; les Juifs ne retourneront que dans l’État d’Israël".
Cette formulation a été possible parce qu’elle comprenait des
positions claires concernant les frontières et Jérusalem qui lui
ont permis de s’accorder sur un « package deal ».
Concernant ces questions, Ami Ayalon et Sari
Nusseibeh s’étaient mis d’accord qu’à Jérusalem, la souveraineté
serait partagée en deux, sauf pour les lieux saints où personne
n’aurait la souveraineté, mais où Israël servirait de gardien du
Mur des Lamentations et la Palestine de gardien du Haram
al-Sharif / Mont du Temple. Sur les frontières, le principe
retenu était d’utiliser les lignes du 4 juin 1967 comme base,
avec des échanges territoriaux acceptables et équivalents.
L’Initiative de Genève [3]
traitait cette question comme suit :
"Les Parties reconnaissent la Palestine et Israël comme les
patries de leurs peuples respectifs."
Là encore, il s’agissait d’une formulation acceptable à cause de
la nature globale de l’Initiative de Genève.
Pour le moment, et pour autant que nous le
sachions, les négociations israélo-palestiniennes ne sont
parvenues qu’à un accord sur le principe des échanges de
territoires, mais non sur la taille des territoires qui seraient
annexés par Israël. Il ne semble pas non plus y avoir d’accord
sur Jérusalem ni sur les réfugiés.
Pour parvenir à un accord global, les deux
parties devront faire d’importantes concessions. Tout comme les
Palestiniens devront reconnaître le caractère juif d’Israël,
Israël devra reconnaître sa part de responsabilité dans la
création du problème des réfugiés palestiniens (responsabilté
non pas totale, mais certainement partielle, et même très
importante). Cette reconnaissance par Israël est nécessaire pour
que les Palestiniens puissent accepter que le principe du droit
au retour soit appliqué essentiellement dans l’Etat de Palestine
et non en Israël.
Cette reconnaissance des deux côtés de ces
principes fondamentaux est un pré-requis pour parvenir à un
accord qui pourrait permettre une réconciliation réelle et
durable. Les deux côtés devront également reconnaître que
Jérusalem constituera la capitale des deux Etats avec le partage
requis de la souveraineté, y compris le partage du contrôle ou
de la souveraineté sur les lieux saints.
Les deux parties pourraient également prendre
des mesures immédiates qui donneraient une fondation plus solide
aux déclarations citées plus haut. Les Palestiniens pourraient
indiquer que, sur le principe, ils seraient prêts à accorder la
citoyenneté palestinienne à des colons israéliens, qui seraient
soumis à la souveraineté et aux lois palestiniennes. Israël
pourrait accorder le droit à Mahmoud Abbas d’aller prier à la
mosquée Al-Aqsa au début du Ramadan (cela ne s’est pas fait,
bien entendu, ndt). Les deux parties pourraient s’accorder sur
la construction d’une ou de plusieurs villes nouvelles en
Cisjordanie, pour lesquelles le droit de résidence serait donné
en priorité à des réfugiés palestiniens de retour du Liban.
Il n’y a aucune raison d’attendre un accord
final et sa ratification par les peup^les pour commencer à
mettre en œuvre des mesures qui bâtiraient la paix sur le
terrain.
La paix ne se bâtit pas seulement par des
accords sur le papier. Cela est nécessaire, mais non suffisant.
La paix doit se bâtir sur le terrain, de bas en haut. Nous
devons commencer à transformer les mots et les concepts en
réalités nouvelles.