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Fredoneverything

Gaza vu par Fred

 

on Fredoneverything.net, 15 avril 2009
http://www.fredoneverything.net/FOE_Frame_Column.htm 

La question pratique, à propos de la récente invasion de Gaza par Israël, n’est pas : « Qui a raison ? », mais plutôt : « Israël en a-t-il encore pour longtemps ? » 

Au moment où j’écris ceci, Israël est en train d’utiliser une armée faite pour combattre des pays hostiles afin de combattre une population hostile. Dans le monde moderne, cela n’a que très rarement marché. Pour battre un pays, vous détruisez son armée et vous vous emparez de son territoire. Mais Gaza n’a strictement aucune armée susceptible d’être détruite (aucun tank, aucun avion) et Israël en possède déjà le territoire. « Tsahal » peut bien envahir, la population sera toujours là, et elle sera toujours hostile. Filer des coups de poignards dans un flan de gélatine n’a jamais servi à grand-chose.

Israël reste un petit pays, dans une région qui n’en veut à aucun prix. Les raisons et les torts n’y changent rien. Encore et encore, Israël frappe, frappe, contre des ennemis qui peuvent être défaits, mais jamais de manière décisive. Et c’est ainsi que les bombes tombent sur Gaza, sur la Syrie, sur Beyrouth, peut-être bientôt sur l’Iran ? Chaque guerre est la garantie de la prochaine : 1948, 1956, 1967, 1973, 1982, 2006, 2009 (il n’y aura jamais de fin).

L’Israël d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec le pays rêvé dans lequel les professeurs de l’université d’Heidelberg fuyant l’Europe travaillaient la terre de leurs propres mains dans les kibbutzim et jouaient du violon ou aux échecs, le soir. Israël ressemble bien davantage précisément à ce que ces universitaires fuyaient. Les conflits brutaux génèrent des brutes. Les atrocités engendrent des contre-atrocités, les extrémistes prennent la direction du pays et les solutions militaires semblent les seules possibles.

Où cela va-t-il finir ? Combien de temps cela va-t-il pouvoir durer ? Encore cinquante ans ? Un siècle ? A mon avis, soit ce pays trouve la paix avec ses voisins, soit il termine comme le Royaume des Croisés. Nous pouvons bien stipuler que les Israéliens sont les meilleurs au monde ou les pires, cela n’a strictement aucune importance : vous mourez dans la sainteté aussi facilement que dans le péché…

Il semble que les Israéliens soient en train de se piéger eux-mêmes dans leurs propres pratiques politiques. Ils poursuivent leur annexion de la Cisjordanie. Les colonies sont désormais tellement nombreuses et tellement peuplées que les démanteler est probablement politiquement impossible pour tout gouvernement israélien, ce qui exclut toute solution à deux Etats. Pour contrôler une importante population très largement hostile, vous ne pouvez pas faire autrement que recourir à des méthodes brutales, qui ne font qu’entretenir l’hostilité de la population. Les Arabes sont en train de dépasser les Israéliens démographiquement, si bien qu’un nombre proportionnellement décroissant d’Israélien gouvernent une vague (lentement mais sûrement) croissante d’Arabes. Pensez à l’Afrique du Sud. Comment cela pourrait-il encore marcher ? Pour combien de temps ?

Par ailleurs, il y a une importante minorité arabe en Israël. Ces Arabes sont plus prolifiques, eux aussi, que les juifs. Si cela continue, sachant que les Arabes israéliens peuvent voter, Israël deviendra, un jour, un Etat islamique. Tôt ou tard, la question sera, concernant Israël : « Un Etat démocratique, OU un Etat juif ? »

L’Amérique (du Nord) a anéanti sa population indigène, les Espagnols ont épousé la leur, mais Israël ne peut faire ni l’un, ni l’autre. Alors : quid ?

Les Israéliens n’aspirant pas à parler avec leur minorité musulmane, le choix sera entre l’asservissement ou l’épuration ethnique. L’asservissement, là encore, aboutirait à une proportion de juifs en constante diminution gouvernant des musulmans de plus en plus nombreux. Pour vous faire une idée : pensez à l’Alabama, en 1930. Apparemment, l’asservissement de la minorité arabe commence : Israël vient d’interdire aux partis arabes de participer aux futures élections (même si les cours d’appel ont cassé cette décision).

L’épuration ethnique ? Rafler une importante minorité et l’expulser requerraient une brutalité horrifiante. C’est la solution la moins morale, mais peut-être la plus réalisable. Il est tout à fait possible que le Congrès américain aboierait, mais, j’en ai bien peur, pas avant qu’il ne soit trop tard. De toutes les façons, si Israël vitrifiait Chicago, le Congrès approuverait.

Les indicateurs à long-terme pointent vers le bas. La position militaire d’Israël n’est pas aussi brillante que d’aucuns l’imaginent. Il possède, tout au moins il possédait, la dernière fois que j’ai traité de cette question, une armée de l’air splendide, une bonne infanterie, des armes nucléaires, et des ennemis étatiques manifestement pas à la hauteur. Aucun de ces éléments n’a une utilité quelconque face à des populations en colère.

Il semble probable que les pays islamiques vont finir, un jour au l’autre, par détenir des armes nucléaires. Le danger n’est pas qu’un pays musulman pourrait lancer spontanément des bombes atomiques sur Israël, car cela reviendrait à un suicide national. Mais vos armes nucléaires, vous n’avez nullement besoin de les utiliser, pour qu’elles soient efficaces…

Aujourd’hui, la Bombe est l’atout d’Israël. Imaginons que, par exemple, la Syrie attaque et (ce qui est improbable) qu’elle commence à l’emporter : dans un tel cas de figure, les villes syriennes seraient transformées en verre de bouteille, et Damas le sait. Par conséquent, Israël n’encourt strictement aucun danger de subir une quelconque défaite militaire conventionnelle. Mais si des pays arabes détenaient l’arme nucléaire, l’atout israélien perdrait de sa valeur : avant de bombarder des pays qui sont en mesure de vaporiser vos villes, vous devez faire sacrément gaffe…

De plus, Israël dépend totalement d’un pays étranger, j’ai nommé l’Amérique, pour sa propre survie. Les Etats-Unis fournissent les armes, l’aide financière, les vétos à l’Onu et le soutien militaire de dernière instance, dès lors qu’Israël est quasiment cuit (comme en octobre 1973, par exemple). Sans ce soutien, Israël n’en aurait plus pour très longtemps. Des petits pays sans pétrole ne sont pas à même d’entretenir une armée massive.

Si j’étais Israélien, je serais inquiet. Le soutien américain dépend de manière cruciale, sinon totalement, des lobbies pro-israéliens. Dès lors que ceux-ci s’affaisseraient, c’en serait fini d’Israël. Non que les Etats-Unis grésillent d’un antisémitisme prêt à bondir. Ce n’est pas le cas. Mais les Américains ne se soucient guère du monde extérieur, ils sont nuls en histoire, et archinuls en géographie. Quant au Congrès, il n’est loyal qu’à lui-même.

Aujourd’hui, on peut lire dans les journaux qu’il y a eu un vote écrasant du Congrès en soutien à Israël, mais le chiffre est hautement artificiel. Le problème, c’est aujourd’hui, c’est aujourd’hui, mais qu’un aujourd’hui a toujours un demain… Le Congrès soutient quiconque est prêt à cracher au bassinet pour l’intimider, et aujourd’hui le Lobby est en mesure d’arroser l’opposition très généreusement. Si le vent tourne, le Congrès, tel la girouette, prendra une autre direction. Qu’est-ce qui pourrait faire se lever un vent différent, d’une force suffisante ? Je n’en sais rien. Mais je note qu’Israël n’a pas une goutte de pétrole, alors que ses ennemis en ont et que la demande est en forte croissance. Pensez à Taïwan…

De plus, je doute que le soutien de l’opinion publique à Israël soit aussi fort qu’on nous l’assure : nous sommes très loin du compte. Chez les conservateurs, que les doigts des deux mains ne suffisent pas à compter, il y a une hostilité latente considérable à l’encontre des juifs, et une détestation bien plus forte encore d’Israël. Je ne sais pas à quel point l’antagonisme est sérieux. Etre excédé, c’est une chose. Mais vouloir voir le pays tomber, avec les conséquences horribles que cela aurait presqu’à coup sûr en est une autre. Mais les gens voient rarement aussi loin : beaucoup, s’ils le pouvaient, se contenteraient de hausser les épaules, en disant : « Je m’en tape : c’est leur problème ! ». Mais un haussement d’épaules national, aux Etats-Unis, mettrait un terme à l’acharnement thérapeutique visant à sauver Israël.

Je sens comme un léger fumet de damnation, flottant au-dessus de Tel-Aviv. La puissance américaine semble sur le déclin, l’issue de ses guerres islamiques est douteux, son contrôle sur ses Etats clients musulmans est chancelant. Rien de ce qu’Israël pourrait éventuellement faire n’apparaît viable sur le long-terme. La démographie est impitoyable, l’hostilité régionale arabe est garantie, l’équilibre militaire ne peut que se détériorer, toute l’aventure (sioniste) est entre les mains d’un lobby. Je me souviens d’avoir pensé, à propos de l’Union soviétique : « ça ne pourra pas durer éternellement ». Je n’entrevoyais pas davantage de quelle manière cela aurait pu s’arrêter de continuer, remarquez bien… Et pourtant, ça a pris fin.

A moins que quelque chose ne change au Moyen-Orient – et, à ce sujet, je n’ai pas de fulgurations – je n’entrevois aucun happy end.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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