Site d'information sur la Palestine, le Moyen-Orient et l'Amérique latine

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  Sommaire Pierre Barbancey  -  Originaux  Analyses  -  Mises à jour


Le Web de l'Humanité

Les Palestiniens dans la nasse
Françoise Germain-Robin

Vendredi 30 mai 2008

Proche-Orient . Face à la colonisation galopante et au silence complice de l’Europe, les Palestiniens, isolés dans un territoire morcelé, désespèrent de voir naître un État libre et viable.

Palestine, envoyée spéciale.

« En réalité, il n’y a plus de processus de paix. » Cette opinion du professeur Ghassan Khattib, vice-recteur de l’université de Birzeit et ancien ministre de l’Autorité palestinienne où il représentait le Parti du peuple palestinien (PPP), est largement répandue. Pas seulement chez les Palestiniens. Elle est partagée par nombre de diplomates européens auprès de l’Autorité palestinienne. Ils sont les premiers témoins de la dégradation d’une situation qu’ils dénoncent en vain dans les rapports qu’ils font à leur gouvernement.

La colonisation s’accélère

« Depuis la conférence d’Annapolis, dit l’un d’eux, la colonisation s’accélère comme jamais. Les autorisations de construction dans les colonies de Cisjordanie ont été multipliées par dix. Pas seulement dans les "blocs" de colonies qu’Israël entend annexer, mais aussi au-delà du mur, dans ce qu’on appelle les "avant-postes illégaux". L’architecture de séparation se met en place à un rythme accéléré. Elle se double d’une strangulation volontaire de l’économie palestinienne. Les gens n’arrivent plus à vivre par eux-mêmes. »

Une analyse que confirme les constats faits par l’Ocha (bureau des affaires humanitaires de l’ONU) qui tient un compte scrupuleux de l’extension des colonies et des obstacles mis par Israël à la libre circulation des biens et des personnes. Il a constaté que la plupart des cinquante barrages dont Ehoud Barak, le ministre de la Défense (travailliste), a annoncé la levée n’ont en fait jamais existé. Fin mai, on en dénombrait toujours 607. Pourtant, selon les études de l’UE, s’ils étaient levés, la croissance de l’économie palestinienne pourrait être de 5 % en 2008. Mais elle connaîtra une récession (- 2 %) dans le cas contraire, le plus probable.

Cet étranglement délibéré est l’un des moyens de la mise en oeuvre d’une stratégie qui, avec le mur et l’extension des colonies, vise à rendre impossible la création d’un État palestinien indépendant et à amener les Palestiniens eux-mêmes à y renoncer.

Pas pour arriver un jour à un État binational - idée à laquelle se raccrochent certains Palestiniens et une frange ultraminoritaire de l’opinion israélienne. Mais pour parachever une séparation complète d’Israël et des petites entités palestiniennes résiduelles, non viables, dont les habitants n’auraient d’autre recours qu’une dépendance totale à l’égard de l’aide internationale et de pays voisins comme la Jordanie et l’Égypte.

Ce scénario catastrophe, Ghassan Khattib le décrit ainsi : « La bande de Gaza, dit-il, est déjà complètement étranglée. Le Hamas, sous la pression de la population qui n’en peut plus, insiste pour que l’Égypte ouvre la frontière de Rafah, ce qui conduirait à une intégration progressive, de facto, de Gaza à l’Égypte. L’Égypte ne le souhaite pas, mais son gouvernement est soumis à la pression de sa propre population et des Frères musulmans. Du côté de la Cisjordanie, quand le mur sera achevé, les deux tiers de la population palestinienne se trouveront de l’autre côté, totalement isolés de Jérusalem où il n’ont déjà plus accès. Même les chrétiens, à Pâques, se sont vu refuser l’accès aux lieux saints ! Et ne parlons pas des hôpitaux et des universités. La population sera de plus en plus conduite à se tourner vers la Jordanie qui devient déjà la seule porte de sortie. Israël espère que le tiers restant s’intégrera peu à peu et que ce sera la fin du problème palestinien. »

Comment échapper à cette nasse qui se referme sur le peuple palestinien ? Les avis sont partagés. Pour Ghassan Khattib, une seule solution : « Il faut dire aux Israéliens qu’ils doivent choisir entre négociation et colonisation ; geler ce faux processus de paix qui ne fait que délégitimer le président de l’Autorité palestinienne. Et se consacrer à la seule tâche urgente : renforcer l’unité interne entre Palestiniens et relancer la lutte politique en multipliant les lieux de résistance pacifique sur le mode de ce qui se fait contre le mur à Bil’in avec des militants de la paix israéliens et du Mouvement international de solidarité. »

Prise entre le Hamas et Israël, l’Autorité palestinienne tente un dernier effort pour obtenir d’Ehoud Olmert une bouffée d’oxygène qui ranimerait un processus de paix moribond. Le président Mahmoud Abbas, dont le mandat prend fin en janvier 2009, menace de jeter l’éponge si la colonisation n’est pas gelée. Il doit réunir en juillet un congrès du Fatah qui risque de tourner au constat de l’échec d’une stratégie, celle d’Oslo. En fait, son sort dépend du bon vouloir de son partenaire, le premier ministre israélien, Ehoud Olmert.

« Abbas et Olmert, c’est l’aveugle et le paralytique », dit la vice-présidente travailliste de la Knesset, Colette Avital. Olmert, sous la menace d’une inculpation pour corruption, risque d’être contraint de démissionner. Abbas a perdu la bande de Gaza au profit du Hamas et risque de perdre aussi la Cisjordanie. L’un et l’autre sont en si mauvaise posture que leur seule chance de se sauver serait d’arriver très vite à un accord de paix. Les sondages montrent que 80 % des Israéliens le souhaitent. »

Un optimisme qu’est loin de partager l’opinion publique tant palestinienne qu’israélienne. On craint au contraire une course à l’abîme : que la coalition Kadima-Parti travailliste, pour se sauver et éviter des élections, choisisse, comme en 2006, une nouvelle aventure militaire.

« Le gouvernement israélien, estime Anouar Abu Aisheh, professeur à l’université Al-Qods et habitant d’Hébron, est entre les mains du lobby colonial qui impose sa loi : tous les jours, on construit de nouvelles colonies. Dans ces conditions, aucun pas ne peut être fait vers la paix. Pourtant, le peuple israélien en a besoin autant que nous. Mais ses dirigeants croient tout pouvoir nous imposer par la force. Je crains une nouvelle guerre sanglante. »

Que font les pays Européens ?

Face à cette montée des périls, que fait l’Europe ? Rien, si ce n’est dispenser des bonnes paroles et des aides humanitaires dont une part va dans les poches d’Israéliens, puisque tout passe par eux. « Une manière de se donner bonne conscience en essayant de faire oublier sa lâcheté politique, avoue un diplomate de l’UE sous couvert de l’anonymat. Il n’y a plus aucune conditionnalité politique à l’application de l’accord d’association avec Israël. Et on s’attend à ce que cela s’aggrave encore avec la présidence française. »

© Journal l'Humanité
Publié le 1er juin 2008 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.



Source : Le Web de l'Humanité
http://www.humanite.fr/...


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient et de l'Amérique latine.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux