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Affaires stratégiques

Retour sur la stratégie de sécurité nationale américaine
François-Bernard Huyghe


François-Bernard Huyghe - © Photo IRIS

Jeudi 8 juillet 2010

Une petite brochure d’une cinquantaine de pages publiée fin Mai par la Maison Blanche et intitulée "La stratégie de sécurité nationale" vient préciser la politique extérieure d’Obama, qui l’a présenté et en a préfacé le texte. Le 44e président, après avoir rappelé que nous vivons dans un monde dangereux et que de tels périls sont la rançon de la mondialisation - propos qui ne fâchent guère -, nomme l’ennemi principal d’une Amérique engagée dans deux guerres de front, Irak et Afghanistan : Al-Qaïda et ses "affiliés".

Certes, les USA ont renoncé à la rhétorique de la "Guerre Globale à la Terreur" (prenant acte que le terrorisme est une méthode, non une puissance ou une idéologie) ou à la phraséologie de l’axe du Mal et de la guerre "préemptive". Certes, la nouvelle administration rappelle souvent que la lutte contre "l’extrémisme violent" (nouvelle façon de désigner les adversaires sans faire allusion à leur religion) commence par l’exemplarité des USA en matière de respect des droits et de libertés. Certes, il s’agira désormais de rechercher des solutions multilatérales avec ses alliés. Certes, les USA comptent de plus en plus sur leur "smart power" (mélange du "hard power" que symbolise la puissance militaire et du "soft power", l’influence qu’exercerait la pays par la séduction de sa culture, l’exemplarité de sa "société ouverte", de sa prospérité et de ses institutions ou l’universalité des valeurs qu’elle incarne et propage).

Reste pourtant que, presque dix ans après le 11 septembre, et au moment où la guerre d’Afghanistan devient la plus longue guerre de l’histoire US (plus longue que le Vietnam, par exemple), la nouvelle présidence n’a renoncé ni à la notion d’une organisation unique source des menaces majeure contre la sécurité planétaire, ni à la chasse aux Armes de Destruction Massive, ni à la croisade contre les États voyous ou proliférants, ni a fortiori à l’idée que les USA doivent, grâce à leur supériorité militaire, défendre leurs intérêts et leur leadership et comme gendarme et comme modèle du monde. Le tout sans angélisme, car, comme le déclare Obama : "Tant que nous serons confrontés à de multiples menaces - de la part d’États, d’acteurs non-étatiques et d’États en faillite - nous maintiendrons la supériorité militaire qui a assuré la sécurité de notre pays et soutenu celle du monde entier pendant des décennies."

Certes, personne ne soutient que la politique étrangère d’Obama ne diffère de celle de Bush que par des concessions verbales ou une manière plus souple. Mais elle n’est pas aux antipodes non plus : elle synthétise plutôt quelques thématiques répandues par les néoconservateurs sous son prédécesseur, plus d’autres thèmes hérités, eux, de l’ère Clinton : élargissement du modèle américain à la planète, nouvel ordre mondial durable, reposant sur l’expansion de la démocratie, de la technologie et du marché.

Le tout d’ailleurs au nom d’une définition élargie des intérêts américains, censés coïncider avec ceux des autres peuples. Ces intérêts « nouvelle manière » comprennent aussi bien un volet sécuritaire à proprement parler, que la prospérité économique, la propagation de "valeurs" et l’instauration d’un ordre international. Chaque élément de ce quatuor révélant à sa manière l’évolution de la géostratégie US.

La sécurité ? La notion ne cesse de s’élargir,- comme d’ailleurs en France dans le dernier Livre blanc, - puisqu’elle recouvre un vaste éventail de périls intérieurs ou extérieurs, humains ou non où la notion de souveraineté perd presque son importance. Ces dangers se multiplient qu’ils soient terroristes, qu’il s’agisse des catastrophes naturelles ou des épidémies, qu’ils concernent la "homeland security" ou la cybersécurité, sans oublier la prolifération, l’influence des États voyous ou faillis, etc. Dans cet inventaire où la guerre classique apparaît presque comme la moindre vraisemblable des peurs, c’est finalement un bizarre mantra qui a la priorité : la lutte pour "perturber, démanteler et défaire Al- Qaïda et ses affiliés, extrémistes violents en Afghanistan, au Pakistan et autour du monde." Cela indique d’abord que l’actuelle administration considère la situation en Irak comme en voie de règlement et comme bien engagé le transfert de la responsabilité de la guerre aux autorités locales. Cela confirme ensuite la confiance des USA dans la stratégie du "surge", l’effort décisif, ou plutôt de la "contre-insurrection" qui vise à reconquérir un pays village par village. Et cela montre combien reste vivant le mythe de l’ennemi unique, au moment où la capacité de nuisance d’Al-Qaïda et de son "commandement" central par rapport à d’autres acteurs du jihad est tout sauf démontrée. La question du Pakistan est pudiquement traitée par un appel à la coopération "dans l’intérêt mutuel" avec ce pays dont on sait bien qu’il est la clef de toute la question des talibans et des jihadistes venus de l’étranger.

La prospérité ? Peu de surprises de ce côté, dans la mesure où, même sur fond de crise et de rigueur budgétaire, le programme reste à base de développement durable, investissement dans la recherche et l’éducation, de coopération internationale et autres thèmes plutôt prévisibles sous cette administration.

Plus révélatrice est la partie consacrée aux valeurs. L’idée de la mission des USA, État exemplaire chargé d’une mission universelle (la "promesse américaine") a ici repris toute sa force. Certes, quelques passages sont implicitement critiques sur la gestion de Bush (la nécessité d’incarner d’abord ces valeurs en ne pratiquant pas la torture, en gardant la lutte anti-terroristes dans les limites de l’État de droit démocratique,). Mais l’idée d’une promotion de la démocratie et des droits de l’Homme au R.OW. (rest of the world) prédomine : aider les démocraties fragiles, refuser les compromissions avec les régimes autoritaires, soutenir hors de ses frontières les dissidences, les droits des femmes, le libre accès aux technologies, la lutte anti-corruption, aider les partenariats privé/public et soutenir l’action des ONG et de la société civile... La tradition de l’internationalisme démocratique wilsonien, présentée ici comme prophylaxie à la tentation terroriste

C’est ce que confirme toute la partie consacrée à l’ordre international. Il est très clair qu’il existe trois cercles dans les autres Nations : les alliés naturels voués à participer de toutes les coalitions (Europe plus Turquie, Japon, Corée du Sud, Thaïlande, Philippines, Canada et Mexique...), des puissances émergentes (Chine, Russie, Inde dans une moindre mesure membres du G20) avec qui s’établissent des relations d’intérêt mutuel, et puis le reste du monde. Dans ce cadre, les USA se proposent d’animer les initiatives internationales de lutte contre le réchauffement climatique, de maintien de la paix, d’intervention humanitaire, de lutte contre le crime international... et toujours dans la perspective de cet "ordre international qui soutiendra nos efforts pour promouvoir la sécurité, la prospérité et les valeurs universelles".

Curieuse vision, au total, que ce catalogue qui mêle thèmes de gauche et de droite, réalisme de la force et utopie de l’influence, tous les périls et tous les espoirs. Et dont le non-dit (le Pakistan, l’enlisement afghan, la nécessité, tôt ou tard, de négocier avec les talibans) est, peut-être plus révélateur que ce qui est dit.

François-Bernard Huyghe, chercheur associé à l’IRIS

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Publié le 9 juillet 2010 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.

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Source : Affaires stratégiques
http://www.affaires-strategiques.info/...


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