Par Fériel Berraies Guigny
1er Forum africain de la Finance islamique : les
perspectives
Zoubeir Ben Terdeyet. PDG Isla Invest
La finance islamique représente aujourd'hui entre 500 et 800
milliards de dollars d'actifs gérés selon les principes de la
Charia et a enregistré une croissance de plus de 20 % depuis les
dix dernières années.
Cependant,
son apport reste faible en Afrique malgré les 412 millions
musulmans qui constituent près de 50% de la population globale
estimée à 850 millions d’habitants.
Selon des
déclarations à l’issue du séminaire sous-régional islamique de
deux jours qui s’était tenu lundi 14 et mardi 15 avril 2008 à
Dakar le développement de la finance islamique sur le continent
africain doit pallier au déficit chronique par une approche plus
calquée sur les réalités du terrain.
C’est
ainsi que, le Maroc, la Tunisie, la Libye, l’Algérie, qui ont
considérablement assaini leur situation financière au cours de
ces dernières années ont recommencé à faire valoir leurs
perspectives de ré-endettement vis-à-vis du monde musulman en
émettant des obligations (sukuk en finance islamique) Avec ces
fonds levés auprès des investisseurs du Golfe et du sud-est
asiatique, ils ont recyclé cette partie de liquidité dans des
investissements en infrastructures.
Le Soudan reste le marché phare, avec 22
banques islamiques et près de 10 milliards d’actifs conformes à
la Charia. L’influence de ce mode de financement au sein de
l’Afrique subsaharienne, qui accueille cependant des banques
islamiques de «manière ouverte», reste encore très limitée.
Toutefois, selon la vision de certains spécialistes, les pays de
cette région d’Afrique pourraient profiter de cette vogue pour
investir dans le financement de l’immobilier, de l’automobile,
de la consommation et dans le secteur de la micro-finance.
Le 2 et 3 avril 2008, le cabinet Isla-Invest
Consulting a organisé à Casablanca le premier Forum africain de
la finance islamique. A l'origine de ce projet novateur, M.
Zoubeir Ben Terdeyet, fondateur d'Isla-Invest Consulting.
L'organisation de cette conférence avait pour but de mieux
appréhender les fondements, les instruments et l'organisation de
la finance islamique. Des professionnels francophones ont eu
l'occasion d'exposer leurs travaux, mais également leur analyse
du marché actuel ainsi que les opportunités d'investissement en
Afrique.
L’Expression a rencontré monsieur Ben Terdeyet pour évoquer les
points relatifs à ce nouveau système de financement de plus en
plus en vogue dans le monde. Les enjeux, les perspectives mais
également les contraintes pour le marché ont été abordés.
Entretien:
1/La
Finance islamique après l'Europe a t-elle un avenir en Afrique ?
Selon
un rapport publié le 26 mars dernier par Moody"s Investors
Services et rédigé par Anouar Hassoun, un de nos intervenants
durant le Forum africain de la Finance Islamique, le marché
potentiel de la finance islamique
sur le continent africain pourrait s'élever à près de 235
milliards de dollars US.
La
finance islamique est une opportunité de financement pour les
états souverains qui souhaiteraient recourir au Sukuk afin de
financer leur économie.
Elle
est une opportunité pour les populations car elle est une
alternative beaucoup plus éthique et respectueuse des valeurs
religieuses que la banque conventionnelle.
2/Quels sont les fondements et les principaux objectifs de la
finance islamique ?
L’un des objectifs principaux de la finance islamique est
l’équité entre les parties avec un partage des pertes et des
profits à travers le respect de la sharia.
La finance islamique a débuté en 1975, on
l’estime aujourd’hui à plus de 800 Milliards de $, plus de 1000
milliards pour 2010. C’est une croissance à deux chiffres depuis
les dix dernières années. Les principales richesses se trouvent
au moyen orient mais la Malaisie est également en pointe.
Il y a en Islam des interdits et des obligations, le principal
interdit est le prêt à intérêt ce qui est un paradoxe en finance
où tous est basé justement sur la notion d’intérêt. Vous avez
aussi l’interdiction de la spéculation et de l’incertitude,
ainsi que l’interdiction d’investisseur ou de financer des
activités haram.
La
finance islamique est présente dans tous les secteurs de la
finance : fonds actions et immobiliers, private equity,
financement de projets, et l’équivalent des émissions
obligataires avec les Sukuks.
3/Le Panafricanisme va t-il de pair avec les valeurs du
financement islamique ?
Le panafricanisme se définit comme le
mouvement
politique et
culturel qui considère l'Afrique,
les Africains et les descendants d'Africains hors d'Afrique
comme un seul ensemble visant à régénérer et unifier l'Afrique
ainsi qu'à encourager un sentiment de solidarité entre les
populations du monde africain. Alors que la finance islamique
prend en compte la spiritualité avec comme source la Sharia,
donc sans aucune frontière et surtout sans politique.
Toute
l’Afrique n’est pas musulmane, les besoins s’exprimeront donc
d’une manière différente. Mais cela n’empêchera pas d’établir
des banques islamiques dans des pays non musulmans car l’éthique
musulmane est universelle dans la mesure où ce qu’elle prône
avant tout, c’est le partage des pertes et des profits sans
qu’aucune partie ne soit lésée. Or l’Afrique a été très souvent
mise à genoux en raison de dettes colossales qu’elle n’a jamais
pu rembourser.
4/A qui
le financement islamique s'adresse t-il précisément ?
Il faut s’avoir que la finance islamique ne s’éloigne pas de la
finance classique en terme de marché, elle s’adresse donc aux
états souverains, aux entreprises, aux particuliers et bien sur
aux personnes souhaitant recourir au micro crédit.
Maintenant, il est vrai que le choix de chacun est motivé par
différentes raisons.
On peut penser que les particuliers seront guidés par la foi
dans le choix de ces produits dont le coût au départ est un peu
plus onéreux, on va payer une surprime afin d’être en accord
avec sa foi.
En ce qui concerne les états et les entreprises, on peut penser
qu’ils le feront par opportunisme car l’excès de liquidité se
trouve aujourd’hui dans les pays du golfe qui sont devenus les
banquiers du monde, et dont beaucoup aujourd’hui ne jurent que
par la finance islamique.
Vous avez ensuite le cas des chefs d’entreprises qui souhaitent
que la gestion de leurs entreprises soit en phase avec leurs
convictions religieuses personnelles.
Les opportunités sont de deux ordres : le financement de grands
projets en terme d’infrastructures, d’industrialisation via
l’émission de sukuk et la mise en place de banque islamique afin
d’augmenter le taux de bancarisation ou servir des clients qui
ne souhaitaient pas avoir recoures au crédit classique.
5/Quelles sont les contraintes ?
Les contraintes sont réglementaires et fiscales mais il faut
également lutter contre les préjugés avec un travail pédagogique
afin d’expliquer ce qu’est la finance islamique.
En Afrique francophone, il existe des législations qui se
rapprochent du droit civil et commercial français. Les méthodes
utilisées par les banques islamiques nécessitent une légère
adaptation au niveau des règles de refinancement et d’accès à
l’épargne public via la mise en place de compte à terme
participatif.
6/Y
a-t-il un marché réellement intéressant en Afrique ?
L’Algérie compte une banque islamique (Al Baraka Algérie), une
deuxième verra le jour en septembre (Al Salam Bank) et deux
autres demandes sont en cours. A Djibouti, vous avez une banque
islamique et deux autres sont en cours. En Tunisie, vous avez la
BEST Bank et la BEST Ré. En Mauritanie, en Gambie, au Sénégal
vous avez des banques islamiques. Au Maroc des demandes sont
faites mais les produits alternatifs sont en places dans
certaines banques.
Donc oui
il y a un marché. Intéressant ? Seuls les actionnaires de ces
différents projets peuvent en juger mais vu leur attirance pour
le continent africain, je pense que oui.
Les banques du Moyen Orient ont besoin de placer leur excédent
de liquidité, l’Afrique est un marché intéressant car composé
d’une forte population musulmane.
Pour les banques européennes, il s’agit de ne pas perdre de
parts de marché.
7/Parlez nous de votre première réunion qui s'est tenue en avril
Le premier Forum Afrique de la Finance Islamique s’est déroulé
à Casablanca le 02 et 03 avril dernier. Nous avons eu une
centaine de participants venant d’Algérie, Tunisie, Ile Maurice,
Djibouti, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire et bien sur nos
hôtes marocains. Puis se sont joints à nous des professionnels
de France, du Luxembourg, de Suisse, de Belgique et
d’Angleterre.
Ce fut un moment d’échange d’expériences, d’apprentissages pour
beaucoup et surtout une occasion de débattre de l’opportunité
que représente la finance islamique pour le continent.
Les échos de nos participants sont plutôt
très positifs et ceci nous encourage déjà à travailler sur la
deuxième édition.
Je pense que ce forum a permis à nos participants de repartir
avec énormément d’informations ce qui leur permettra de
convaincre les plus sceptiques au sein de leurs entités
respectives, leur facilitera la mise en œuvre de certains
produits « sharia compliant » et de nouer éventuellement des
partenariats avec d’autres participants.
En ce qui concerne Isla Invest, cela nous a permis de démontrer
un certain savoir-faire en terme d’organisation ce qui va nous
pousser à établir des partenariats au niveau de certain pays
afin de mettre en place des formations sur la finance islamique
au niveau local.
De plus, nous avons pu rencontrer certains participants afin de
leur présenter notre gamme de services car Isla Invest
Consulting est avant tout un cabinet de conseil qui souhaite
accompagner ses clients dans la résolution de problématiques
liées à la finance islamique.
En ce qui concerne l’édition du deuxième forum, nous sommes déjà
en réflexion en ce qui concerne les thèmes à aborder mais nous
nous fixons pour objectifs de doubler le nombre de participants
et d’augmenter de manière significative le nombre de sponsor.
Mais je souhaiterai remercier nos sponsors et les participants
qui nous ont fait confiance pour cette première édition et qui
en ont fait un succès.
merci monsieur Ben Terdeyet
Crédits :
Article de presse ourtesy of F.B.G Communication
www.fbgcom.net/
Publié le 17 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies
Guigny
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