Lettre de Paris.
Par Fériel Berraies Guigny
La Fracture
Coloniale, une politique de désaveu pour la France ?
«Au commencement est le mépris… »
Paul VALERY, dans
Orient et Occident. Regard sur le monde actuel, 1931.
Et Franz Fanon d’ajouter :
« Je n’ai pas le droit, moi homme de
couleur, de souhaiter la cristallisation chez les Blancs d’une
culpabilité envers le passé de ma race. Je n’ai pas le droit,
moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me
permettraient de piétiner la fierté de l’ancien maître. Je n’ai
ni le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres
domestiqués [...]. Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui
déshumanisa mes pères. »
Frantz FANON, Peau noire, masques
blancs, 1952.
Les débats sur le passé colonial de la
France ne cessent depuis quelques années d’envahir l’espace
public et de susciter bien des polémiques. Un réveil
des consciences, qui s’est fait avec sa part de douleur,
de deuil, de culpabilité et de dénégation. Pourtant les
héritiers de la colonie ne manquent pas, pour rappeler cette
histoire. En
cette terre de l’égalité et de la fraternité, certains héritages
ne meurent jamais, même quand on leur tourne le dos.
La « question coloniale » qui est à
toutes les sauces ainsi que l’inévitable
sujet du post colonialisme
via les questions liées à l’immigration ou celles
concernant la Françafrique, rendent compte de la prééminence de
la politique de dénégation
qui prévaut et qui n’en est pas moins, l’expression
d’une
l’histoire nationale
mal assumée.
L’histoire coloniale est
jeune car elle s’enfante continuellement à travers les
générations, elle vit dans
les mémoires
et se construit
comme un pilier de
toute une identité collective.
Cinquante ans après les grandes
décolonisations dont la plus sanglante et marquante concerne la
guerre d’Algérie et la « perte » de l’Indochine française,
l’essentiel du
bouillonnement actuel que beaucoup d’intellectuels ont choisi de
s’approprier, tourne autour des questions coloniales et
postcoloniales, histoire de tenter de comprendre la crise
sociale que traverse la France dans son pays mais aussi dans
« ses anciens territoires d’outremer » douloureusement
émancipés.
Et cette crise sociale s’est
transformée en une crise d’identité qui se solde par une
politique d’exclusion amenant la marginalisation de la
communauté « indigène ». Relégation, rejet, exclusion dans les
quartiers, discrimination face à l’emploi, sont autant de signes
révélateurs du mal intégré.
Les
« enfants de la colonisation » sont mal digérés dans une
histoire coloniale controversée ce qui contribue
aussi à la montée d’un « sentiment d’insécurité » voire à une
nouvelle forme de racisme. Au menu de ces dérapages idéologiques
nés du refus du passé colonial, les
phobies anti-islam et le rejet de la France en Afrique
francophone.
Le
déni, en France est devenu un sport
national et il
renforce pour une partie de la population,
le sentiment que leur histoire est bafouée ; et
favorise ainsi,
des résurgences de politiques néocoloniales en Afrique.
La cerise sur le gâteau, c’est quand certains dignitaires
continuent de suggérer que la période coloniale fut
« une belle période pour la France », jetant l’ombre sur les
violences et les crimes de l’action des colons. Par ailleurs,
sur le territoire français, la différence de l’autre constitue
toujours un facteur d’exclusion et non de construction
nationale. La France a du mal à vivre avec sa diversité en
somme.
Et comme l’écrivait Pierre Joxe en
1998 : « Il y a encore chez nous l’habitude d’avoir des sujets,
de coexister avec des individus de statut inférieur, de faire
travailler à notre profit des hommes n’ayant pas tous les droits
de l’homme et encore moins ceux de citoyens. [...] D’une
certaine façon, il manque en France une prise de conscience sur
les crimes commis en son nom durant la période coloniale et
durant la décolonisation. » Pour en sortir, poursuivait-il, il
faut faire appel à une « culture historique, qui existe chez une
fraction de la gauche et de l’intelligentsia, mais qui n’a pas
été présente dans le débat politique, qui a été occultée, alors
qu’elle serait nécessaire pour comprendre certaines difficultés
actuelles »
A réfléchir….
Crédits :
Article de presse Courtesy of F.B.G Communication
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Publié le 17 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies
Guigny
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