Opinion
Destructions, pillage et
liquidations physiques à Kidal, Gao et
Tombouctou : exactions franco-maliennes
à huis clos
Fayçal
Oukaci
Lundi 28 janvier
2013 Après une remontée spectaculaire à
partir de Bamako, pour arriver à Sévaré, Douentza et Diabali, les
forces françaises et africaines
contrôlent désormais la boucle du
Niger, Tombouctou et Gao, villes
situées à 900 et 1 200 km au nord de
Bamako. Le porte-parole de l'état-major des
armées à Paris, le colonel Thierry Burkhard, a affirmé hier, que cette
prise de contrôle a été réalisée en
quarante-huit heures. Bamako jubile
: «Après avoir pris la ville de Gao,
nous contrôlons l'aéroport de
Tombouctou. Nous n'avons rencontré
aucune résistance. Il n'y a aucun
problème de sécurité en ville.» Ces informations sont perçues comme
uniformes, loin s’en faut, les
choses se présentent sous d’autres
coutures en réalité. Selon nos
sources à Gao et Tombouctou, les
armées franco-africaines se sont
livrées à des exactions contre les
populations civiles, parce que les
islamistes ont quitté, à chaque
fois, leurs bastions avant l’arrivée
des troupes militaires. « Les bombardements sur Kidal,
bastion d'Ansar Eddine, n’ont fait
que des morts parmi les populations
arabes de l’Azawad et les Touareg.
Moins de quatre morts parmi les
islamistes d’Ansar Eddine ont été
recensés sur la centaine de
personnes tuées. Une ancienne caserne de l’armée a
été détruite, mais le ksar d’Iyad Ag
Ghali a été curieusement épargné,
soulevant des questions à longueur
de lignes », nous confirme Mohamed
Barbouchi « Mandela », une de nos
sources au Mali depuis le début de
la crise. « A Gao, avec la couverture aérienne
et l’avancée des militaires
français, suivis par les soldats
maliens, des exactions ont été
enregistrées », ajoute notre source,
qui précise aussi que les pillages
et les liquidations physiques des
personnalités arabes de l'Azawad et
des Touareg ont été perpétrés à
grande échelle. Hier, à Tombouctou,
c’est le même scénario. Les soldats
maliens en tenue civile, entrent
dans la ville, ciblent des
personnalités arabes ou touarègues,
les assassinent, se livrent aux
pillages des magasins, puis s’en
vont ! ». De toute évidence, Paris a soumis «
sa » guerre au Mali à un embargo
total. La propagande, en ces temps
bénis de la reconquête de l’Afrique,
prime. L’Europe n’en sait rien, n’en
souffle pas un traître mot, parce
que justement, elle se base dans ses
informations maliennes sur la seule
France, et en France, l’embargo sur
l'information a été décrété en haut
lieu. On ne doit montrer que les
choses qui réconfortent l’opinion et
qui montrent que la France est en
train de reconquérir le Mali, pour
le bien du peuple malien, et qu’elle
est en train de faire fuir les
islamistes et les Touareg d’Ansar
Eddine comme des rats. Les islamistes, dans un nouveau
communiqué, par la voix de Yahia
Abou al-Houmam, un des chefs d’Al
Qaida au Sahel, affirment avoir
quitté leurs bastions dans les
villes afin de ne pas donner les
motifs à des frappes contre les
civils. Ils disent aussi, après
concertation, avoir quitté les
villes afin d'éviter des boucheries
aux populations locales sous couvert
de guerre contre AQMI. Ils disent
enfin, se tenir à la périphérie des
villes, en attendant le commencement
réel de la guerre. Selon Bamako, les principaux
responsables des groupes armés, Iyad
Ag Ghaly, chef d'Ansar Eddine et
Abou Zeid, l'un des émirs d'Al-Qaïda
au Maghreb, se sont réfugiés dans
les montagnes de Kidal, à 1.500 km
de Bamako. Laurent Fabius estime que « les
groupes terroristes pratiquent une
stratégie d'évitement (...). Nous ne
voulons pas nous enliser », a-t-il
assuré à Paris. En France, le
co-président du Parti de gauche,
Jean-Luc Mélenchon, avec son
franc-parler habituel, a pointé une
évolution des buts de guerre de la
France au Mali, et mis en garde
contre des problèmes politiques
prévisibles dans ce pays, sur les
ondes d’Europe 1 : « Les buts de
guerre de la France ont évolué à
mesure de la bataille. Au début, il s'agissait de stopper
une colonne, puis il a été question
de traquer les islamistes et nous
voici partis pour reconquérir tout
le nord du Mali.»
Fayçal Oukaci
Le dossier Afrique noire
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