Opinion
Annonce du quinté
gagnant.
Les paris sont ouverts. Faites
vos jeux...
Faouzia Zeddi-Ghorab
Mercredi 14 décembre
2011
« Dans nos pays arabes, il ne manque
plus que deux révolutions sur
cinq : celles du Yémen et de la
Syrie et elles vont réussir.»
C’est en ces termes que le Dr Youssouf
el Qaradhawi, Président de
l'Union internationale des savants
musulmans, s’est exprimé ce vendredi 09
décembre lors d’un discours télédiffusé
sur la chaine Qatariote Aljazeera.
Par delà la surprise suscitée par un tel
pronostic, arrêtons-nous sur les
derniers noms de la liste du quinté
gagnant : la Syrie et le Yémen.
On nous dira surement en guise
d’argument qu’il s’agit avec l’Egypte,
la Tunisie et la Libye, de pays arabes
dictatoriaux.Mais si l’objectif est
réellement la traque de tous les régimes
arabes non démocratiques, pourquoi ne
pas évoquer le Maroc et le Bahreïn. Ou
encore Oman et l’Arabie Saoudite. Ou
enfin le Qatar et le Koweït ou les
Emirats arabes unis, la Jordanie… ?
Youssouf al Qaradhawi à propos du
Bahreïn s’en est expliqué en ces termes
: « La révolution du Bahreïn est une
révolution sectaire : des shi’ites
contre des sunnites…Tous les
shi’ites sont contre les sunnites. Alors
450.000 sunnites se sont réunis à la
mosquée el Fateh et ils ont dit nous
aussi nous avons des demandes comme les
shi’ites… Des shi’ites ont
alors attaqué des sunnites… »
On a beau tourner et retourner
l’argument, il nous glisse décidément
entre les doigts.
Même si par la suite le conflit a pu
prendre une dimension
confessionnelle, pourquoi ne pas dire
qu’à l’origine les manifestants
demandaient une constitution
démocratique et le changement d’une
monarchie indécrottable depuis le 18ème
siècle, en une monarchie
constitutionnelle ?
L’intervention Saoudienne et Emirati aux
Bahreïn avait-elle pour seul but
d’arrêter des affrontements fratricides
quant on sait que toutes ces
pétromonarchies ont pour seul ennemi
juré… l’Iran Shi’ite ? Est-ce le
shi’isme qui les dérange ou l’Islam
politique d’un pays qui a su imposer une
souveraineté nationale réelle ?
La ligue arabe et à leur
tête l’Arabie Saoudite et le Qatar
somment la Syrie de faire cesser les
violences et d’écouter la voix du peuple
! L’Hôpital qui se moque de la charité ?
Hier comme aujourd’hui,
l’intérêt de cette ligue arabe est-il de
mettre fin aux violences ? Si tel est le
cas pourquoi est-elle restée muette face
aux drames qu’ont vécu l’Algérie et le
Soudan ou l’ex-Yougoslavie à une époque
dramatiquement plus lointaine ou plus
récemment le Bahreïn pour
ne citer que ceux-là ?
Souvenez-vous : le 15 avril 1936, peu de
temps après l’assassinant de Azzedine al
Qassam, les palestiniens
sous mandat britannique, engagent une
manifestation générale et massive contre
l’implantation des colonies juives. Le
mouvement est stoppé plus de cent
soixante dix jours après, suite à
l’appel commun des souverains de
l’Arabie Saoudite, de la
Transjordanie et de l’Irak ; appel «
à faire confiance aux bonnes
intentions de notre amie, la Grande
Bretagne. » On connait la
suite de l’histoire…
Alors encore une fois pourquoi la Syrie
et le Yémen ?
A moins que Bachar al
Assad n’obtempère ou que les pays arabes
mettent un terme au massacre de civils
en Syrie, Cheikh Al Qaradhawi en appelle
à l'intervention des Nations Unies.
L’ONU prompte,
comme le sait tout un chacun, à secourir
la veuve et l’orphelin comme elle
le fit pour l’Irak, brandit en
justification de son intervention en
Syrie, plus de 5 000 morts et plus de 14
000 opposants détenus…
Combien y’a-t-il
d’enfants de moins de 14 ans détenus
dans les geôles israéliennes ou de
femmes qui attendent dans la douleur et
les larmes un mari ou un frère à jamais
disparus ?
…
Nous aurions aimé
que le Cheikh Youssef el Qaradhawi
réponde à l’invitation de Saïd Ramadhan
al Bouti, professeur à l’université de
Damas, auteur d’un livre humaniste,
visionnaire et sans faille: « Vers la
civilisation humaine », best seller
dans le monde musulman.
Il a invité le Dr
al Qaradhawi à venir se rendre compte
lui-même de la situation comme l’ont
fait d’ailleurs des dizaines de
délégations de journalistes, religieux,
médecins, écrivains d’investigation … Il
l’a invité à venir parler en personne à
Bashar al Assad comme il avait
d’ailleurs eu l’occasion de le faire
lors des bombardements sur Gaza ;
entretiens durant lesquels il n’avait
pas manqué, selon Ramadhan al Bouti, de
faire de plates éloges au Président Al
Assad notamment à propos de son courage
politique !
Ayant ses entrées
auprès du Président syrien, pourquoi ne
profite t-il pas de cette occasion
inespérée pour l’entretenir des droits
de l’Homme quant il sait que la région
transformée en vraie poudrière risque de
s’embrasser à tout moment, sans compter
la présence aux aguets des frontières,
d’un Israël invasif et barbare ?
Souvenons-nous de
l’appel lancé par
feu Mouamar al Kadhafi à tous les
observateurs qui le souhaitaient, à
venir constater de visu la situation.
Invitation à laquelle Youssouf al
Qaradhawi n’a jamais répondu.
Que lui en aurait-il
coûté de le faire quant on sait que
cette tragédie a fait des dizaines de
milliers de morts et des dizaines de
milliers de blessés ?
Qu’en coûte-t-il à
tous ces savants et autres éminences
dont les avis font autorité, de se
rendre sur les lieux, de constater puis
de venir témoigner en leur âme et
conscience ? Que craignent-ils en
faisant cela ? Ou plutôt qu’évitent-ils
en ne le faisant pas ?
La déstabilisation de
La Syrie, seul allié arabe de l’Iran
dans la région servirait-elle à couper
les canaux d'approvisionnement du
Hezbollah libanais lui aussi shi’ite ou
du Hamas sunnite ? La diversité
multiconfessionnelle jusqu’alors apaisée
de la Syrie dérange-t-elle ces
monarchies sunnites du golfe ? Ne
cherche t-on pas comme en 1936, à
contenter les intérêts d’un Occident
qui en contrepartie garantie la «
stabilité » politique et le kursî ?
D’aucuns souhaitent
un khalifat sous la forme d’une
monarchie gouvernée par des illuminés et
dont la religion d’Etat serait un Islam
dépolitisé et agueusique. Autrement dit
un pays de bigots moribonds, dont la
seule politique étrangère serait la
garantie d’un soutien inconditionnel à
Israël et la vente sans condition d’un
or noir qui leur restera un jour en
travers de la gorge.
Ne semblant pas
sensibles aux propos du
Prophète de l’Islam, on peut espérer
que ces monarques et autres
défenseurs d’un Islam bien loin de celui
d’un Salaheddin chevaleresque et
magnanime, le soient aux propos
de Jésus : « ….Remets ton épée
à sa place ; car tous ceux qui prendront
l’épée périront par l’épée. »
Qu’ils se le disent
la « loyauté » de leurs
maitres n’est pas éternelle sans
compter le fait que l’applaventrisme
n’a jamais été une politique du long
terme.
Au moment même où
l’on faisait flotter le drapeau
palestinien sur le bâtiment de l’UNESCO,
Israël accélère l’implantation de ses
colonies dans les territoires occupés...
Mais
l’irréductibilité de certaines nations
est un mythe chaque jour démenti par
tous ces foyers de manifestation,
d’indignation et de résistance à travers
le monde.
Et que l’on ne vienne
pas me dire que ce texte est un brûlot
contre les révolutions arabes. Je n’ai
jamais fait l’éloge des Saints alors que
dire de tous ces S… qui depuis des
décennies utilisent leurs peuples comme
une serpillère ou un vulgaire
marchepied.
Je comprends donc la
joie de nos frères égyptiens et
tunisiens et jamais du haut de notre «
démocratie » nous ne pourrons
mesurer le courage qu’ils ont eu.
Mais s’il faut
changer le palier de sa porte, prenons
garde et souvenons-nous que l’intérêt
des grandes puissances n’a pas changé
d’un iota et que dans leur constance ils
sont prêts à tout mais surtout au pire.
Faouzia Zebdi-Ghorab
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